Quatre régions d’Europe (France, Espagne, Grèce et Croatie) viennent de se réunir à Carpentras sur le thème de la pierre sèche. Au menu, le lancement d’un programme Erasmus+. Objectif : développer la formation et les échanges. Explications.
Sur le territoire du Ventoux, la pierre sèche, on connaît. Depuis des décennies, des passionnés, des associations engagées pour la pérennisation de ce patrimoine rural typique mais fragile portent de nombreux projets.
Un patrimoine rural à préserver
Cependant, la pierre sèche n’est pas un sujet franco-français. Il concerne de nombreuses régions en Europe. Ainsi, la rencontre de ce 13 mars réunit des représentants d’associations venant de quatre territoires européens. Il s’agit de Majorque (Espagne), l’île de Brac (Croatie), la Grèce et pour la France, le Ventoux.
Les discussions vont bon train, car l’enjeu est de taille. Si la pierre sèche est classée aujourd’hui au patrimoine culturel immatériel à l’UNESCO, son savoir-faire souffre d’un manque de valorisation et de formation.
Un programme de coopération européenne
C’est pourquoi le programme Erasmus+ finance, par une enveloppe de 250 000 euros, ce projet de collaboration européenne. Objectif ? La réalisation d’un guide méthodologique numérique et une formation en ligne (MOOC) en plusieurs langues.
Il est ainsi prévu en 2025, l’organisation de chantiers sur chacun des 4 territoires européens partenaires. Des rencontres pour favoriser l’échange de savoir-faire. Elles permettront d’alimenter l’argumentaire et les principes méthodologiques qui seront formalisés dans le cours en ligne. Tout doit être prêt pour 2026.
« En misant dans l’éducation et la formation des adultes, nous investissons dans la transmission de notre culture, le respect de nos paysages, la croissance économique et la cohésion sociale », se félicitait Jacqueline Bouyac, présidente du Parc naturel régional du Ventoux qui accueillait l’événement.
Christophe Lenfant, directeur de l’association Volubilis qui coordonne le projet, précisait lui la portée de ce programme inter-régional. « Ce ne sont pas de futurs techniciens de la Pierre sèche qui sont visés. L’idée c’est de donner envie à une nébuleuse d’acteurs de construire en pierre. Il s’agit donc plutôt de cibler ceux qui seront capables d’argumenter auprès de prescripteurs tels que des élus, des agriculteurs, des paysagistes, des architectes… »
La préservation de ce patrimoine rural n’est pas le seul enjeu, poursuit le responsable associatif, « les constructions en pierre sèche présentent des intérêts majeurs pour nos territoires. Elles favorisent la biodiversité, l’utilisation de matériaux locaux, le maintien de milieux ouverts, la protection contre les incendies par effet coupe-feux, le développement de l’agriculture, la qualité des paysages… »
Demain une filière française ?
Au-delà de la formation, l’objectif des acteurs français de la rencontre est de recréer une filière économique. Il s’agira bien sûr de réhabiliter des ouvrages anciens mais également d’en construire de nouveaux. Barrages, murs de soutènement routier ou ferroviaire, citernes pour l’eau… « Un mur de 3 mètres de haut en pierre sèche peut coûter moins cher qu’en béton » confie Christophe Lenfant.
Une ambition qui pose tout de même la question de la ressource. Aujourd’hui, les pierres sont parfois importées d’autres voisins européens, s’agira-t-il demain d’exploiter de nouvelles carrières plus locales ?
Outre les trois régions européennes, plusieurs partenaires locaux se mobilisent dans la région autour du Parc naturel régional du Ventoux. Comme les associations Pierre Sèche en Vaucluse et OPUS, Le Centre Méditerranéen de l’Environnement.
La Grèce et la Croatie, entre spécificités et enjeux communs
Isabelle Trinquelle du Centre Méditerranéen de l’Environnement en Grèce est un partenaire de longue date. Elle témoigne : « En Grèce, il n’existe pas de formation unifiée, ce qui peut poser des problèmes de pratiques parfois peu respectueuses de l’environnement et des ouvrages eux-mêmes ». Le chantier grec « se tiendra sur l’île de Tinos dans Les Cyclades sur laquelle on trouve beaucoup de murs de clôture ou de soutènement, ainsi que des barrages, des pigeonniers… » Il y aura donc de quoi faire !
Quant à Lucja Puljak représentante de Udruga Brac, partenaire croate du projet, elle explique : « La pierre est une ressource économique historique de l’île de Brac dont les carrières ont produit des pierres que l’on peut retrouver dans le monde entier comme à la Maison Blanche à Washington ».
Malheureusement, ce patrimoine tombe en ruine aujourd’hui, « ce qui détruit nos paysages et pose de gros problèmes environnementaux. Les pierres des constructions écroulées sont souvent broyées pour faire du gravier qui colmate et empêche l’infiltration des eaux pluviales ».
Et pourtant, la pratique est vertueuse pour Lucja : « Nous avons une tradition chez nous : une pierre doit être déposée sur une construction 1 mètre à droite ou à gauche de l’endroit où elle a été trouvée. » Pas de ressource plus locale que celle-là, en effet.
Au niveau européen, le quatrième partenaire du projet est le Conseil Insulaire de Majorque.