Tout simplement : les filets de pêche sont valorisés sous forme de montures… L’entreprise qui les fabrique est bretonne et dans quelques semaines, elle transformera aussi les filets usagés des pêcheurs de la Méditerranée, grâce à Glokis, une société qui agit depuis plusieurs années à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône).
Huit ans déjà que Sabine Meneut écume les ports de Paca et au-delà. Avec cette idée en tête : comment réduire les déchets maritimes ? Comment les valoriser ? En particulier les filets de pêche. « Notre objectif, c’est la mise en place de filières de valorisation de déchets atypiques, explique Sabine Meneut, directrice générale de la SAS Glokis. Nous avons développé une méthodologie. Quantification, coordination, échanges, accord sur une démarche d’intérêt collectif… »
Transformés en granulés
Résultat : Glokis a le plaisir de nous annoncer le premier et tout prochain envoi d’une tonne de filets usagers vers l’usine Fil et Fab située à Plougonvelin, dans le Finistère. Sans être lavés (ce qui nécessiterait beaucoup d’eau et d’énergie), ils seront aussitôt broyés et transformés en granulés. Prêts donc à se retrouver dans des montures de lunettes ou encore –plus près de leur vie d’avant- sous forme d’ailerons de surf. Le procédé industriel prévoit le contrôle de chaque échantillon avant et après la transformation, à la recherche des POP (polluants organiques persistants)s.
300 pêcheurs
Depuis toutes ses années, Glokis a collecté et entreposé dans son local de Port-de-Bouc, 6 tonnes de filets de pêche. Ils sont au préalable « désarmés » par les pêcheurs eux-mêmes, autrement dit délestés de leurs plombs, cordages et flotteurs. Autant d’éléments qui peuvent, eux, être réutilisés une quinzaine d’années.
Dans les ports de Nice Métropole, Martigues, Saint-Mandrier mais aussi dans ceux de la région Occitanie, environ 300 pêcheurs jouent le jeu. Accompagnés par Glokis, ils ont mis en place une périodicité et une zone de collecte des filets, dans des bacs fermés ou des bigs-bags.
Trois mois de vie
Aujourd’hui, les filets de pêche ont une durée de vie de trois mois et ne sont plus acceptés comme déchets en fin de vie. « Nous ne travaillons qu’avec les filets usagés, et pas ceux perdus en mer, qui absorbent eau, polluants et matières organiques, précise Sabine. Il faudrait les laver à haute pression, ce qui nécessite beaucoup trop d’eau et d’énergie ».
Deux salariés de la petite entreprise collectent les filets sur les ports puis les débarrassent des déchets organiques. Ensuite ils les roulent en forme de boudins et les enferment dans des « bigs bags ». En attendant le grand départ.
30 tonnes en Bretagne
En Bretagne, le projet de l’usine Fil et Fab a vu le jour en même temps que Glokis . Pendant que Glokis entassait les filets dans le Sud, Fil et Fab mettait au point son process de recyclage. Avec leurs pêcheurs locaux, ses responsables ont déjà recyclés 30 tonnes de filets issus de la pêche artisanale. L’Occitanie devrait en fournir autant. Pour la région Paca, l’estimation est en cours.
Glokis cherche également d’autres débouchés aux filets de pêche. La société a fourni pas moins de 100 mètres de filets à IADYS. L’entreprise installée à Roquefort-la-Bédoule (Bouches-du-Rhône) en fait des sacs pour équiper ses robots nettoyeurs de déchets flottants dans les ports. Elle en a vendu au Japon, aux USA et en Australie.
Autre possibilité de réemploi, des sacs destinés aux plongeurs. Sans parler de l’intérêt d’un certain nombre d’artistes pour cette matière originale, qui ont transformé des filets en décors de théâtre ou encore en coraux…
Et pourquoi pas les chaluts ?
« Cette année, avec Fil et Fab, on va tester la possibilité de recycler les filets de chalut » prévoit Sabine Meneut. Très différents de ceux utilisés en pêche artisanale, ils peuvent mesurer plusieurs kilomètres de long, raclent les fonds, et restent en mer plus longtemps. « Cela nécessite pas mal d’analyses, de logistique, et donc de temps et d’argent. C’est la difficulté principale : convaincre les différents acteurs de nous aider à financer nos projets innovants ». Malgré tout, Sabine Meneut se réjouit de voir son projet trouver sa légitimité et d’avoir pu créer deux emplois à plein temps.
« Zéro Déchet Plastique », la charte de l’ARBE
L’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement a mis en place des outils destinés aux acteurs de terrain. Comme Glokis et Recyclop, 270 structures ont signé cette charte dans la région. L’ARBE les accompagne, les conseille et les met en valeur.
A titre d’exemple dans les Bouches-du-Rhône, parmi les signataires, 24 collectivités et EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale), mais aussi 52 partenaires comme des associations et des gestionnaires d’espaces naturels et aquatiques. Engagés également, 32 entreprises et 7 établissements scolaires.
Engagements des acteurs
Car « la réduction des déchets plastiques dans les milieux naturels est un enjeu majeur de santé et de bien-être des habitants » affiche l’agence. La région Sud-Paca l’a missionné pour mettre cette charte en œuvre.
Une deuxième charte « Plages sans déchets plastique » est pilotée par le Ministère de la Transition écologique et l’ADEME. Ces chartes se déclinent pour s’adapter à chaque type d’acteur engagé.
Travail en partenariat
L’Agence Régionale de la Biodiversité et de l’Environnement est un Etablissement Public de Coopération Environnemental (EPCE). Elle travaille en partenariat avec les services de l’Etat, les grandes collectivités du territoire, mais aussi le secteur socio-économique et le monde associatif.
Objectif ? Préserver la biodiversité, l’eau et la transition écologique. Outils ? Faire progresser les connaissances, sensibiliser tous les publics aux enjeux et animer des réseaux d’acteurs.
Après 4 ans, des résultats
Aujourd’hui en France, ce sont 322 acteurs (collectivités, entreprises, associations, syndicats de rivières, parcs naturels et établissement scolaires) qui s’engagent dans des actions de sensibilisation des publics, de nettoyage de sites pollués, de diminution des usages de plastiques et pour une meilleure gestion des déchets.
Côté collectivités, plus de 1 800 élus, plus de 14 000 agents territoriaux et plus de 87 000 enfants ont été sensibilisés au sein des collectivités signataires. Elles sont engagées dans la suppression des déchets plastiques dans les cantines (72%), luttent contre les dépôts sauvages (84%), ou pratiquent un nettoyage non motorisé des plages (83%).
Et des projets
Pour 2024, l’ARBE compte bien poursuivre son animation des deux dispositifs. Elle espère convaincre de nouveaux acteurs. Elle prévoit également un travail sur le thème Sports et déchets plastiques, à l’occasion des Jeux Olympiques.