Lundi 10 juin, 66 acteurs ont signé à Entrechaux (84), la charte de préservation des gorges du Toulourenc. Situé entre Drôme et Vaucluse, ce site Natura 2000 trop fréquenté, est en péril. Après les collectivités et les gestionnaires, ce sont les entreprises et toute la société civile qui s’engagent.
« On espère que le site continuera à évoluer dans le bon sens et qu’on y reverra des poissons », se réjouit un membre de l’association Toulourenc Horizons. C’est une rencontre joyeuse et porteuse d’espoir qui se déroule à la salle des fêtes du village d’Entrechaux. Nous sommes dans le Parc naturel régional du Ventoux et le Toulourenc n’est pas loin. C’est sur son sort que l’assemblée se penche aujourd’hui.
Nichées entre le Mont-Ventoux et les Baronnies provençales, les gorges du Toulourenc constituent un écosystème à part entière. Un milieu naturel fragile à la biodiversité remarquable que menacent des visiteurs trop nombreux. Les milieux de vie et de reproduction de nombreuses espèces aquatiques souffrent en effet du piétinement excessif. La construction de barrages en galets réchauffe l’eau en limitant son écoulement. La qualité de l’eau enfin est dégradée par la présence de déchets.
Un site potentiellement dangereux
Mis en danger par la présence humaine, le site expose aussi le public à des risques. Même par beau temps, les eaux peuvent monter subitement. D’ailleurs, l’accès est déjà interdit en cas de vigilance météo orange ou rouge. Autre risque, celui de chutes pour lequel les services de secours interviennent chaque année. Enfin le risque incendie, même en bord de cours d’eau où la végétation peut être très sèche est lui aussi présent.
Mobilisés depuis dix ans, les acteurs institutionnels avaient déjà pris de nombreuses mesures. Par exemple, contre le stationnement anarchique, des parkings payants équipés de toilettes sèches limitent le nombre de places disponibles. L’été, les éco-gardes du Parc naturel régional du Ventoux sensibilisent et surveillent.
Réduire encore la fréquentation
Résultat : de 86 600 en 2018, la fréquentation est tombée à 41 600 en 2023. Mais il faut poursuivre les efforts. D’où l’idée de la Charte de préservation du site. Elle fait appel à tous les acteurs du territoire. Elle les engage à ne pas promouvoir la visite, à dissuader le public de s’y rendre et à l’orienter vers des sites alternatifs.
Et en dernier lieu, car le site reste public et ouvert (sauf restrictions météo), à l’informer des bons gestes et comportements pour réduire les risques et les atteintes à l’environnement. « Je suis très sensible à la préservation du site, je n’y retournerai pas, préservons nos éco-systèmes » commente un guide accompagnateur, au moment de la signature de la Charte.
Dissuader les visiteurs
« On a pris la décision il y a trois ans de ne plus aller y randonner témoigne le représentant de la Fédération française de randonnée en Ouvèze. On y allait hors saison mais on n’y va plus. Il y a d’autres lieux notamment de baignade, comme à Mormoiron ».
Cette responsable de camping aussi a pris les devants. « En tant qu’hébergeur, on s’est engagés depuis plusieurs années à ne pas conseiller le site et si les personnes insistent, on les informe des dangers ». Même discours pour un hébergeur de Brantes. « Je dissuade toutes les semaines mes hôtes et je le fais également sur les réseaux sociaux ».
Pierre Peyret est lui aussi guide diplômé. Il a fait le choix de ne plus accompagner de groupes dans les Gorges du Toulourenc « de manière ludique, précise-t-il. Mais il faut expliquer auprès des scolaires, avec un volet pédagogique. ». A travers son syndicat SNAM (syndicat national des accompagnateurs en montagne), il informe aussi ses collègues guides extérieurs au territoire. « Les nouvelles générations sont assez sensibles, je suis toujours bien reçu ».
Les activités de baignade et de randonnée aquatique sont les plus agressives pour le milieu naturel. Cette mobilisation des acteurs locaux suffira-t-elle à sauver le site ? Un représentant de la FNE (Fédération Nationale de l’Environnement) aurait préféré une interdiction pure et simple. Difficile à mettre en œuvre. Les acteurs comptent sur la bonne volonté et la sagesse du public, touristes et locaux.