Leurs derniers recours contre l’enfermement de leurs poulets rejetés, les éleveurs fermiers et bio de plein air en appellent aux consom’acteurs et citoyens. Car il s’agit d’un véritable choix de modèle agricole et d’alimentation.
« On ne se laissera pas abattre ! », « on veut des aliments de qualité », « on est révoltés ! »… Ce soir d’avril à Velleron, petite commune du Vaucluse, l’indignation et le ras-le-bol grondent. Adhérents de l’AMAP de Velleron et d’autres AMAP du département, elles et ils sont venus soutenir les éleveurs fermiers de volailles en plein air.
Ceux-ci livrent depuis plusieurs années un combat qu’ils craignent de perdre aujourd’hui. Le Conseil d’Etat vient en effet de rejeter les 3 recours déposés par 8 syndicats et organisations contre la « claustration » des volailles, pour cause de grippe aviaire. Bleu Tomate s’est fait l’écho de la question à plusieurs reprises, à lire ici, là et encore ici.
Des éleveurs épuisés et déprimés
« On est arrivés au bout du bout, regrette Carole Sanchez, éleveuse bio à Velleron et porte-parole du collectif Sauve qui poule. On a fait des recours, des manifs, saisi députés et sénateurs…Maintenant la balle est dans le camp des consommateurs ».
Et ceux-ci ont bien l’intention de la saisir. Et d’abord en adressant des milliers (des millions ? espèrent les éleveurs,) de courriers au Président de la République. Des modèles de cartes et de lettres d’interpellation seront à disposition sur les sites et réseaux sociaux, mais aussi dans les points de vente bio, les magasins de proximité, de producteurs, les marchés, etc…
Des consommateurs exigeants et révoltés
« Je signe pour soutenir l’agriculture paysanne, explique Marilène Fracès, adhérente à l’AMAP de Velleron, qui n’a pas attendu une minute. Et surtout les élevages locaux et bio, pour des poules qui soient élevées en plein air, pour le bien-être de l’animal et aussi la bonne santé, pour des produits frais et bons ».
Présent et motivé, le maire de Velleron, Philippe Armengol apporte lui aussi « le plus grand des soutiens » aux éleveurs de plein air et plus largement à la paysannerie locale à taille humaine ».
Aliments sains et bien-être animal
L’AMAP de la commune, « Nautre terrre »compte 45 d’adhérents. « Ce qu’on recherche, précise Camille Richard, sa présidente, ce sont des aliments de qualité, que les animaux puissent se déplacer en plein air, en liberté et se développer harmonieusement et avoir bon goût. Et puis ajoute-t-elle, ce mode de production ne pollue pas la planète, alors que des animaux enfermés dans de grands bâtiments, forcément il faudra leur donner des traitements parce qu’ils vont être malades. Et il faudra entretenir ces bâtiments, alors que si on les élève en plein air, il y a très peu d’impact sur la pollution de la planète ».
Des propositions et des solutions
« L’élevage de plein air, c’est la solution, pas le problème ! » clament éleveurs fermiers bio et consommateurs ! Aussi demandent–ils à l’Etat d’adapter la réglementation sanitaire selon les zones, le mode de production et la taille de l’élevage. « Depuis 30 ans que je suis installée, je n’ai jamais vu un cas de grippe aviaire. Chez moi, les bêtes arrivent à l’âge d’un jour, et lorsqu’elles partent, c’est pour votre assiette ! » souligne Carole Sanchez, l’éleveuse de Velleron.
Et c’est le cas de tous les élevages fermiers du secteur, qui travaillent en autarcie. Des modèles agricoles qui n’ont rien à voir avec l’élevage industriel aujourd’hui durement frappé par l’épizootie. « On vit dans deux mondes différents, poursuit Carole, nos volailles n’ont pas la même alimentation, le même mode d’élevage, les mêmes bâtiments… »
Plein air ou malbouffe ?
Les tenants du plein air proposent également un moratoire sur les nouveaux bâtiments industriels, le financement d’un grand plan de conversion pour désintensifier les élevages et des mesures pour assurer la souveraineté alimentaire.
Dans le Vaucluse et le nord des Bouches-du-Rhône, on compte 23 AMAP, et 650 familles. Elles militent pour la liberté de choisir une autre alimentation qu’industrielle. « Nos AMAP ont 20 ans, se souvient André Lopez, amapien de la 1ère heure, administrateur des Amap de Provence et co-porte-parole de Sauve qui poule. 20 ans de travail, d’échanges, sur les produits mais aussi sur les valeurs. Les producteurs, et en particulier les éleveurs avec qui on travaille sont le dernier rempart contre la malbouffe ».
Partout en France, une douzaine de collectifs Sauve qui Poule se créent, sur le modèle du pionner vauclusien. Regroupant éleveurs, Amapiens, consommateurs, ils se mobilisent notamment cette semaine, pour se faire entendre.
Un coin de ciel bleu
Les éleveurs fermiers et bio ont reçu le soutien de l’Association Française des Maîtres Restaurateurs. Son président, Alain Fontaine a tenu à souligner que « l’alimentation n’est pas un marché comme les autres ». L’AFMR qui défend « une restauration durable et responsable, réalisée à base de produits bruts, frais et de saison », s’inquiète de la multiplication des scandales sanitaires et s’insurge contre la malbouffe. Elle affirme, y compris dans la crise de la grippe aviaire, qu’ « il est urgent de mettre en avant les atouts fantastiques de nos productions agricoles de qualité ».
Le point sur la grippe aviaire
Elle frappe l’Ouest du pays, principalement l’Aquitaine et la Vendée. Depuis novembre, et la décision ministérielle de claustration des volailles, 1164 foyers ont été comptabilisés, 3 fois plus que l’an dernier. 39 cas sont dits en lien avec la faune sauvage (ce mode de contamination justifiant l’enfermement des animaux d’élevages). Mais la Confédération paysanne souligne que tous les primo-foyers étaient déjà en claustration. Le syndicat met plutôt en cause dans la contamination, les ventilations dynamiques, et les nombreux mouvements de personnel, de camions et de matériels entre les élevages industriels. L’an dernier, 3 millions et demi de volailles ont été tuées. Cette année, on en est à 12 millions.