Après des décennies de sur-tourisme, professionnels et élus prônent un tourisme acceptable, qui puisse bénéficier aux habitants et aux territoires. Paca, deuxième région touristique après l’Île-de-France, s’attaque à ce chantier multiforme.
Une quarantaine de boîtes à clés volées et une vingtaine dégradées par un « commando anti-Airbnb ». Puis, une campagne d’affichage pour dénoncer les multi-propriétaires de meublés touristiques. C’était à Marseille en novembre dernier. Deux exemples récents, et pas isolés, d’un ras-le-bol qui monte face aux conséquences du tourisme pour les habitants dans les villes et villages de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. L’enjeu a été identifié par les professionnels. Dès 2021, ADN Tourisme, fédération nationale des organismes institutionnels du tourisme, publie un « Manifeste pour un tourisme responsable ». Ce document appelle, entre autres, à appréhender désormais le tourisme « comme un levier d’amélioration du cadre de vie ». Et de passer de la notion d’accueil touristique à celle « d’hospitalité », « pour inclure sans distinction résidents, visiteurs et voyageurs.
Suivi en temps réel
Mais comment mettre ces bonnes intentions en pratique ? D’une commune à une autre, les enjeux vont être radicalement différents. Dans les Bouches-du-Rhône, le Schéma de développement du tourisme fixe comme objectif « de passer d’une logique de conquête de marché à une logique de préservation ». Avec comme priorité l’étalement des flux dans l’espace et dans le temps. Pour y parvenir, l’association Provence Tourisme mise sur l’outil Flux Vision, développé par Orange. Il permet de suivre de manière anonymisée et quasiment en temps réel les déplacements autour d’un site touristique. « Nous sommes dans une phase d’expérimentation pour définir des seuils de soutenabilité, détaille Isabelle Brémond, directrice générale de Provence Tourisme. Pour voir quand il y a trop ou pas assez de gens sur un site. On combine Flux Vision avec des interviews de visiteurs et de résidents. » L’exploitation de ces données pourra permettre de proposer des excursions en dehors des points et des itinéraires les plus visités. « L’étang de Berre, par exemple, a un énorme potentiel de développement touristique, souligne Isabelle Brémond. Il a une biodiversité incroyable, et de magnifiques espaces naturels. »
Priorité aux habitants
Pour étaler les flux de touristes, professionnels et collectivités veulent également développer des activités tout au long de l’année : évènements culturels, agro-tourisme… Mais le principal enjeu reste d’améliorer la qualité de vie des habitants. A Saint-Léger les Mélèzes, commune labellisée « village de neige » dans les Hautes-Alpes, la population passe de 350 habitants à… 5 000 durant l’hiver et l’été. Dès 2021, son maire Gérald Martinez tirait la sonnette d’alarme, lors du congrès de l’Association nationale des élus de territoires touristiques. « On a beaucoup de projets pour le tourisme mais c’est la qualité de vie des habitants à l’année qui passe en premier. Dans un territoire, si les habitants vivent mal, ils accueilleront mal. »
Les enjeux d’accès aux transports, notamment en commun, et à des logements décents et abordables, sont décisifs. Dans les Bouches-du-Rhône, la maire de Cassis Danielle Milon (Les Républicains) a mis en place des limitations pour les meublés touristiques type Airbnb. Objectif : réduire le nombre de meublés par propriétaires, et interdire les locations d’une nuit pour protéger les hôtels traditionnels. A Marseille, la municipalité Printemps marseillais (divers-gauche) a voté en octobre la création d’une brigade de contrôle. La longue marche vers un tourisme durable et bénéfique pour tous ne fait que commencer.