C’est la question posée aux invités de l’association Le Goût de la Méditerranée lors de la journée dédiée à la diète méditerranéenne, dans le cadre du festival des Senteurs Saveurs à Forcalquier, le 15 octobre. Agriculteurs et écologistes ont dressé le bilan de ce qui est possible et de ce qui reste à faire.
Des graines qui résistent aux conditions de fort stress hydrique, des couverts végétaux vivants pour stocker et restituer l’eau aux cultures, des arbres. Telles sont les clés d’une transition écologique réussie pour lutter contre le réchauffement climatique, évoquées par les intervenants à la conférence animée par Carine Aigon lors de la journée de la Diète méditerranéenne ce 15 octobre, à Forcalquier. Plusieurs axes d’innovation à développer, mais comment ?
« Nous travaillons avec un collectif de maraîchers pour la récupération des variétés locales de semences paysannes. Il s’agit de développer l’autonomie des fermes dans l’utilisations des semences potagères », explique Maxime Schmitt, coordinateur réseaux de la Maison des Semences Paysannes Maralpines. « D’année en année, nous sélectionnons celles qui s’adaptent mieux à nos territoires. De fait, elles ont donc un patrimoine génétique qui les rend plus fortes vis-à-vis, notamment, de conditions de fort stress hydrique ».
Des solutions durables
Continuer à nourrir la population dans des conditions de sécheresse ? C’est tout l’enjeu du développement des nouvelles techniques de culture sur sol vivant et sans labour. La Ferme de La Sousta, dans les Alpes-Maritimes, s’est emparée du sujet. « C’est un ensemble de techniques différentes », affirme Rudy Terreno, agriculteur de la Ferme de la Sousta. « Il faut penser d’abord au non travail du sol pour des cultures résilientes et en bonne santé. Si l’on pratique l’agriculture sur sol vivant, il y a une multitude de connexions qui se créent, notamment avec les mycorhizes. Ces champignons vivent en symbiose avec la plante. Celle-ci partage son sucre et eux partagent plusieurs oligoéléments et, naturellement, de l’eau. La plante peut alors aller puiser l’eau plus profondément et sa capacité de succion hydrique est plus grande ».
Des cultures plus résilientes que d’autres
L’installation d’un couvert végétal permet également d’utiliser moins d’eau, mais cela varie évidemment en fonction des cultures. « Il n’y a pas de règles absolues, affirme Rudy Terreno, nous ne pouvons pas comparer les besoins en eau d’une laitue et d’une patate douce, ni la structure de leurs racines. Mais il y a des cultures plus résilientes que d’autres et une multitude de plantes potagères à qui on pourrait appliquer cette solution ».
Une agriculture qui s’adapte au changement climatique
« L’agriculture doit avoir, et peut avoir, un rôle fondamental pour rééquilibrer les relations entre villes et campagnes, surtout face aux changements climatiques », réfléchit Michele Buonomo. Dirigeant national de l’association italienne Legambiente, il représente l’Éco-musée de la diète méditerranéenne (Museo Vivente della Dieta Mediterranea) de Pioppi, en Italie. « Le changement climatique n’est plus du tout un sujet uniquement réservé aux scientifiques. Il est une réalité dans notre quotidien, et l’agriculture paye un prix élevé à ces nouveaux défis. Avec Legambiente, nous travaillons à des solutions main dans la main avec les agriculteurs. Nous partageons le projet d’une agriculture qui puisse s’adapter au nouveau contexte climatique et énergétique pour être durable, mais aussi rentable pour les professionnels du secteur ».
Inhabituelle sècheresse hivernale…
« L’agriculture que je pratique aujourd’hui n’a rien à voir avec celle que je faisais à mes débuts », raconte Frédéric Esmiol, Président de la Chambre d’Agriculture des Alpes-de-Haute-Provence, et de la Coopérative de Blé de la Région de Forcalquier. « Nous avons compris nos erreurs, nous utilisons le couvert végétal depuis des années . Nous faisons aussi évoluer nos pratiques en mettant tous les sols en culture pour éviter l’érosion, en plantant par exemple de la moutarde. Néanmoins, même si cet été nous avons connu une sècheresse historique, il faut plutôt s’interroger sur la sècheresse hivernale, qui est bien plus inhabituelle ». Et de tirer la sonnette d’alarme, puisque « si nous n’avons pas d’eau en hiver non plus, il faudra mieux la partager pour être capable de nourrir les 5 millions de consommateurs en Région Sud ».
Des solutions existent, mais il faut aller plus loin
Évidemment, en fonction de la surface cultivée, les stratégies changent. C’est pourquoi Maxime Schmitt invite à « aller piocher dans la diversité culturale existante, comme par exemple le pois-chiche. Il est connu pour être cultivé dans conditions de stress hydrique, malgré une croissante au printemps et en été. Dans une même espèce culturale, il peut y avoir une infinité de variétés qui s’adaptent avec peu d’eau ». Selon ces professionnels, le stockage d’eau devrait se faire plutôt dans les exploitations que dans des gros silos. La création d’un couvert végétal vivant permettrait de créer une éponge capable de stocker l’eau des précipitations, et de la garder à disposition des plantations. Rudy Terreno a peu de doutes : « Il faut planter des arbres, créer des connexions entre le sol et les plantes et développer les mycorhizes » !
En chemin vers une reconnaissance par l’UNESCO
La Ville de Forcalquier, avec l’association Le Goût de la Méditerranée, poursuit son engagement pour porter les valeurs de la diète méditerranéenne et s’inscrire à l’UNESCO en tant que Cité de la diète méditerranéenne en France. Sept communautés en font déjà partie : Pioppi en Italie, Soria en Espagne, Chefchaouen au Maroc, Koroni en Grèce, Agros à Chypre, Tavire au Portugal, Brac et Kvar en Croatie.