Le Tour Alternatiba a posé ses vélos en Provence les 15 et 16 septembre. Associations marseillaises et visiteurs l’ont accueilli chaleureusement au Chapiteau de la Belle de Mai, dans le Village des Alternatives. Nous étions là pour écouter…
Parti de Paris le 9 juin pour s’achever le 6 octobre à Bayonne, le Tour milite contre le changement climatique. Il met aussi en lumière les acteurs et les initiatives-alternatives engagées partout sur le territoire.
A Marseille, depuis Oléo Déclic qui recycle les huiles usagées jusqu’à la Roue, la monnaie locale complémentaire, en passant par les associations qui s’activent contre les déchets de toute nature, le choix était large pour rencontrer ces citoyens actifs et engagés.
A côté des stands, des ateliers et conférences étaient organisés. Impossible de tout suivre ! Bleu Tomate a sélectionné ses interlocuteurs et rencontré l’association « Agir pour le climat », suivi le débat « Pourquoi manger local ? » et posé 3 questions au référent du Tour Alternatiba dans les Bouches-du-Rhône, Johan Laflotte.
Le Pacte-Finance-Climat, vous connaissez ?
Créée tout récemment à Marseille, la structure « Agir pour le climat » milite pour que la Banque Centrale Européenne investisse 100 milliards d’euros par an au service du climat. A l’origine, l’appel lancé fin 2017 par des personnalités dont Jean Jouzel, climatologue et Pierre Larrouturou, économiste.
Leur proposition ? Que l’Europe adopte avant 2020 un traité pour financer massivement la transition énergétique. En Europe mais aussi en Afrique et sur le pourtour méditerranéen. Extrait de leur appel : « … nous demandons instamment aux Chefs d’Etat et de gouvernement de mettre en œuvre au plus vite une politique européenne qui dépasse les clivages traditionnels, mette la finance au service du climat et de la justice sociale, et nous permette de regarder sans rougir l’héritage que nous laisserons à nos enfants ».
150 personnalités pour commencer
De Daniel Cohn-Bendit à Laurence Parisot (ex-patronne du MEDEF), de Romano Prodi (ex-président de la Commission Européenne) à Manuela Carmena (maire de Madrid), les signatures ont vite afflué. Mais il en faudra des millions, y compris de simples citoyens, pour que les dirigeants européens cessent de faire la sourde oreille. Et acceptent enfin de créer un vrai budget climat au sein de la Communauté.
Un budget pour quoi faire ?
Investir massivement dans la recherche, réorienter radicalement l’agriculture vers un modèle respectueux de la planète et de la santé, développer des projets d’avenir, augmenter nettement l’aide aux pays d’Afrique… Les propositions ne manquent pas.
Et selon les tenants du Pacte-Finance-Climat, un tel investissement permettrait la création de 5 à 6 millions d’emplois en Europe. Où l’on voit bien que la prise en compte de la question environnementale rejoint la question sociale !
Un investissement européen réaliste
Face à l’urgence, les solutions nationales ne suffiront pas, expliquent les signataires. Et flécher du financement vers les Etats pour la transition énergétique ne nécessite ni une révolution des structures ni une hausse des impôts des européens ! Extrait de l’appel : « Nous souhaitons que la création monétaire de la BCE soit mise au service de la lutte contre le dérèglement climatique et contre le chômage, et nous voulons qu’un impôt européen sur les bénéfices (de l’ordre de 5 %) permette de dégager un vrai budget. »
Objectif : un million de signatures
Pour soutenir le Pacte-Finance-Climat, l’association « Agir pour le climat » a vu le jour. Ses membres veulent recueillir suffisamment de signatures pour contraindre le Président de la République et les instances européennes à les entendre. Et à passer à l’action !
A Marseille, Jean Kergomard et Dominique Claraz ont pris leur bâton de pèlerin. Ils vont contacter le maximum d’élus et aller à la rencontre des citoyens. « Notre objectif c’est de faire signer le Pacte. Avec un million de signatures, la Commission devra bien suivre ! » espère Dominique.
Ces citoyens sensibles à la question environnementale adhèrent aussi au Pacte parce qu’il porte un projet global, en particulier les créations d’emploi.
