L’association récolte les dons et l’épargne des citoyens pour racheter des fermes. Elle y installe des agriculteurs en bio pour pérenniser l’activité, favoriser l’installation de jeunes et protéger la santé et l’environnement. Dernier projet en PACA : la Ferme des Gavottes, à Plan d’Orgon (13).
Pas de doute, c’est une belle ferme… 16 ha d’un seul tenant, plantés de noyers et d’oliviers. Une propriété que Josette et Roland Chabas ont bichonné pendant 30 ans. Au départ, un verger de pommiers et de poiriers, en conventionnel. En 2000, ils passent en bio, pratiques agricoles plus en accord avec leurs convictions. Ils plantent les arbres de manière extensive, avec une couverture herbacée, les oliviers sur des buttes.
La transmission : un casse-tête
En projet, il y a aussi la culture de légumes entre les rangs, c’est l’agroforesterie, où arbres et plantes se rendent des services mutuels. Des haies composées de différentes espèces sont plantées, elles ramènent la biodiversité et ses précieux insectes auxiliaires. « C’est une autre façon de travailler, remarque Roland Chabas, cela demande beaucoup plus d’observation. »
Mais voilà, l’âge de la retraite arrive, les deux filles du couple ont leur métier, la question de la transmission de la ferme se pose. « Les arbres produisent beaucoup maintenant, il fallait trouver une solution, » explique Josette. Surtout, l’important pour eux, c’est que tout leur travail ne soit pas perdu : la conversion, le changement de production, les projets… Ils contactent alors Terre de Liens.
Une solution originale
L’association ne se contente pas de mettre en relation des agriculteurs vendeurs et des candidats à la reprise. Elle rachète le foncier, et permet ainsi aux jeunes de s’installer comme fermiers.
A Plan d’Orgon, l’association rassemble tous les acteurs, politiques et professionnels pour trouver un consensus sur le rachat de la ferme. Puis elle lance un appel à projet. Ensemble, ils choisissent parmi 12 dossiers, celui de Natacha et Eric.
Un projet sérieux et porteur d’espoir
Le couple est maraîcher bio en Bretagne depuis 2003, sur 58 ha. Mais il souhaite s’installer dans le Sud, plus propice à la vente directe. « La Bretagne est une belle région, mais le système des coopératives ne me convient pas. Si on ne rentre pas dans le moule, ils vous empêchent d’avancer. Moi je ne veux pas être dépendant, » explique Eric.
Sur Internet, ils trouvent l’appel à projet et y répondent. Entre les rangs de noyers, ils planteront des légumes. Sur 2 ha aujourd’hui en friche, ils prévoient de cultiver pommes de terre, haricots, choux-fleurs, artichauts. Et aussi 5 000 m2 de tunnels pour les tomates et les pommes de terre d’hiver… Et encore des poules, des ruches, de nouvelles haies. Pour la vente, plusieurs marchés, les magasins bio et la vente à la ferme sont prévus. Un beau projet qui séduit le jury.
Une opération exemplaire
Pour Josette et Roland, c’est la solution idéale. « Les futurs fermiers veulent mettre en valeur des parcelles qu’on ne travaillait plus… Je suis très satisfait que la ferme reste en bio, grâce à Terre de Liens », se réjouit Roland. Josette est bien d’accord : « Je suis contente, c’est une très belle opération qui sort de l’ordinaire ».
Des candidats enthousiastes
Eric, petit-fils d’agriculteur bio, est tombé tout de suite sous le charme de la Ferme des Gavottes. Habitué à se débrouiller tout seul, il a été séduit aussi par la présence de Terre de Liens. « Ils sont humains, ils sont proches des producteurs, ils vous soutiennent… Tout s’est très bien passé, ils ont fait un bon suivi ! »
Le fait de n’être pas propriétaire lui importe peu. « Moi je ne voulais pas d’une grande exploitation. Je ne veux pas être esclave du travail. Ca doit rester à taille humaine,» confie cet amoureux de l’environnement.
Un financement à boucler
Reste un détail, et non des moindres : boucler le financement de la ferme. Terre de Liens doit récolter la totalité des 200 000€ nécessaires avant la fin du printemps. Chacun peut souscrire auprès de l’association. La Ferme des Gavottes sera la 9ème acquisition en PACA, et la plus grande en surface.
Pour plus d’information ou pour demander un bulletin de souscription : 09 70 20 31 24 ou paca@terredeliens.orgon
3 questions à Pierre Fabre, président de Terre de Liens PACA
BT : Qui finance principalement Terre de Liens ?
A 75%, des citoyens. Pour les reste, des entreprises et des institutionnels, comme la Caisse des Dépôts et Consignations. Nous sommes habilités à récolter l’épargne salariale. Nous avons créé un outil, la Foncière Terre de Liens. C’est une entreprise d’investissement solidaire, elle a le statut de société en commandite par actions. Statut qui garantit que l’argent collecté va bien à l’achat des terres. A côté de la Foncière, Terre de Liens c’est un réseau associatif et une Fondation, qui reçoit les dons et legs. En PACA, depuis 2009, Terre de Liens a investi 1,8 Million dans l’achat de 8 fermes.
BT : Quel objectif poursuivez-vous en rachetant des fermes ?
Terre de Liens est une association citoyenne. Elle repose sur deux piliers : la volonté de conserver à la terre sa fonction agricole. Et un mode de culture propre. C’est pourquoi nous signons avec les fermiers des baux ruraux environnementaux, qui comportent des clauses environnementales, et l’agriculture biologique. Plus largement, nous demandons que les pouvoirs publics garantissent la protection du foncier agricole. Il ne devrait pas être livré à la spéculation financière, mais considéré comme un bien public. Derrière, il y a la question de l’alimentation.
BT : Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Certains projets ne peuvent pas aboutir pour diverses raisons. Parfois la concertation est trop complexe. Parfois, il y a un trop grand déséquilibre entre le prix du foncier et du bâti. Nous devons penser à la gestion à long terme de nos acquisitions.
Ensuite, Terre de Liens se développe, ce qui est positif. Mais nous avons deux salariés en PACA, et des bénévoles. Ils doivent suivre les dossiers, nous faire connaître, sensibiliser le public, animer les collectes… Alors nous recherchons de nouveaux bénévoles. Et puis il est sain que les citoyens s’intéressent au développement, à l’aménagement. En PACA, un quart des exploitations a disparu en 10 ans !