Le titre -légèrement provocateur- de la conférence donnée à Apt le 16 avril évoquait la question alimentaire sous l’angle de sa sécurité. Une approche inhabituelle qui a séduit les participants. A l’initiative du débat, le Parc naturel régional du Luberon.
Nouvelle pandémie, crise des transports ou de l’énergie ? Autant de risques qui mettraient à mal notre système alimentaire en très peu de jours. Quand 98% de ce que l’on consomme dans le pays vient d’autres régions ou d’autres nations, et que 97% de ce que l’on produit s’en va de la même façon… Il est urgent de s’interroger. C’est ce que fait Stéphane Linou.
« Nos territoires sont sous perfusion »
Spécialiste de la sécurité alimentaire, pionnier du mouvement Locavore en France, il est expert-associé au Laboratoire Sécurité-Défense du CNAM (Conservatoire national des arts et métiers).
« Aujourdhui, tous nos territoires sont sous perfusion, affirme-t-il. Nous y avons spécialisé les productions, car le coût du transport est devenu inférieur à celui des produits, grâce aux énergies fossiles. Aujourd’hui la nourriture vient à nous. On ne se pose pas la question. Comment arrive-t-elle ? Où sont les stocks ? ».
Ces questions, Stéphane Linou les a posées aux autorités. Les réponses ne l’ont pas rassuré. « Il y a un aménagement pour tout, en France ! L’eau, l’électricité, la fibre, les casernes de pompiers… Mais rien pour la nourriture… Aucune planification alimentaire » conclut l’orateur.
Les élus ont des outils…
Alors depuis trois ans, cet ancien élu local dans l’Aude a pris son bâton de pèlerin pour convaincre –en particulier les élus locaux- qu’ils peuvent agir. Notamment grâce aux plans communaux de sauvegarde. Ces documents peuvent tout-à-fait intégrer des mesures destinées à sécuriser l’approvisionnement de la population locale.
Parmi les actions possibles, la création de zones alimentaires agricoles, la sauvegarde des terres, les jardins partagés, l’organisation de stocks ou encore l’incitation pour chacun à produire et cuisiner… Car les citoyens aussi ont leur rôle à jouer. Par exemple en adhérant à une AMAP, en achetant local et bio…
…les citoyens aussi
Quand on s’assoit autour d’une table, on partage un bon repas. Mais on peut aussi régler des problèmes, ajoute Stéphane Linou en substance. S’attaquer à la question de l’alimentation, c’est une façon d’agir sur la santé, l’environnement, la biodiversité, l’eau, le climat, l’économie des territoires : autant de questions en crise.
Au titre des réponses, l’idée de reconstruire une infrastructure nourricière et durable sur chaque territoire. Non seulement pour rétablir une sécurité alimentaire, mais aussi pour commencer à réduire toutes ces crises.
Formation des élus
L’assistance est conquise. Inspecteur de l’éducation nationale honoraire, Lionel se dit « motivé depuis longtemps sur la question de l’alimentation et de la réintroduction de produits sains et locaux notamment à l’école ». Il juge « le propos très clair, on comprend bien le risque et que chaque commune peut le prendre en charge. »
Marie participe à un jardin partagé. « Je voyais plutôt la sécurité alimentaire sous l’angle de la santé. Mais c’est une vision politique intéressante, car l’alimentation c’est vital, » remarque-t-elle. Alain est référent développement durable à la Cité scolaire d’Apt. « La sécurité c’est un point d’entrée hyper important, remarque-t-il. Ça nous ramène à une réalité sur les réserves ».
« Un angle inattendu, très, très intéressant, pour Maryse. Malgré un constat pessimiste, il donne de l’espoir, avec des propositions positives. Je vois qu’il y a beaucoup de choses qui bougent. De plus en plus de personnes jardinent, cuisinent… ».
Le Parc naturel régional du Luberon poursuit, lui, son cycle de formation des élus, en partenariat avec la SAFER PACA, ainsi que les rencontres avec le public. Depuis 2017, grâce au Projet alimentaire territorial qu’il anime, il œuvre pour une alimentation saine et une agriculture durable, aide à la mise en place de circuits courts et agit en faveur de l’agroécologie.
Autant d’initiatives pour que demain, les habitants du Luberon mangent des produits locaux et sains, issus d’une agriculture régénérative.