« Pourquoi manger local ? »
La table ronde était animée par Filière Paysanne, les Paniers Marseillais et Bleu Tomate. Originalité de l’exercice, le mini-sondage réalisé le matin même non pas dans le Village des Alternatives, mais à la sortie du supermarché voisin.
Et des réponses qui posent bien les enjeux : le coût, bien sûr, mais aussi la méconnaissance des acteurs, voire la méfiance. Et en effet, entre le bio, le conventionnel, le local, les marchés, la grande distribution, les AMAP… Il y a de quoi se perdre !
Un réseau d’AMAP
A toutes ces questions, les Paniers Marseillais tentent d’apporter des réponses. Le réseau met en relation 10 maraîchers avec 1400 familles. Entre eux, une charte et un contrat sur les prix. Ils sont stables et rémunérateurs pour le producteur mais, selon Pierre Mirgaine -coordinateur du réseau-, en dessous des autres, ou égaux pour une meilleure qualité. Et cette forme de vente exclut les emballages qui font autant de déchets. Mais le système nécessite un minimum d’engagement et d’huile de coude !
Après 11 années, le réseau est présent dans tous les arrondissements de Marseille et génère près d’un million d’euros pour les producteurs.
Défendre les terres et les paysans
Autre type de réponse, les actions portées par Filière Paysanne. L’objectif est double. Défendre les terres fertiles, toujours menacées et grignotées par l’urbanisation. Mais aussi privilégier les filières courtes et locales. Celles où le consommateur peut connaître les conditions de production.
Nidal Abdelkrim est bénévole pour les Paniers. Dans le sud du Maroc où il s’est rendu avec la Confédération Paysanne, « c’est l’industrialisation de l’agriculture, entre les mains de français ou d’espagnols qui délocalisent pour profiter d’une main d’œuvre pas chère », explique-t-il. Le tout dans des conditions de vie et de travail dignes des romans de Zola, poursuit Nidal. D’où la nécessité de réfléchir à la relocalisation de l’agriculture.
Vous avez dit PAT ?
A la Métropole Aix-Marseille-Provence, un Projet d’Alimentation Territorial (PAT) est dans les tuyaux. L’initiative est à saluer, et surtout à accompagner. Les associations et les citoyens ont bien l’intention de se faire entendre – notamment sur les questions éthiques- auprès des institutions et des producteurs.
En conclusion de la table ronde, le constat est dressé que l’intérêt de manger local n’est pas perçu par une partie de la population. Soit par manque d’informations, soit parce qu’elle pense –à tort ou à raison- qu’elle n’en a pas les moyens.
Aux acteurs de terrain de convaincre que les bas coûts sont souvent synonymes d’exploitation pour les producteurs et les salariés, et que le bio et/ou local n’est pas forcément plus cher.
3 questions à Johan Laflotte, référent pour Alternatiba 2018 dans les Bouches-du-Rhône
Bleu Tomate : le Tour Alternatiba à Marseille est-il une réussite ?
Plutôt, oui. La vélorution à l’arrivée du Tour a réuni une centaine de cyclistes accompagnateurs et plusieurs centaines de personnes. Une cinquantaine de structures sont impliquées dans le Village, ce n’était pas gagné au départ, et c’est déjà positif.
Bleu Tomate : ce travail partagé aura-t-il des prolongements ?
C’est bien l’objectif. Pas forcément pour créer un collectif permanent, qui peut épuiser les équipes. Mais des rencontres entre associations peuvent naître des projets communs, une synergie se mettre en place. Des complémentarités très utiles apparaître.
Bleu-Tomate : et maintenant ? Quel « après-Tour » ?
La période est porteuse d’espoirs. Bien sûr que les tenants du système résistent et se battent pour imposer leur modèle de consommation et de croissance. Mais il y a beaucoup de signes positifs. Les récentes Marches pour le Climat ont mobilisé beaucoup de gens qui n’étaient pas impliqués ou simplement sensibilisés jusque-là.
A partir du 15 octobre, il y aura une Marche par mois. Pour continuer à mobiliser, il faut continuer à faire entendre notre discours dans les medias, sur les lieux de manifestations. Et au-delà du changement climatique, c’est toute la société qu’il faut interroger.
Bravo pour ce compte rendu très clair et instructif !