L’espèce humaine a décidément fait beaucoup de dégâts dans sa maison, la planète. Perte drastique de la biodiversité, changement climatique, pollutions nombreuses… Parmi ces dernières, la présence de plastiques dans les océans a motivé la militante écologiste Nelly Pons à mener l’enquête.
C’est un constat bien sombre que dresse l’auteure d’ « Océan plastique » (Actes Sud). Mais elle trace aussi des pistes d’actions et d’espoir. Son enquête traque les plastiques, tous les plastiques, depuis les gros objets jusqu’aux redoutables nanoparticules invisibles mais partout présentes, dans l’eau, dans l’air et dans les espèces marines. Même les plus petites, mêmes les plus cachées. Une pollution à 80% d’origine terrestre.
Ces plastiques constituent désormais de nouveaux continents à la dérive, dans les différents océans du globe. Une « plastisphère » qui abrite, héberge et transporte des milliards de particules, issues des additifs et plus ou moins pathogènes.
La Méditerranée comme les océans
Notre région que baigne la Méditerranée n’est pas épargnée, bien au contraire. Mer semi-fermée, avec 150 millions d’habitants en zone côtière, plusieurs fleuves majeurs, un tourisme bien développé et 30% du trafic maritime mondial, la Méditerranée est la 6e zone d’accumulation de déchets marins. Selon Nelly Pons, elle représente 1% des eaux mondiales mais concentre 7% de tous les microplastiques et 500 tonnes y arrivent chaque jour.
Loin de s’en tenir à ce constat plutôt décourageant, Nelly Pons recense et rencontre les acteurs et organismes mobilisés contre cette pollution. Ils sont nombreux, divers, scientifiques ou simples citoyens, et agissent à différents niveaux. Du basique ramassage jusqu’à la proposition de matériaux non polluants en passant par l’étude des conséquences de la présence de ces plastiques sur les océans, leurs hôtes et leur fonctionnement.
Initiatives Méditerranée
En 2014, la goélette Tara y a mené à bien une mission de 7 mois. Cette étude scientifique qui impliquait des laboratoires de recherche du monde entier s’est intéressée aux plastiques présents, à leur caractérisation et à leurs conséquences sur le milieu.
Autre initiative, celle de Bruno Dumontet, qui organise des expéditions en Méditerranée depuis une dizaine d’années sur les déchets plastiques, avec son association Expedition Med. Elles mêlent scientifiques et écovolontaires et s’intéressent aujourd’hui à la plastisphère. Le militant travaille aussi à la sensibilisation du public et à la question des plastiques alternatifs.
Emmanuel Laurin lui, a nagé 100 km entre Toulon et Marseille pour collecter des déchets plastiques et il en a fait un film, Le Grand Saphyr. Il a aussi coorganisé le Grand défi, initiative de ramassage à la nage, à pied et en kayak…. Son association Sauvage Méditerranée recycle les déchets plastiques et bois, comme les filets de pêche, en bijoux.
L’auteur cite enfin Ghost Med. Ce programme rassemble pêcheurs, scientifiques, gestionnaires d’aires marines et observateurs, tels que les plongeurs. L’objectif est de signaler des filets de pêche perdus et de les enlever éventuellement. Cette initiative pilotée par l’Institut de recherche Osu Pytheas de Marseille a vocation à s’étendre à toute la Méditerranée.
Se passer du plastique ?
Nelly Pons développe toutes les pistes qui s’offrent à nous pour nous délivrer – et les océans avec nous – de la tyrannie du plastique. Mais il suffit de jeter un œil autour de nous, dans nos maisons, au bureau, en voiture… pour constater que l’entreprise n’est pas simple.
Si la collecte, le recyclage, la valorisation semblent le b.a-ba indispensable, ces actions ne serviront à rien si l’on ne tarit pas la source. Il y faudra l’adhésion de tous, citoyens, élus, producteurs, chercheurs, consommateurs… Il faudra sortir du pétrole et de la chimie, inventer de nouveaux matériaux avec le souci de leur innocuité sur la santé et l’environnement, et donc changer totalement nos habitudes et notre mode de vie. Agir sur le « tout de suite », le « demain » et l’ « après-demain ».
« Lorsque nous le voulons, nous le pouvons »
A nos questions sur son état d’esprit face à une telle tâche, Nelly Pons l’admet : « c’est un voyage qui ne laisse pas indifférent, c’est certain. Mais ce qui m’a frappé, c’est qu’une fois que l’on a osé pénétrer dans la complexité et défaire un à un les noeuds de la compréhension, le chemin à suivre pour sortir de la crise devient alors limpide. Maintenant, déciderons-nous de l’emprunter? Si seul l’avenir le dira, ce qui est sûr, c’est que lorsque nous le voulons nous le pouvons, comme en témoigne la mobilisation internationale des années 1980 pour lutter contre le problème colossal, vital et planétaire du trou de la couche d’ozone. Reste maintenant à faire la même chose pour la pollution par les plastiques !».
L’enjeu est primordial et le défi, magnifique. L’enquête de Nelly Pons nous y invite.
Océan plastique-Editions Actes Sud-Domaine du possible-octobre 2020-22€
Mon initiative sur le sujet ? mes crayons de couleur ! … En lien avec votre article, plasticienne engagée, j’ai réalisé une série sur la pollution des océans conçue à partir de photographies de particules de plastiques trouvées sur des plages aux quatre coins du monde !
https://1011-art.blogspot.com/p/ordre-du-monde.html