A Bréziers, entre Sisteron et Gap, Marie Le Béchec a créé un centre de ressource équin. Elle utilise les chevaux pour aider adultes et enfants à acquérir savoir-être et confiance. Un projet affiné, dans une démarche durable et décroissante.
Où va se nicher le destin ? Celui de Marie Le Béchec échappe à la banalité tant la jeune femme de 33 ans a révolutionné sa vie après un début de parcours linéaire. Née à Saint-Malo, la Bretonne intègre, après un BTS d’assistante de direction, une structure chargée de promouvoir les relations entre le monde de la recherche et l’entreprise. « C’était l’esprit start-up, j’adorais mon travail », dit-elle.
Le décès de son père en 2009 va changer la donne. Guérie d’une leucémie à l’âge de 7 ans, choyée… son père était son pilier. « J’ai tout plaqué, mon appart, mon travail, ma famille et suis partie à Montpellier, sans projet, juste avec l’idée de vivre au sud, au bord de la mer. » En recherche d’emploi, son appétit de vivre est repéré. Elle trouve un travail dans une entreprise spécialiste des énergies renouvelables, où elle devient assistante RH. « Et un matin, j’ai fait un 360° sur mon fauteuil et je me suis dit : mais qu’est-ce que je fais là ? », se souvient-elle.
Retour aux premiers amours…
Ce qu’elle entrevoit à demi, c’est qu’elle vient d’être rattrapée par une passion ancienne, le cheval. Cavalière dès l’enfance, une chute l’a éloignée des écuries pendant de longues années. « En arrivant ici, j’ai redécouvert les chevaux de Camargue et je me suis inscrite dans un centre équestre. J’ai aussi acheté Un Amour, un cheval difficile qui m’a poussé à changer d’approche. J’ai désappris tout ce que je savais, notamment le côté dominateur du cavalier », dit-elle.
Marie décide alors de vivre de cette passion ressuscitée et de créer une écurie active. C’est un concept allemand de pension. Les besoins physiologiques et de vie de l’animal sont respectés. Un congé formation au centre de tourisme équestre de Mèze et un monitorat d’équitation plus tard – obligatoire pour travailler avec les équidés – Marie fait le choix d’aller vivre en montagne et « d’avoir les chevaux sous mes fenêtres ».
De l’écurie active au DU d’éthologie
Direction Gap, d’où est originaire son grand-père. En mars 2015, elle s’installe dans le Champsaur, « mais à 1 200 m d’altitude, une femme seule… ». Après d’autres recherches, l’Agence de Développement Économique et Touristique des Hautes-Alpes l’oriente vers Bréziers, où 1,5 ha de terres communales sont disponibles.
« Le maire voulait revitaliser son village. Et je suis tombée amoureuse de ce plateau, j’y ai ressenti des ondes positives. » Elle signe une convention de mise à disposition du terrain, avec finalité d’achat. L’écurie active ne nécessite pas une grande surface. Mais le coût d’aménagement s’avère beaucoup trop élevé, de l’ordre de 500 000 €.
En attendant, elle conçoit un parcours de marche pour ses chevaux « entre le foin et l’eau », selon le principe de liberté de déplacement. Puis prépare un DU d’éthologie à Rennes. « Cette formation basée sur l’observation m’a chamboulée. J’ai été convaincue que l’écurie active était inutile, tributaire de trop de procédures. Et j’ai pris conscience de devoir lutter contre mon impact environnemental. » Dès lors, comment vivre de cette passion réorientée ? « En utilisant le cheval comme partenaire et non comme outil, pour proposer une sorte d’équithérapie respectable », explique la jeune femme.
Savoir-être et savoir-faire
Son concept ? Apprendre à ne plus avoir peur des chevaux, à modérer ses gestes pour guider l’animal. Mais aussi se ressourcer, en solo ou en famille. « Je suis là pour faire acquérir un savoir-être et un savoir-faire. ». Sa cible : les particuliers, locaux ou touristes ; les centres de loisirs ; les écoles ; les maisons de retraite ; les entreprises. « Mais la clientèle est difficile à capter », reconnaît-elle. En un an d’existence, son centre de ressource équin a réalisé un – petit – chiffre d’affaires de 4 000 euros. Loin de son prévisionnel basé sur l’écurie active mais comme elle a abandonné cette idée, « 600 à 800 € par mois seraient maintenant suffisants, en sachant que je travaille désormais avec des charges réduites », dit-elle.
Pour compenser, elle a trouvé un second emploi à mi-temps dans une paillote de vente de fruits. Son engagement responsable se traduit, lui, par de l’auto construction sur ses fonds propres, car « je refuse d’avoir affaire aux banques ». Son centre « nouvelle formule » ne lui a coûté que 60 000 €.
Installée en entreprise individuelle agricole, Marie Le Béchec est intégrée au village.
« Quand on monte un projet comme cela, il faut l’appui d’une collectivité. Et essayer de ne pas trop solliciter l’entourage proche, afin de ne pas avoir de comptes à rendre. » Avec quatre chevaux et deux poneys, elle se sent armée pour avancer. « D’un projet très ambitieux, je suis passée à quelque chose de minimaliste. » Le résultat d’un long cheminement.
Les Champsaurs 05190 Bréziers 06 50 88 42 02