Octobre et sa Semaine du Goût ! Pour la deuxième année, sur le territoire du Ventoux, des chefs restaurateurs ont quitté leur piano. Direction les cuisines des cantines où ils ont confectionné pour les scolaires des menus locaux et de saison. A la manœuvre le Parc naturel régional du Ventoux.
De Carpentras à Vaison-la-Romaine, en passant par Mazan, Caromb, Malemort-du-Comtat et encore Malaucène, Sault et Villes-sur-Auzon, les jeunes papilles ont été sollicitées et souvent enchantées par les menus 100% Ventoux que les chefs de cuisine et de restaurant ont –de concert- concocté pour eux. Velouté de potimarrons, quiche au potiron, rizotto de petit épeautre, porc ou fromage du Ventoux… Les chefs n’ont pas manqué d’idées !
Festival de butternuts, champignons et châtaignes
Manière festive et réjouissante d’aborder l’éducation non seulement au goût mais aussi à une alimentation saine, locale et de saison. Chez les pitchouns, les saveurs et textures nouvelles voire inconnues ont le plus souvent rencontré l’adhésion. Du côté des adultes, l’opération a soulevé un grand enthousiasme.
« C’était génial de voir comment les équipes de collectivités travaillent. Se rencontrer, partager du savoir et travailler des produits locaux. Les petits ont bien mangé et ils étaient contents » ! Ainsi Anaïs Chami, chef et propriétaire du restaurant Pompette à Malemort-du-Comtat relate-t-elle cette première expérience. Dans son établissement ouvert il y a un an et demi seulement, elle travaille des produits locaux à 85%, autrement dit, tout ce qui est possible.
Cuisine à quatre mains
La jeune chef est donc allée découper, cuisiner et dresser à la crèche de son village et aussi à l’école primaire de Mazan. Son entrée de tapenade et petits croûtons ail et huile d’olive a parfois rencontré une légère réticence, mais ensuite « ils en redemandaient, sourit –elle. Et le clafoutis aux coings a beaucoup plu. »
« Le plus dur c’était d’y être à 7h15, (Anaïs n’ouvre son restaurant que le soir en semaine), et de m’adapter aux portions enfant. Mais j’ai pu voir comment « mange » une cantine scolaire, c’était top ! J’ai eu un super contact humain, et je suis prête à recommencer », conclut la jeune restauratrice.
Des rencontres fécondes
Plaisir de la rencontre aussi du côté des chefs de cuisine des cantines scolaires. Mathieu Chenet fabrique au restaurant scolaire de Malaucène 170 repas par jour. Des produits frais et français, aujourd’hui délivrés par une centrale d’achat. Une réflexion est engagée pour introduire des produits locaux.
« En mai dernier, explique le responsable de la cantine, on a participé à la 1ere édition des Chefs chez les Pitchouns. J’ai eu le plaisir de re-travailler avec M. Houdy, mon 1er maitre de stage il y a 20 ans ! Et c’est un plaisir aussi de travailler des menus non habituels, de trouver des fournisseurs locaux ».
Depuis un an, Mathieu participe avec intérêt aux rencontres lancées par le Parc naturel régional du Ventoux dans le cadre de son Projet alimentaire territorial. Parmi ses objectifs, l’accès des scolaires à une alimentation locale et de qualité. Une équation gagnant-gagnant, qui préserve la santé et l’environnement ainsi que la viabilité des producteurs du territoire.
Manger sain, local et de saison
La santé, c’est bien la première préoccupation de Marylène Jean, adjointe au maire de Villes-sur-Auzon et déléguée à la restauration scolaire. « Nous, les élus, nous nous questionnons beaucoup sur la santé des enfants et de la population de demain. Notre deuxième objectif, c’est de favoriser les épiceries du village et la boulangerie, qui se fournissent le plus possible en local », précise l’élue.
Alors la petite commune avance pas à pas. La démarche collective initiée par le Parc permet de partager les expériences des autres acteurs. «Grâce à l’opération des chefs chez les Pitchouns, on a découvert des producteurs qu’on ne connaissait pas, par exemple pour les légumineuses, petit épeautre, lentilles, pois chiches et en viande avec le Porc du Ventoux », poursuit Marylène Jean.
Eduquer les papilles
A la crèche de Malemort-du-Comtat, Anaïs Chami a proposé un menu forêt : « velouté de butternut-châtaignes, omelette aux champignons, fromage du Ventoux, compote pommes-châtaignes, « j’étais très surprise de voir qu’ils ont tout mangé » ! Jamais trop tôt pour élargir sa palette de saveurs, pour Anaïs l’éducation au goût des enfants « ça compte énormément ! »
A Villes-sur-Auzon, l’éducation passe par l’implication des petits. « Cette année on a donné le choix aux enfants pour le dessert, ils deviennent acteurs de leur santé, l’an prochain on veut les impliquer encore plus, et leurs parents aussi », poursuit l’élue.
Même si tout n’est pas toujours facile. « Dès qu’on introduit quelque chose de nouveau, une partie des enfants adhère, et une autre reste plus circonspecte, mais il ne faut pas abandonner, c’est tellement important pour leur santé »!
Objectif, l’autonomie alimentaire
Sans parler des contraintes financières et d’organisation. Mathieu Chenet le chef de cuisine de la cantine de Malaucène souhaite aller vers plus de bio et de local. Aujourd’hui il a un seul fournisseur pour le frais, ou pour les fruits et légumes. « Travailler en local nécessite de multiplier les fournisseurs, c’est une nouvelle gymnastique, un nouveau système à roder. Mais d’autres y parviennent très bien ».
Même questions à Villes-sur-Auzon, 1360 habitants, 80 repas servis par jour. Les deux cuisiniers à temps partiel sont déjà bien occupés et ne peuvent passer des commandes toute la journée ! « Diversifier les fournisseurs, c’est compliqué pour une petite collectivité, explique l’élue à la restauration scolaire. Même si on a la chance de travailler avec des gens enthousiastes, on a parfois aussi des problèmes de recrutement de personnel qualifié ».
Autre obstacle, la chute du nombre d’agriculteurs dans la commune. Alors il y a un an, quand une jeune maraîchère bio est venue s’installer, la ville l’a aidée, avec le projet de l’associer à la restauration scolaire.
Soutenir les producteurs locaux tout en accompagnant les responsables de la restauration collective – et le grand public- dans la valorisation de leurs produits… A coup sûr, la bonne stratégie pour les acteurs publics. Elle allie protection de la santé et de l’environnement, développement économique et agricole du territoire, et vivacité de son patrimoine.