Dans moins d’un an la cité phocéenne accueille les épreuves de voile des Jeux Olympiques. L’évènement mobilise la Ville et la Métropole pour que l’évènement soit « propre »… en espérant qu’un épisode climatique majeur ne vienne pas polluer la marina et la rade.
Le stade nautique du Roucas Blanc et la rade de Marseille seront-ils propres et protégés des pollutions lors des épreuves de voile des Jeux Olympiques ? A en croire la Métropole-Aix-Marseille-Provence et la mairie de Marseille, en charge de ce dossier sensible, tout est mis en œuvre pour que les voileux tirent des bords et accostent dans une eau de qualité en juillet et août prochains. « Nous avons désenvasé le fond du stade nautique, enlevé des sédiments pollués au chlore et installé des buses d’avivement sous la digue. Ainsi l’eau de mer crée-t-elle un courant. Nous allons aussi poser des nourrices à poissons pour que les juvénils soient protégés », énumère Hervé Menchon, adjoint au maire de Marseille, en charge notamment de la mer, du littoral et de la biodiversité.
Bassin et filets de rétention à la marina
« Les JO sont connus pour ne pas être un modèle environnemental. Mais là, on a passé le bassin au tamis écologique et on est dans quelque chose de plutôt vertueux », veut rassurer l’élu, membre du groupe des écologistes et citoyens. 40 M d’€ ont été investis dans l’aménagement de la marina. Cette somme inclut des travaux engagés par la Métropole Aix-Marseille-Provence, assumés en partie par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse. « Nous avons financé un bassin de rétention des eaux pluviales ruisselantes. Elles seront traitées avant d’être rejetées à la mer. Nous avons aussi posé des filets de rétention des macro-déchets sur certains exutoires », indique Annick Mièvre, directrice de l’agence pour la région Sud PACA et la Corse.
Se méfier des OFNI…
Les macro-déchets sont une plaie. Appelés OFNI – Objets Flottants Non Identifiés, ndlr –, ils « seraient une catastrophe et pourraient impacter les épreuves. Comme il y aura beaucoup de bateaux, une vigilance accrue sera assurée par les marins-pompiers de Marseille », indique Hervé Menchon. Ce risque, comme celui de pollution marine, vient du problème de l’assainissement marseillais, vieux de plusieurs décennies : le déversement en mer des eaux usées lors de violents orages. Dans ce cas, les ouvrages de stockage et de traitement débordent. « En octobre 2022, on a quand même récupéré en mer des bouteilles de gaz de 40 kg ! », rappelle l’élu de Marseille.
Retard d’assainissement hérité du passé
Ce modèle hérité du passé ne changera pas en un jour. « La Métropole est engagée dans l’amélioration du réseau (…) et finalise un schéma directeur sur l’ensemble de son territoire », souligne Annick Mièvre. Mais la prise de conscience de son obsolescence a été tardive. Et le retard est encore important. « Si nous avons un évènement pluvieux important, de type orage stationnaire, nous ne serons pas en mesure de gérer », reconnait Didier Réault, vice-président de la Métropole, délégué à la Mer, au Littoral, au Cycle de l’Eau et aux Ports.
En cas de gros orage ?
L’origine du « problème marseillais » est complexe. A la fin du 19ème s., l’option a été de créer un système de tout à l’égout rassemblant les eaux usées (traitées seulement depuis 1987…) et pluviales dans un même collecteur, pour les déverser en mer à Cortiou, dans les calanques. S’y jettent aussi depuis 1976 les eaux de l’Huveaune, détournée de son embouchure naturelle en raison d’une qualité dégradée, pour protéger la baignade en mer. Mais en cas d’épisode pluvieux très intense, tout ce système « disjoncte ».
Embouchure de l’Huveaune, à moins d’1 km de la marina olympique
La grande station d’épuration de Marseille ne peut retenir le surplus d’eau et le rejette en Méditerranée, sans le traiter. Du côté de l’Huveaune, idem : la rivière se charge et « le barrage de la Pujette doit relâcher l’eau, qui retrouve alors son lit naturel », éclaire Hervé Menchon. Conséquence : elle charrie en mer déchets, polluants et autres dépôts sauvages, issus des 18 communes d’amont, le tout à 1 kilomètre de la marina olympique… Si on ajoute les rejets illicites dans le Jarret, affluent de l’Huveaune, on mesure la fragilité du système en cas d’épisode climatique hors norme.
De longs travaux encore nécessaires
Pour parer le problème, des travaux ont été réalisés ou sont en cours. Mais ils ne seront pas tous, loin s’en faut, opérationnels à l’été 2024. Près du stade vélodrome, le bassin d’orage Ganay a été mis en service dès 2018 (voir photo) pour stocker une partie des trop-pleins. « Il permet de gérer des pluies importantes mais pas des évènements de type décennaux. Il en faudrait neuf de ce type pour y parvenir ! », dit Didier Réault. Un autre bassin d’orage est en construction du côté des Arnavaux mais il ne sera livré qu’après les JO. Au-delà existe aussi un projet d’aménagement du collecteur de Cortiou. Par la pose d’un système de vannes, il pourrait se transformer en un gigantesque « tube de retenue » lors de fortes pluies. « Mais ce chantier ne verra le jour que dans les 5 à 10 ans qui viennent », tempère Didier Réault.
Meilleure gestion des bassins versants
L’élu mesure le poids de l’héritage. Il observe aussi l’évolution climatique des dernières années. « Nous devons arriver à une meilleure gestion des bassins versants. Avec des terres plus sèches et l’artificialisation des sols, le ruissellement est plus fort qu’auparavant », constate Didier Réault. Recréer des méandres sur l’Huveaune, aménager des zones d’expansion de crues, lutter contre les incivilités, déconnecter les réseaux d’eaux pluviales et usées… Autant de gros chantiers qui préviendront peut-être un jour Marseille et sa rade des pollutions chroniques. Reste à espérer qu’aucun évènement climatique majeur ne vienne perturber la semaine olympique.