Quand la biodiversité fait bon ménage avec la vigne

le groupe identifie les plantes sauvages

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le groupe identifie les plantes sauvages

Sur la colline de Lagnes, dans les Monts de Vaucluse, certaines vignes s’étalent dans une profusion de flore et de faune. A tel point que les accro aux sorties découvertes de plantes comestibles sauvages aiment s’y balader. Bleu Tomate vous invite dans ce paradis de la biodiversité.

C’est un chaud et beau dimanche d’avril. Tee-shirt et lunettes de soleil sont de rigueur, ainsi que les carnets pour noter chacune des plantes rencontrées par la petite troupe d’amateurs, qui arpente le domaine. A la manœuvre, l’association Ecoppède. Il y a dix ans, elle avait pratiqué un inventaire sur les parcelles de Karim Riman. Et recensé vingt-quatre espèces de plantes, ce qui était déjà beaucoup. Le viticulteur travaille cinq hectares de vignes en bio et selon des principes agroécologiques.

Laisser le sol s’auto-régénérer

« Quand j’ai commencé, les sols avaient perdu la santé. Je voulais voir s’ils pouvaient se régénérer tout seul. Je n’ai rien semé. Pendant trois ans, sur une parcelle, rien n’a poussé, puis les plantes pionnières sont venues, la luzerne annuelle (petite minette), en premier. Et les autres sont arrivées », explique calmement Karim à la douzaine de visiteurs.

le système racinaire de certaines plantes héberge des bactéries
Dans les nodosités accrochées au système racinaire, les bactéries convertissent l’azote atmosphérique en une forme assimilable par la plante ©JB

Dans le sol, c’est un échange de bons procédés : les légumineuses s’associent aux bactéries qui captent l’azote. En retour, la plante fournit le gîte et couvert (sous la forme de sucres et d’acides aminés). La rhizosphère est un lieu d’échanges de nutriments et de protection pour les racines.

Inventaire de la biodiversité

Après quelques pas en direction des vignes, Chantal Françon, présidente d’Ecoppède, stoppe déjà la petite troupe. « Voilà la Véronique, avec ses petites fleurs bleues, elle est comestible… » Et la Sauge verveine, plus loin le brocoli sauvage, l’euphorbe « pas toucher ! », et encore les Crépis ou l’Achillée jaune à feuilles de fougères. « De cette taille, je n’en ai jamais vu » constate la botaniste amateur.

La plante est observée par tous
Chaque plante découverte est observée, touchée, identifiée et goûtée si elle est comestible ©JB

Une biodiversité riche que le viticulteur accueille sans la provoquer. Mais il a su créer les conditions favorables à sa manifestation. « 25% de la biodiversité est dans les sols », rappelle celui qui est aussi consultant en agroécologie spécialisé dans l’étude des sols.

Trouver les bonnes pratiques au pied des vignes

Karim explique qu’il a beaucoup tâtonné avant de trouver les meilleures pratiques. En 2006, il a laissé s’enherber tous les rangs. Pas satisfait. Aujourd’hui, il enherbe un rang sur deux et tous les trois ans, il permute les rangs en herbe et ceux sans herbe. L’un en humification (la matière organique se transforme en humus), l’autre en minéralisation (production de gaz carbonique, sulfates, nitrates…) Pas de labour mais dans un rang, il passe un griffon qui calme l’herbe et ameublit en surface, et dans l’autre, il recourt aux broyeurs qui laissent sur place herbe et bois de taille.

le groupe a trouvé des poireaux sauvages
Le viticulteur Karim Riman discute avec le groupe de leurs découvertes, ici un poireau sauvage ©JB

« Mon objectif, c’est qu’aucun grain de terre ne sorte de la parcelle » sourit le viticulteur. Et de fait, ici pas d’érosion, la terre est homogène. « En laissant le sol se rétablir, on favorise tous les animaux, la chaîne alimentaire. Sur un sol fertile, les plantes poussent plus et nourrissent la faune dessus et dessous. »

Un domaine en agroforesterie

Sur ces parcelles, Karim Riman plante des arbres, en protège d’autres ou les laisse sur place quand ils meurent, ainsi que des tas de bois qui abritent la vie. Sur un amandier mort, il a laissé pousser un lierre devenu « un hôtel 5 étoiles pour toutes sortes d’habitants ». Et installé des nichoirs pour les Mésanges, Rolliers et Pipistrelles.

un rang de vigne est enherbé, l'autre pas
Au pied des vignes, la biodiversité s’installe naturellement ©JB

Preuve est faite qu’ici, le sol s’est régénéré tout seul en activité microbienne. « Le « stock » de graines était en partie dans le sol, analyse le viticulteur, la levée des facteurs d’inhibition de la germination (les herbicides et le travail du sol au  rotavator) leur a permis de s’exprimer ».
Mais qu’en est-il de la production de raisin ? Il a fallu cinq ans, mais aujourd’hui le vin des Terres de l’Amelié est vendu en cuvée spéciale bio à la cave coopérative voisine. « Les principes d’auto-régénération des sols, ça marche chez moi, dans mon contexte pédoclimatique » conclut Karim, modestement.

La biodiversité, hormone du bonheur

Trois heures ont passé, les baladeurs sont ravis. « Ça me plaît d’être dans la nature, confie Monique, venue du Thor. On en fait partie ! Gamins, on ramassait et on connaissait les plantes ». Nathalie, d’Oppède trouve le domaine très beau. Cette ancienne prof croit beaucoup à la transmission et participe aux sorties d’Ecoppède avec les scolaires. « La biodiversité est hyper importante, il faut faire attention à cet équilibre, tout le monde est important, y compris les petites « bébêtes » du début ! »

le long du mur en pierres, les baladeurs trouvent une flore très variée
Les murs de pierres sèches, les arbres, vivants et morts hébergent une faune et une flore très diverse pour le bonheur des amateurs ©JB

Chantal Françon affiche un beau sourire. « Avant je ne voyais que de l’herbe, maintenant je vois des individus. Les gens sont heureux à la fin de la balade, la multiplicité du vivant nous fait rejoindre nos racines. Il y a du plaisir avec tous les sens, le toucher, le goût, l’odorat… On prend un bain de vie ».

Aujourd’hui les visiteurs ont recensé une trentaine de plantes différentes sur le domaine viticole.

Ecoppède

L’association, installée à Oppède, village perché du Luberon, se consacre à l’environnement et à la citoyenneté. Ses activités sont multiples. De la sensibilisation avec les sorties scolaires (plantes, oiseaux, arbres…) aux journées thématiques (sur l’eau, l’alimentation), en passant par l’aide aux devoirs ou la mise en place de cendriers dans le village, décorés par les scolaires.

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