Les bœufs de Camargue ne sont pas tous doués pour les courses. Ceux exclus des arènes sont élevés pour la viande et bichonnés sur des pâturages extensifs. Ecoulés ici en colis bios, leurs quartiers sont appréciés par des clients sensibles à la qualité du produit et à un mode d’élevage respectueux.
Tout le monde n’aime pas la course camarguaise. Estimée par l’auteur de ces lignes pour son enracinement local et la vie sauve consentie aux taureaux – à l’inverse de la corrida espagnole, les bious de Camargue ne sont pas tués dans l’arène -, même ses détracteurs sont obligés de l’admettre : ces élevages sont viscéralement attachés au delta du Rhône, un peu comme la pelote à main nue l’est au Pays basque.
Bouvine et raseteurs
La course camarguaise est la raison d’être des manades. Ces élevages taurins ne jurent que par la « bouvine », ce sport où des raseteurs habillés de blanc prennent tous les risques dans les arènes de village ou de gala pour attraper cocardes, glands et ficelles, fichés entre les cornes des taureaux. Une discipline de spécialistes, centrée sur le Gard et les Bouches-du-Rhône.
600 ha et plus de 200 taureaux
La manade Blanc est au cœur de cette tradition. Posée au bout d’un chemin de terre près du Sambuc, au sud d’Arles, l’exploitation de 600 ha élève plus de 200 taureaux. « Seule une cinquantaine est destinée à la course camarguaise », indique Jean-Claude Blanc, propriétaire et jeune retraité de la manade. Les autres, mâles castrés ou femelles pas suffisamment agressives pour enfanter des fils combatifs, coulent un temps heureux dans les pâturages, avant de partir vers trois ans à l’abattage.
Viande bio en lots de 5 à 10 kg
« Nous les emmenons chez Alazard et Roux à Tarascon, seuls habilités, avec l’abattoir d’Alès, à faire valoir la viande en AOP. Nos carcasses partent ensuite dans un atelier de découpe que nous choisissons pour la qualité de son travail. A son retour ici, nous écoulons la viande en lots de 5 à 10 kg », explique Véronique Blanc, en charge de la vente, de l’accueil du public et des animations « découverte » à la manade. Une viande expédiée aussi par Chronofresh, à des clients particuliers partout en France.
Terrines, confits, gardianes…
Si l’exploitation agricole produit de « grandes cultures » en bio (fourrages, riz…) depuis les années 2000, l’élevage, lui, n’a été converti qu’au tournant des années 2010. « On a pensé à la santé et à la valorisation de nos produits », justifie Véronique Blanc. Au delà de pâturages non traités, la manade Blanc respecte un cahier des charges qui limite notamment l’usage de produits phytosanitaires et vétérinaires en cas de maladies. La manade est certifiée bio par le Bureau Véritas et vend aussi des produits transformés, terrines, confits, gardiannes…
« Riz gras » pour varier l’alimentation taurine
Le bio est-il un plus pour les clients ? « Même si je trouve qu’il y a de plus en plus de manades qui se convertissent pour la viande, peu de nos clients y prêtent réellement attention. Ceux qui viennent ici sont plutôt convaincus par la façon dont on travaille et l’assurance de savoir d’où est issu le produit », observe Véronique.
Broutant des pâtures naturelles, jamais enfermés dans des étables, les taureaux se prêtent naturellement à l’élevage biologique. « Le complément de fourrage que nous leur donnons l’hiver vient aussi de l’exploitation. Nous plantons également du « riz gras » dans les parcelles après la récolte et y mettons les taureaux, histoire de varier leur alimentation », dit le père.
La proximité et le bien-manger
Le confinement de mars-avril-mai a confirmé la pertinence de leur choix. « J’ai eu énormément de demandes. Il y a un retour aux sources de la part de clients attirés par la proximité et le bien manger. J’ai même fait de la distribution en drive pour le compte du Parc naturel régional », précise Véronique.
Agritourisme plus rémunérateur
Pour la manade Blanc, la vente de viande, même en bio et à prix valorisé (entre 15 et 17 € le kilo), n’est pas suffisante pour vivre convenablement. « Cela ne représente même pas 10% de l’activité », dit Brigitte, la mère de Véronique. Heureusement, l’agritourisme est plus rémunérateur. La location de salles, les soirées camarguaises du mardi et les matinées de découverte du vendredi, ajoutées à la location de quatre gîtes ruraux, abondent le revenu de l’exploitation. Car ici le bio ne fait tout.
———————————————————————————————————————————————————————–Manade Blanc
Domaine de Paulon
D36 – Le Sambuc
13200 Arles
04 90 97 27 73 / 06 87 01 43 08