L’heure est à la végétalisation, réchauffement climatique oblige. Problème : la plupart des végétaux d’ornement plantés dans la région sont nés et ont grandi à l’étranger. Une anomalie qu’une jeune société de Loriol-du-Comtat (84) veut résoudre. Rencontre avec ces amoureux des végétaux d’ici.
Les agriculteurs replantent des haies. Les paysagistes embellissent les villes. Les syndicats des eaux renforcent les fossés avec des arbres ou arbustes… Le plus souvent, ils achètent – venus d’Italie ou d’Europe de l’Est -, des bébés végétaux nourris aux engrais, irrigués et traités contre les pathogènes. En moyenne, 30 % des plantes mourront dans leur première année et devront être remplacées.
Vive la flore locale
A l’opposé, Fabien Hanai propose des graines ou des plants nés ici. Son dada à lui, c’est la promotion du patrimoine local de la flore. Et son truc, c’est le prélèvement en milieu naturel, accompagné d’un procédé de multiplication en laboratoire.
Il a créé en 2017 la société Ceres. Elle est implantée à Lodève dans l’Hérault et depuis quelques mois, aussi à Loriol-du-Comtat, tout près de Carpentras. Tout commence par des campagnes de prélèvement dans les espaces naturels du pourtour méditerranéen français. Cela évidemment avec l’accord des départements concernés. Des prélèvements très ciblés et en faible quantité pour ne pas impacter les sites.
Multiplier les petites graines
Le secret, c’est le microbouturage en milieu contrôlé sans pathogène. La graine ou la bouture conserve tout son patrimoine génétique initial. Mais elle peut être dupliquée des milliers de fois. Les plants seront prioritairement vendus au plus près de leur lieu de naissance où ils seront le mieux adapté aux conditions climatiques, de sol et de milieu. Un gage de bonne santé.
Mais aussi une démarche de conservation du patrimoine botanique local. Pour avoir roulé sa bosse dans les milieux professionnels de l’horticulture ou encore de l’agroenvironnement et de la gestion de la protection de la nature, Fabien a analysé bien vite la situation : « Depuis les années 50/60, le secteur s’est développé et industrialisé. On a eu recours aux importations de plus en plus massives, pour des raisons de rentabilité. Aujourd’hui, on remet le végétal dans nos vies, mais l’offre n’a pas changé, elle provient principalement de l’étranger. Même les espèces locales sont importées ».
Et déjà des projets
Alors lui, il veut créer un nouveau modèle de végétaux. Sa société propose déjà 70 espèces d’arbres et d’arbustes : frênes, aulnes, peupliers, micocouliers ou saules… Mais aussi aubépines, fusains, cornouillers ou lauriers-sauce. Ils constitueront des forêts urbaines, ou des aménagements d’anciennes carrières, rafraîchiront les bords d’autoroutes ou de voies ferrées.
En projet, les plantes à parfum aromatiques et médicinales, et la végétalisation des murs et toitures, avec des plantes grasses… Aujourd’hui, les clients sont des professionnels (agriculteurs, horticulteurs…) et des organismes publics. D’ici 2023, CERES visera également les jardiniers amateurs.
Pour sauver la biodiversité
Avant d’être un commerce, Ceres est une conviction et un combat, pour le fondateur de l’entreprise. « Je voulais agir pour une société plus écologique et plus durable. L’importation des graines et des plants, c’est une aberration monumentale. Les coûts de transports, l’emploi délocalisé et le fait qu’on ignore la génétique locale… Le marché est en hausse. Tous les jours, on plante ces végétaux et on perd la biodiversité locale. »
Et pour notre Petit Prince amoureux des plantes locales, la question est fondamentale. « Face au changement climatique, on doit compter sur nos espèces naturelles. Mais si on pollue tous nos milieux, on n’aura aucun espoir qu’elles résistent et soient résilientes ».
8 personnes travaillent aujourd’hui pour la jeune société, au labo et dans les serres. Elle a lancé la production en 2020. Les premiers plants arriveront cet été. Si aujourd’hui les végétaux viennent de l’étranger à plus de 90%, ces pionniers espèrent, à terme, inverser la tendance.