
L’avenir industriel du site de Fos-Etang de Berre est en débat. Jusqu’en juillet, chaque habitant peut découvrir le projet de « réindustrialisation et de décarbonation », poser des questions et faire des propositions. Jeudi 23 avril, à Martigues, les industriels ont accueilli le public pour nourrir le débat.
Dans une claire salle municipale, installés derrière des petites tables, entourés d’affiches et de brochures de présentation, une quinzaine de porteurs de projets industriels accueillent le public. Ils expliquent et répondent aux questions des dizaines de curieux qui ont fait le déplacement.
Une après-midi de rencontres à l’initiative de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Cette instance est garante de l’application de ce droit constitutionnel de tout citoyen de « peser sur les projets et les politiques concernant notre environnement ».


Les citoyens ont la parole et s’en réjouissent
Un principe apprécié par tous les participants. « C’est bien qu’il y ait ces réunions d’information, et la présence des citoyens et des associations qui peuvent formuler leurs inquiétudes. Les débats sont bien encadrés ». Lionel et Thierry ont des entreprises de travaux publics et sont aussi venus pour raisons professionnelles. Pourront-ils s’inscrire dans le développement du territoire ?
« C’est déjà bien que ce débat existe, constate Valentine, de passage dans la région. On peut se renseigner, tous les citoyens ont le droit d’exprimer leur point de vue dans notre société. Et le faire à l’échelle d’un bassin industriel complet, c’est la première fois. Il faudra voir ce qu’on en tire ».
Un débat à l’échelle du territoire, une première
Car ce débat public est en effet le premier à être organisé en France, à l’échelle d’un territoire. Il intègre une vingtaine de projets industriels. « Que les citoyens viennent poser des questions, c’est fantastique », se réjouit Thibaut. Le jeune étudiant prépare une thèse sur la planification des systèmes énergétiques dans les bassins industriels. Tandis que son camarade Barthélémy s’interroge quand même devant la complexité des projets : « Est-ce vraiment accessible aux citoyens ? »
Mais Thibaut est confiant. Pour lui le débat est l’occasion pour les citoyens de mesurer l’impact du projet sur l’emploi, mais aussi les voiries, l’environnement… Et qu’en sera-t-il si on laisse le site en l’état ? Pour cet autre étudiant habitant Martigues, le débat est une bonne initiative. Ses préoccupations ? La pollution, la sécurité -y aura-t-il du danger, des risques d’explosion- … Mais « que le projet s’inscrive dans la transition énergétique, c’est bien ».


« Tout le monde est d’accord pour reverdir la zone industrielle »
Réduire la pollution, les gaz à effet de serre, reverdir l’industrie… Autant d’arguments qui emportent l’adhésion de la plupart des citoyens interrogés. « Ce qui m’intéresse c’est surtout la réindustrialisation verte, je voulais connaître l’impact sur le devenir des territoires, sur la santé, sur l’emploi… Est-ce que ce sera des effets d’annonce ou de vraies réalisations », s’interroge Jacques, la petite soixantaine, récemment installé à Martigues. Tandis que cette habitante de Marseille trouve « assez intéressants les efforts pour réduire les GES et la consommation des ressources de la planète ».
Même enthousiasme pour Michel, ingénieur spécialisé dans la décarbonation de l’industrie. Pour lui, « les projets présentés marquent un grand pas en avant par rapport à l’état actuel de l’utilisation de l’énergie. L’évolution est intéressante et positive, mais on n’est pas au bout ». Car si la décarbonation de l’industrie est nécessaire à la réduction des gaz à effet de serre, celle-ci nécessitera toujours autant voire davantage d’énergie.
La question cruciale de l’énergie
Une analyse que partage Thierry, habitant à Carry-le-Rouet qui a vu des projets verts auxquels il croit. « Mais reste à voir les infrastructures nécessaires et le problème du transport de l’électricité ».
Une préoccupation que rejoignent d’autres participants. Lionel et Thierry qui louent un beau projet porteur d’emplois s’interrogent sur les effets collatéraux. « Qu’en sera-t-il des dessertes, routières et ferroviaires ? Que décideront les collectivités, l’Etat ? Et puis les solutions décarbonées restent gourmandes en énergie, électricité, hydrogène… »


Un projet cohérent mais perfectible
Au-delà de ces questions, Thibaut l’étudiant, est frappé « par les synergies, les dynamiques, le fait que les différents projets vont se nourrir les uns des autres ». Pas une mince affaire pourtant, aux yeux de Valentine et Xavier, « pour les industriels d’un bassin aussi complexe, que de s’inscrire ainsi dans la décarbonation ».
Une cohérence s’affiche bel et bien entre les industriels qui fabriquent, ceux qui fournissent énergie ou matières premières et ceux qui les transportent. Question : le projet de territoire est-il alors plus ou moins à prendre ou à laisser dans sa globalité ?
Un regret enfin recueilli après leur tour d’horizon auprès de Valentine et de Xavier. Ils ont vu de beaux projets et ont senti des industriels engagés à fond. « Mais il semble que les carburants seront 10 à 15% plus chers, alors les entreprises seront-elles en capacité de financer ces surcoûts ? Ou bien est-ce que ce sera à la collectivité de subventionner ? Autrement dit aux contribuables ? Il manque ce maillon, pour avoir une vision globale, des acteurs comme les compagnies maritimes, par exemple… La chaîne n’est pas complète ».


En tout cas, le débat se poursuit jusqu’au 13 juillet sur tout le territoire régional. Webinaires, visites de sites, réunions publiques ou débats mobiles sur les marchés ou les lieux de manifestations publiques, ateliers et forums… La Commission du Débat public multiplie les occasions et sollicite largement le grand public. Alors, à vous de jouer !