Juste avant l’ouverture à Paris du Salon International de l’Agriculture, la Confédération paysanne invite le public dans les fermes, « au grand air » ! Thème de la 3e édition de cet « alter Salon », la gestion de l’eau. Visite chez un viticulteur bio du Vaucluse, qui se lance dans l’agroforesterie.
Sur une parcelle de 2.8 ha à Châteauneuf-de-Gadagne (84), Didier Brun a planté des vignes. Mais tous les 7 rangs, il a laissé une bande de 7 mètres, pour y planter des alignements de cormiers (sorbus domestica) et aussi des oliviers. Ce choix implique une perte de rentabilité de 20% de la surface de vigne. Mais il en vaut la peine. « L’idée, explique le jeune viticulteur, c’était de revenir à une forme de parcellaire plus douce, de créer des ruptures dans la vigne ».
Des vignes et des arbres
Les cormiers sont parfaitement indiqués pour ce sol très calcaire. Ils résistent bien à la sécheresse et réclament peu d’entretien. Ces arbres de haut-jet s’élèveront à une douzaine de mètres. Leur houppier assez aéré laissera passer la lumière. Dans quelques dizaines d’années, ils pourraient être valorisés en bois d’œuvre. Outre la protection contre le vent, ils permettront aussi de créer des microclimats plus frais sur la parcelle, de l’ordre de 1 à 2 degrés mais jusqu’à 5 degrés aux heures estivales les plus chaudes.
Didier Brun est installé depuis 2013. Il est aujourd’hui à la tête de 15 ha de vignes et d’oliviers. Pour mener à bien son projet d’agroforesterie, il s’est appuyé sur l’association APAM (Agroforesterie en Provence Alpes Méditerranée), le GR-CIVAM PACA et AGROOF Scop pour les conseils techniques et la formation. « Au départ je pensais mêler différentes espèces, et différentes hauteurs », se souvient-il, d’où l’intérêt de la formation ! ».
L’Agroforesterie du futur
Car les connaissances évoluent et les stratégies s’affinent, en matière d’agroforesterie. « Aujourd’hui, on ne plante plus de haies imperméables au vent à 100%, car ces dernières accélèrent le vent en aval de la haie», explique Florian Carlet, du GR CIVAM PACA et animateur de l’APAM, qui a accompagné Didier dans son projet. Ce dernier a aussi bénéficié d’une aide financière à hauteur de 80% pour la plantation des arbres, dans le cadre du Plan de Relance, lancé en 2020 par le Gouvernement.
Mais préserver la ressource en eau passe pour ces paysans par un sol de bonne qualité. Alors outre la présence des arbres qui contribuent à améliorer le taux de matières organiques, Didier Brun cultive ainsi des engrais verts (seigle et vesce, par exemple) entre les rangs. Ils protègent le sol de la sécheresse et de la chaleur, et favorisent eux aussi la vie du sol. Puis, avec une machine à disques, il couche les plantes qui vont favoriser la création d’un paillage, lui aussi protecteur.
Gérer l’eau et l’économiser
Sur la parcelle voisine, avant la plantation de futures vignes et haies d’arbres, le jeune paysan a déposé du broyat de déchets verts, pour préparer au mieux le sol. Lui qui constate des hivers de plus en plus secs et des printemps de plus en plus doux, accompagnés de pertes de rendements, commence également à changer de cépages. Plutôt que des Syrah qui résiste moins à la sécheresse, il pense revenir à des Carignan voire des Counoise, à des variétés un peu oubliées mais mieux adaptées aux nouvelles conditions climatiques.
« J’ai envie de trouver des réponses fines face au changement climatique. Je préfère planter des arbres plutôt que du béton », explique Didier Brun dans un sourire, faisant allusion aux nombreux panneaux solaires qui fleurissent aujourd’hui dans les vignes.
Une visite bien suivie
Une vingtaine de visiteurs avaient répondu à l’invitation de Didier Brun et de la Confédération paysanne.
Alain et Chantal vivent à Pernes, tout près. Ils aiment planter des arbres dans leur jardin et sont venus en apprendre un peu plus sur l’agroforesterie. Alain repartira heureux de nouvelles connaissances sur les techniques d’implantation des haies, leur orientation ou encore le choix des espèces pour la meilleure efficacité.
Rencontres fructueuses
Françoise habite Chateauneuf-de-Gadagne mais ne connaissait pas le viticulteur. Elle milite à la FNE en faveur de l’environnement. « Avec le changement climatique et l’absence d’eau, je suis inquiète pour l’avenir nous confie-t-elle. Il faut que l’agriculture vive ! »
Assurer la transmission
Anaïs, étudiante à Avignon en licence de SVT, compte poursuivre avec une licence pro « Transition Agroécologique des territoires ». « Pour moi l’agriculture conventionnelle n’a pas de sens et je ne vois pas pourquoi je ferai quelque chose si ce n’est pas durable » conclut-elle de sa visite, qui l’a renforcée dans ses convictions.
3e édition du Salon à la ferme
« Après le COVID nous est venue l’idée de déconfiner le Salon, se souvient -avec un clin d’œil- Katia, animatrice de la Confédération paysanne 84. On trouvait sympa d’inviter le public dehors, dans les fermes ». Dans toutes les régions de France, ce sont plus de 200 fermes qui ouvrent ainsi leurs portes. Le thème cette année : « l’agriculture paysanne, ça coule de source », fait référence à la question de l’eau et de l’irrigation.
Pour un juste partage de la ressource
Pour la Conf, les réponses passent par « la préservation des sols par des pratiques agricoles qui vont les aider à rester humides et aussi par le partage de la ressource », explique Katia. Les petits paysans aussi doivent avoir accès à l’eau, alors qu’on s’achemine vers la privatisation de la ressource par ceux qui auront les moyens ». Une évolution que l’animatrice syndicale voit dans la question des mégabassines, qui se pose dans d’autres régions.