A Jouques, dans les Bouches-du-Rhône, un atelier refaçonne des meubles usagés. Dans ce village agricole au penchant bio, l’activité, pilotée par l’association Elan Jouques, favorise l’économie circulaire et remet le pied à l’étrier à des adultes éloignés de l’emploi. 

On entre dans la recyclerie comme si l’on pénétrait un atelier de menuiserie. De vieux meubles posés un peu partout, des objets de déco, des luminaires, des chaises, des volets…. Et bien sûr des outils. Un mobilier disparate qui va trouver entre les mains des treize personnes de l’atelier une seconde vie. « Tous ces meubles sont apportés par leurs propriétaires. 95% viennent de la commune, ça n’arrête pas ! », constate Ludwig Rouault, directeur d’Elan Jouques, l’association qui gère la recyclerie.

Une des employées de la recyclerie, Estelle, devant un meuble rénové par l’atelier. Crédit Philippe Bourget. (Photo de Une : Ludwig Rouault, directeur d’Elan Jouques, dans l’un des containers de stockage de meubles usagés. Crédit Ph. B)

Un côté écolo lié au village

L’afflux répond à une vraie demande à Jouques. « Les gens ne supportent plus l’idée que les meubles soient détruits. Ils veulent les voir réutilisés. Ce côté écolo est lié aussi au village, où il existe beaucoup d’exploitations agricoles bios », assure Ludwig Rouault. Dont le maire, Eric Garcin, lavandiculteur et oléiculteur en AB, nouvellement élu en juillet 2020. La quantité de mobilier offert est telle que l’association a aménagé deux immenses containers pour les remiser.

Boutique à prix sociaux

Une fois rénovés ou transformés, ils partent dans la boutique ouverte par l’association au village, aménagée dans l’ancienne école communale.

Le bâtiment d’Elan Jouques a été réalisé par Pop Up House, société de construction de bureaux écologiques installée à Rousset, dans les Bouches-du-Rhône. Crédit Ph B.

Les jouquards connaissent bien cette adresse où ils peuvent acquérir à « prix sociaux » tables, buffets, vaisselle, tableaux, jouets… Le stock est aussi vendu au travers d’une boutique en ligne. Une économie circulaire vertueuse soutenue par l’organisation de braderies. Et quantifiable. « En 2020, nous avons réutilisé 12,4 t de mobilier et objets de déco », illustre le directeur.

Initiative valorisée par Eco-mobilier

La qualité de la démarche a attiré l’attention d’Eco-mobilier. Cet organisme créé par des fabricants et distributeurs d’ameublement est en charge de la collecte, du tri et du recyclage des meubles. Il s’est fixé pour mission d’atteindre le zéro déchet mobilier en 2023.

Dans la boutique de l’association, du mobilier relooké prêt à la vente. Crédit Ph B.

Partenaire d’acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire, Eco-mobilier a lancé en 2018 un appel à projets pour le réemploi et la réutilisation des meubles usagés. Dix initiatives parmi les plus innovantes en France ont été choisies. Dont celle de la recyclerie d’Elan Jouques, dans la catégorie « développement des compétences ».

Certificats de Qualification Professionnelle

« Nous avons reçu plusieurs milliers d’euros pour nous aider à former des « intervenants en revalorisation de mobilier et agencement ». Cela a débouché sur la délivrance de 10 Certificats de Qualification Professionnelle à des salariés de la recyclerie. Eco-mobilier nous a aussi aidé à aménager l’atelier », précise Ludwig Rouault.

Un autre meuble usagé, bientôt rénové par la recyclerie. Ici avec Estelle (au 1er plan) et Tania, salariées de l’atelier. Crédit Ph B.

Elan Jouques, Entreprise à But d’Emploi

Au-delà de la recyclerie, l’originalité de l’association Elan Jouques tient à son statut d’EBE, Entreprise à But d’Emploi. Sa mission première et d’offrir un nouveau tremplin à des gens éloignés de toute activité. Soit parce qu’ils n’ont pas de qualification, soit parce qu’un accident de vie les en a éloignés. « Bien que située sur le territoire du pays d’Aix-en-Provence, Jouques est une commune excentrée. Il n’y a ni industrie, ni gros commerces. Beaucoup de personnes sont sans emploi ou véhicule. Le taux de chômage dépasse ici les 10% ».

Territoire Zéro Chômage de Longue Durée

Cette situation précaire a conduit des acteurs sociaux du village à s’intéresser au dispositif « Territoire Zéro Chômage de Longue Durée » (TZCLD), porté par des associations caritatives comme ATD Quart Monde, Le Secours Catholique, Emmaüs…

Elan Jouques propose aussi un service de réparation de vélos, autre activité gérée par son directeur, Ludwig Rouault. Crédit Ph B.

Le maire de l’époque, convaincu, a déposé un dossier de candidature et la commune a été retenue par le ministère du Travail. Jouques est ainsi l’un des dix TZCLD de France, le seul dans le sud du pays.

66 recrutements en CDI

Les machines de la laverie ont été acquises grâce à une aide de la Fondation Vinci. Les habitants et artisans de Jouques peuvent y apporter leur linge (couettes, tapis…). Crédit Ph B.

La prise en charge d’une majeure partie du salaire par l’Etat a permis à Elan Jouques, née du TZCLD, d’identifier des demandeurs d’emploi et d’embaucher. « Sur 140 volontaires dans la commune, nous en avons recruté 66 en CDI. La municipalité nous a prêté un terrain. Le bâtiment, passif et éco-responsable, a été financé par des emprunts et une subvention du Conseil du Territoire, émanation de Marseille Provence Métropole ».

Quatre pôles d’activité en plus de la recyclerie

La recyclerie n’est ainsi qu’un « pôle » parmi les cinq que compte l’EBE. Elan Jouques dispose d’une activité Tourisme (location et réparation de vélos), Bois (notamment la fabrication de toilettes sèches), Multiservices (clefs, laverie, rénovation de murs…) et Agro (petits travaux de jardins…). En plus de l’aide de l’Etat, elle se finance grâce aux prestations de services et à des subventions. Ag2r La Mondiale, les fondations Suez, Saint-Gobain et Vinci, ou encore SFR, sont parmi ses partenaires.

Louer un vélo classique ou électrique, c’est possible avec Elan Jouques. Crédit Ph B.

48 personnes étaient salariées d’Elan Jouques mi janvier. Un chiffre fluctuant puisque le but est qu’elles retrouvent un emploi durable ailleurs, une fois formées et/ou remises en confiance.

D’autres territoires intéressés

Le lancement d’une seconde vague de TZCLD cette année, ouvert cette fois à 60 territoires, suscite de l’intérêt pour Elan Jouques. « Beaucoup s’intéressent à nous. Fuveau est venu nous voir, Grasse, Berre, La Ciotat, le territoire d’Apt, Echirolles se sont informés sur notre démarche », dit Ludwig Rouault. Il est probable que parmi ceux-ci, de nouvelles recycleries de meubles soient créées.

Elan Jouques
596, chemin de la Colle 
13490 Jouques 
04 88 29 50 78

Crédit Philippe Bourget