Elles se sont lancées il y a un an dans l’élevage de poules fermières, à Cabrières d’Avignon, entre Monts de Vaucluse et Luberon. Laura et Samantha veillent sur 250 pondeuses et un millier de volailles de chair. Mais la règlementation liée à la grippe aviaire les inquiète. Alors elles militent dans le Collectif « Sauve qui poule ».
Ce jour d’octobre, une bonne dizaine de visiteurs se pressent à la ferme de Laura Chauvin et Samantha Beuzelin. Des paysans qui cherchent à se diversifier, des maraîchers qui verraient bien quelques volatiles nettoyer naturellement leurs terres, des porteurs de projets en quête de bons tuyaux économiques…
Des visiteurs intéressés par l’élevage de poules
C’est l’ADEAR 84 qui a organisé la journée. L’association qui aide les volontaires à s’installer en l’agriculture paysanne a soutenu les deux jeunes éleveuses de poules.
Une jeune installation
Laura était menuisier charpentier, Samantha vient du milieu agricole. Toutes deux rêvaient de s’installer. Au bout d’un an, leur GAEC Poules & Co fonctionne.
Laura Chauvin devant le bâtiment qu’elle a construit
La vente est en circuits courts, dans des AMAP, sur Internet, à travers le site Locavor et au marché de Coustellet. Elles ne dégagent pas encore deux salaires, mais ont bon espoir.
Laura, reine de l’éco-construction
Elles ont limité leurs investissements grâce aux compétences et à l’ingéniosité de Laura. La jeune paysanne a quasiment tout construit de ses mains (à commencer par le bâtiment de 120 m2). Elle a utilisé des matériaux d’occasion qu’elle récupère ou échange contre d’autres services. Des piquets pour les clôtures aux tapis de salons d’exposition en passant par les panneaux de particules et autres fils électriques…
Bio et écolo
Pour Laura, c’est une question de coût, elle a dépensé 4 à 5000€ là où on lui en demandait plus de 20000. Mais pas seulement. Sa philosophie, c’est ne pas jeter, ne pas gaspiller, tout recycler. « « On jette des millions de choses pour rien, constate-t-elle, mais tout se crée et tout se transforme. C’est ma philosophie de vie. Dans le travail comme dans ma vie privée. Je récupère tout, j’ai toujours une idée pour utiliser le matériel. »
Pour les mêmes raisons, elles ne vendent que des poulets entiers. « Tous ces emballages pour vendre un poulet découpé, c’est juste pas possible »fulmine la jeune éleveuse. Faut-il préciser que leurs œufs et leurs poulets sont bio ?
Déjà des projets d’avenir
Samantha est tout aussi décidée. Si sa collègue gère toute la partie technique, elle s’occupe de la paperasse et de la comptabilité. Et justement elle a fait ses comptes. Et décidé d’acheter la parcelle qui jouxte leur terrain. Aujourd’hui à 1 ha 4, elle se verrait bien avec 2 ha 2. Le prix d’un meilleur confort des volailles, qui auraient largement plus de place que ce que prévoit la règlementation bio, mais aussi le gage de meilleurs revenus.
L’ombre de la grippe aviaire
Une partie des oeufs pondus
L’opportunité aussi de bien séparer l’unité « ponte » de l’unité « chair ». Et peut-être de sauver une partie de l’activité en cas de malheur. Autrement dit d’une obligation d’abattage pour cause d’épidémie. Car aujourd’hui, même les éleveurs du Vaucluse –qui n’a pas été touché par les épizooties des dernières années- sont concernés. La loi biodiversité et les arrêtés prévoient des mesures très sévères, très couteuses et surtout pas efficaces ou adaptées aux élevages fermiers. C’est en tout cas l’avis de Laura et Samantha qui ont adhéré au Collectif « Sauve qui poule », avec d’autres éleveurs et des consommateurs, notamment des amapiens.
Sauve qui poule
Samantha est acerbe envers la règlementation « Sas sanitaire, enfermement en cas de risque élevé, interdiction des visites, rien n’est adapté pour les petites structures », s’énerve-t-elle.. « Avec le Collectif Sauve qui poule, on a fait une pétition, et on lutte contre les règles de biodiversité, on veut dire qu’on est là ».
Et les éleveurs fermiers ont écrit un guide des bonnes pratiques qu’ils vont soumettre aux autorités. « Le guide c’est ce qui nous parait raisonnable, même si ce ne sera pas toujours facile pour nous,» conclut Samantha.
Les deux jeunes éleveuses sont bien décidées à défendre leur vision de l’élevage. Loin du modèle industriel. Mais au plus près des consommateurs.
Pour aller plus loin
Le Collectif Sauve qui poule
Il a été créé en février 2017 par des éleveurs et des consommateurs mobilisés pour sauver l’élevage fermier de volailles. Ils réclament des mesures d’aménagement de la loi de biodiversité adaptées aux élevages fermiers. Car à leurs yeux, l’arrêté biosécurité aviaire ne règlera pas le problème de fond de l’épizootie.
« Dix ans après les premiers cas de grippe aviaire en France, peut-on lire dans un communiqué de presse, le virus était de retour dans plusieurs élevages du Sud-Ouest. En dépit de l’absence de dangerosité pour l’être humain, le gouvernement veut imposer des mesures radicales y compris dans des départements où aucun foyer du virus n’a été identifié et des centaines de petits producteurs risquent de mettre la clé sous la porte. »
« L’arrêté paru le 08/02/16 avec mise en application au 1/07/18 impose des nouvelles mesures de biosécurité appliquées à toutes les exploitations avicoles françaises qui engendrent des investissements très lourds que les petites structures fermières ne pourront pas réaliser financièrement sous peine de disparaitre : infrastructures, nettoyage, gestion des flux (animaux, matériels, véhicules, personnel…), gestion des effluents. », explique Denis Surgey, éleveur de volailles à St Saturnin les Apt, porte-parole du Collectif.
Ensuite la règle : « bande unique » (groupe d’animaux homogène, du même âge) est incompatible avec l’activité en circuit court. De plus, cet arrêté risque d’engendrer la fin de l’agriculture diversifiée et de l’accueil à la ferme (écoles, touristes…). Même avec quatre poules dans votre jardin, vous devrez appliquer la même réglementation que les professionnels !».
Des actions
Le Collectif a donc fait circuler une pétition qui a recueilli 6 000 signatures. Il a multiplié les rencontres avec les préfets et responsables agricoles dans les départements, et adressé une lettre ouverte aux politiques. En juin dernier, une délégation du Collectif a participé à la manifestation de Mont-de-Marsan dans les Landes. Et le guide des bonnes pratiques pour les petits élevages est en cours de finition. Il sera proposé à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation (ANSES) et à la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL.
Les 7 et 8 novembre prochains, le Collectif va participer au colloque organisé par la Confédération Paysanne à Billère, près de Pau (64). Thème de réflexion : « Influenza aviaire, réflexions scientifiques et avenir de la filière. Après deux épisodes successifs d’influenza aviaire : s’informer et agir pour défendre l’élevage fermier ».
A 25 ans, elle quitte la Provence et s’installe à Bordeaux où elle exercera son métier de journaliste à la télévision régionale. Avec une préférence pour les reportages sur l’environnement qu’elle tourne en Aquitaine mais aussi dans d’autres régions et d’autres pays. De retour en Provence en 2014, elle rencontre le projet Bleu Tomate qui répond pleinement à son envie de témoigner et d’agir sur le terrain, pour les humains et la planète.
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