L’ONF est en première ligne pour constater et trouver des réponses au changement climatique qui affecte nos forêts. Nous avons répondu à leur invitation de découvrir les axes de travail mis en œuvre pour répondre à ce défi majeur. Certaines solutions sont testées depuis plusieurs années.

 Rendez vous a été donné au pôle expérimental de Cadarache. C’est un lieu discret, situé en face de voisins plus connus que sont le CEA de Cadarache et ITER. Il héberge cet outil précieux, depuis 2017 au service des chercheurs et professionnels des milieux forestiers. Une fois passé le portail entre forêt et le bassin d’éclusée de Cadarache, on découvre de vastes hangars, et à l’extérieur des plants qui attendent d’être mis en terre.

Le pôle d’expérimentation de l’ONF à Cadarache © PC

Visite du cœur du dispositif d’amélioration génétique

Entrons dans le premier hangar. Il recèle une vaste collection de plants en godets. Chaque petite pousse est identifiée selon sa provenance (9 différentes). Elles seront élevées pendant 3 ans dans cet espace avant la seconde étape, la mise en situation de stress… S’étalent dans la « nurserie » des milliers d’arbres potentiels, 25.000 au total. Sur chacun sont étudiées les hybridations possibles pouvant répondre au changement climatique. Il s’agit essentiellement de chêne pubescent et de cèdre de l’Atlas.

La nurserie du pôle expérimental de l'ONF - plusieurs milliers de pousses en attente de tests

La nurserie du pôle expérimental de l’ONF – plusieurs milliers de pousses en attente de tests © PC

Mettre la végétation en situation

Le second hangar est la « chambre des tortures ». Ici les plants sont soumis au stress hydrique. C’est-à-dire qu’à partir des études faites sur la capacité moyenne de rétention d’eau du substrat dans lequel vit le plant, plusieurs tests vont être menés. Les plants les plus chanceux vont être à 80% d’arrosage (par rapport à la moyenne), quand d’autres seront seulement à 40%. Et la différence est spectaculaire.

Les autres hangars abritent d’autres essences, et l’un des programmes portés par l’ONF est la gestion de « vergers à graines ». Il répond à la nécessité de disposer de ressources génétiques adaptées, puisqu’il faudra recourir de plus en plus à la plantation ou à l’enrichissement. Sur ces vergers, les graines sont récoltées sur des plants sélectionnés et destinés à d’autres expérimentations.

comparatif de plants en stress hydrique différencié

Les plants sont placés dans des conditions différentes de stress hydrique, pour un résultat sans appel © PC

Couper et planter, des missions confiées par l’Etat

« La mission principale que nous confie l’état, c’est de gérer les forêts domaniales », nous explique Hervé Houin, directeur de l’ONF Midi Méditerranée. « Nous sommes dans une perpétuelle recherche d’équilibre entre la préservation du milieu et sa valorisation. Nous sommes des vendeurs de bois. Sachant que cela représente près de 50% de nos ressources, mais nous assurons aussi des missions d’intérêt général. Défense de la forêt contre les incendies, préservation de la biodiversité, ou encore intervention sur des espèces envahissantes, entre autres missions. Plus de 8000 collaborateurs sur tout le territoire, près de 1500 en Midi Méditerranée travaillent au quotidien pour répondre à ces enjeux ».

A la question concernant les choix d’essences pour les plantations, il nous confirme que « la sécurité incendie est en PACA le sujet numéro 1 ! Les choix s’orientent aujourd’hui plutôt vers des arbres résistants que vers des essences qui poussent vite. Nous nous adaptons nous aussi».

Un test grandeur réelle

C’est ce que nous découvrons sur la parcelle situé non loin de là, une plantation conservatoire de 1450 plants de pins de Salzmann. Essence aujourd’hui menacée, elle ne couvre que 5.000 ha sur tout le territoire français. L’objectif de cette parcelle est bien de sauvegarder sa ressource génétique. Bertrand Fleury directeur adjoint de l’ONF MM, nous explique que la préservation de cette essence est primordiale. Elle supporte en effet particulièrement bien la sécheresse, et présente à ce titre un véritable enjeu patrimonial. Ses graines sont donc soigneusement préservées et transitent par une sècherie de l’ONF afin de les conserver pour des plantations ultérieures. Ici ou ailleurs…

la plantation de pins de Salzmann

La plantation conservatoire de pins de Salzmann accueille des plants depuis 2014, sur lesquels veillent les techniciens de l’ONF © PC

Cadarache, une des des plus anciennes forêts  de la région

Direction maintenant la zone de biodiversité gérée par l’ONF. Le décor est surprenant. Elle fait partie de la belle forêt domaniale de Cadarache dont l’origine se perd dans le passé, puisqu’elle aurait été fondée au Xe siècle par les moines de l’Abbaye St Victor. Elle héberge d’ailleurs des arbres multi-centenaires, qui pour certains, bien que morts, sont conservés pour l’intérêt écologique qu’ils représentent. De l’autre côté de la piste empruntée, les bâtiments futuristes et gigantesques d’ITER. Le choc des cultures…

802 hectares pour tester l’avenir

Julien Panchout, directeur territorial 13/84 nous présente les multiples enjeux de cette forêt. « La parcelle sur laquelle nous nous trouvons est gérée dans une optique de régénération naturelle. C’est notre philosophie à l’ONF, on donne juste un « coup de pouce ». Pas de plantation mais un suivi des arbres, des interventions dosées et menées de manière graduelle. Notre travail de forestier ici est d’accélérer la transition des essences. On voit bien qu’elles sont affectées différemment par le changement climatique. On assiste pour le chêne pubescent à une « descente de cîme ». C’est-à-dire que les branches sommitales se dessèchent pour concentrer la circulation de la sève à une moindre hauteur. A contrario, le chêne vert est plus résistant et le remplace petit à petit. C’est l’étude grandeur nature de la capacité de résilience de la forêt ».

Julien Panchout devant l’un des arbres les plus vieux de la forêt de Cadarache, mort mais toujours utile à la biodiversité © PC

Place à la forêt mosaïque

C’est le concept retenu par l’ONF comme fondement de l’adaptation des forêts. Il s’agit de privilégier une diversification des futaies (régulière ou irrégulière), d’essences, et de favoriser une alternance de zones de régénération naturelle avec des zones de plantations. Les zones de libre évolution quant à elles contribuent à la protection de la biodiversité. A Cadarache, ce sont plus de 150 espèces d’oiseaux qui ont été identifiées, sans compter chiroptères (chauve-souris), insectes et bien sûr grands comme petits mammifères.

La forêt mosaïque @ ONF

Quels débouchés pour la production ?

Le bois coupé est valorisé à 80% dans la filière bois (bois d’industrie et bois énergie) et à 20% pour le bois d’œuvre (meubles, constructions). Quant à la destination de cette production, elle est distribuée exclusivement en local, à savoir dans les département des Bouches du Rhône, du Var et du Vaucluse.

La forêt de Cadarache © ONF

La forêt en chiffres

Constat alarmant : la mortalité des arbres s’est nettement accélérée, avec une augmentation ces 10 dernières années. On aboutit notamment au constat d’une capacité de séquestration du carbone divisée par 2 en 10 ans.

Avec  1 million et demi d’hectares, la Région Sud se place en deuxième position pour son taux de boisement, 48% pour 29% en moyenne au niveau national. Elle se caractérise également par une grande richesse biologique de ses espaces naturels, entre Méditerranée et Alpes. 34% des surfaces sont gérées par l’ONF.