Coordinateur et animateur du GREC SUD*, l’expert du climat dresse un portrait sans langue de bois sur le réchauffement climatique dans la région et ses conséquences sur les espaces naturels, les hommes et l’agriculture. Mais, heureusement, des solutions existent…
Le réchauffement climatique en Région Sud est-il une réalité incontestable et, si oui, comment s’exprime-t-il ?
Philippe Rossello (P.R.) : « C’est une vraie réalité, une mesure physique. Depuis la fin des années 1950, la température en plaine dans la région a augmentée de 1,7°C/1,8°C. En montagne, on est à +2°C. Et en haute-montagne, jusqu’à +2,3°C. Ces valeurs sont à comparer aux 1,5°C d’augmentation moyenne de la température enregistrée sur les surfaces terrestres de la planète depuis la fin du XIXème ».
Comment expliquer la hausse supérieure et plus rapide dans notre région ?
P.R. « Elle s’explique parce que nous sommes dans le bassin méditerranéen, un espace où circulent des masses d’air dont une partie remonte du continent africain. Et cette hausse du réchauffement s’est accélérée ces dernières décennies ».
Ce changement affecte-t-il les précipitations ?
P.R. : « Les précipitations sont surtout caractérisées par leur variabilité interannuelle. D’après les statistiques de Météo France, depuis 1959, elles sont plutôt stables dans les Alpes du Sud et dans l’ouest de la région mais le temps est de plus en plus sec au sud-est du territoire ».
Quelles sont les conséquences de ces variations climatiques sur les différents espaces de la région, comme le littoral par exemple ?
P.R. : « A l’échelle mondiale, le niveau des mers s’élève de 3,7 mm par an. A la fin de ce siècle, on se retrouvera à + 40 cm et même jusqu’à + 1 m, si l’on regarde les estimations les plus pessimistes. En Région Sud PACA, on constate déjà un recul du trait de côte, notamment en zones urbaines. La Camargue, la presqu’île de Giens sont aussi des zones très menacées. Les villes, les acteurs locaux doivent se préparer. Sur la presqu’île de Giens, il y a déjà des réflexions sur le logement et le déplacement éventuel d’habitants mais c’est un problème sensible car cela touche à l’affectif.
Qu’en est-il des territoires du cœur de la Provence ?
P.R. : « Il faut distinguer les villes des campagnes. En ville, les îlots de chaleur vont devenir plus fréquents et il pourra y avoir jusqu’à 8°C d’écart avec les zones agricoles. Si demain cette chaleur urbaine augmente encore, on sera confronté à des problèmes de confort thermique et de santé publique, avec un risque notamment pour les enfants et les personnes âgées. Ce qui menace aussi, ce sont les vagues de chaleur au dessus de 40°C et la récurrence des « nuits tropicales » , ces périodes nocturnes où la température ne descend pas en dessous de 20°C. En campagne, l’incidence est forcément forte sur l’agriculture. Les cultures souffrent du manque d’eau, de la hausse des températures, des épisodes extrêmes, du risque de reprise végétale anticipée suivi d’un gel tardif… ».
L’eau, justement, quel est l’état des ressources dans la région ?
P.R. : « Nous avons un cumul de déficit depuis septembre 2021. Cela touche les lacs et les ressources souterraines. C’est une menace réelle pour les communes, avec le danger que certaines soient demain obligées de se faire livrer de l’eau. Si ces pénuries s’amplifient, des élus alpins pourront très bien décider de conserver plus d’eau pour leur territoire, avec les risques que cela engendrerait pour les espaces situés en aval. Selon des projections à 2070, les débits moyens annuels des cours d’eau pourraient diminuer de 30% dans le bassin Rhône-Méditerranée ».
Puisque l’on parle de la montagne, le réchauffement a aussi des conséquences néfastes…
P.R. : « Nous aurons demain plus de précipitations liquides que de neige, notamment en moyenne montagne. Cet enneigement plus faible aura deux conséquences : les sports d’hiver seront de moins en moins possibles en dessous de 1 800 m d’altitude ; et le stock nival réduit se traduira au printemps et jusqu’au début de l’été par une moindre disponibilité de la ressource en eau, voire même des assecs ».
Derrière ce tableau assez sombre, y a-t-il des solutions ?
P.R. : « Oui, il y en a. Aujourd’hui, nos systèmes agricoles et alimentaires sont fragiles, peu durables et encore dominés par l’agriculture intensive, que ce soit à l’échelle mondiale ou locale. La consommation de produits transformés, émettrice de Gaz à Effet de Serre (GES, ndlr), a augmenté. Par ailleurs, la région exporte 61% de sa valeur agricole et la consommation est principalement issue d’importations. Nous devons basculer vers un système agro-écologique plus juste. Cela passe par des régimes alimentaires moins énergivores, le développement de l’agroforesterie, de l’agriculture biologique, des circuits courts, des variétés résistantes au changement climatique, des productions diversifiées… ».
* GREC SUD, l’éclaireur du climat
Le GREC-SUD (Groupement Régional d’Experts Climat – Provence Alpes Côte d’Azur) est une initiative portée par l’Association pour l’Innovation et la Recherche au service du Climat (AIR Climat). Elle est financée depuis l’origine par l’ADEME PACA et la Région Sud. D’autres partenaires interviennent sur projets, comme le Conseil départemental 13, les métropoles AMP et Nice Côte d’Azur, les PNR du Verdon et du Luberon…
Le rôle majeur du GREC-SUD est de centraliser, transcrire et partager les connaissances scientifiques sur le climat et le changement climatique. Ceci dans le but d’éclairer les enjeux locaux, de sensibiliser le public et d’accompagner les acteurs territoriaux, élus, décideurs, collectivités, associations, enseignants, élèves, citoyens…, en encourageant la transition énergétique et écologique.
Mont-Ventoux, projections préoccupantes…
Le PNR du Mont-Ventoux et le GREC-SUD étaient les initiateurs d’une soirée de réflexion le jeudi 29 septembre à Saint-Didier (Vaucluse) sur les solutions concrètes à engager pour adapter les systèmes alimentaires et agricoles au changement climatique. Intervenant, Philippe Rossello a présenté des perspectives sur le territoire du Mont-Ventoux qui posent question…
Indicateurs sur la période 2041-2070, par rapport à 1976-2005 :
– +1,2°C à +2,4°C de température moyenne.
– + 26 à + 65 de jours anormalement chauds par an (+5°C par rapport à la normale).
– + 5 à + 16 nuits tropicales.
– 45° C à 48°C de température extrême en été.
– – 31 à – 17 jours de gel par an.