paysans boulangers bios ils cultivent

La bio est-elle bonne pour le climat ? A cette question légèrement provocante, Marina Rivera, chargée de mission Energie-Climat à Bio de Provence répond dans un sourire.

« La bio est d’abord bonne pour la santé humaine et pour la biodiversité. Le climat n’est pas la première chose à laquelle on pense ». Néanmoins, dans son refus d’utiliser des intrants de synthèse, l’agriculture bio fait économiser à la planète une grande quantité de GES (Gaz à Effet de Serre) dont ces intrants sont responsables.

Bio… naturellement plus naturels

A l’inverse, grâce aux apports naturels de matière organique, leurs sols plus riches et plus fertiles retiennent mieux l’eau et stockent le carbone et l’azote. Les agriculteurs en bio développent davantage de surfaces dites « d’intérêt écologique », telles que les haies et les arbres … Autre  manière d’atténuer le réchauffement climatique. De façon générale, ils pratiquent une activité agricole pérenne et moins gourmande en énergie.

Les bios plantent souvent des haies protectrices

La haie bioclimatique (ici une haie multi-essences caducs) ombrage, apaise le vent, régule l’eau et permet de faire face au climat avec les éléments naturels ©Bio de Provence-Alpes-Côte d’Azur – Photo de Une : Blandine et Vincent Arcusa, paysans boulangers à la Ferme de la Reyne à Tourves (83), cultivent des semences paysannes de céréales et des légumineuses qui favorisent la biodiversité et la fertilité des sols ©Bio de Provence-Alpes-Côte d’Azur

Mais concernés quand même

Malgré tout, les bio souffrent aussi du dérèglement climatique. « A titre personnel, j’ai vécu la tempête Alex en octobre 2020 », se souvient Christophe Cottereau, installé dans la Vallée de la Tinée. « Toute l’agriculture est concernée par la hausse de la fréquence et de l’intensité des épiphénomènes climatiques… » constate celui qui est aussi administrateur référent Bio et Climat à  Bio de Provence et à la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique).

« Les gels tardifs après des températures anormalement élevées en fin d’hiver ont impacté la lavande sauvage, en 2017 et 2019. Et la canicule estivale, devenue habituelle, grille la partie végétative, on sent une grande souffrance du végétal » se désole-t-il.

Christophe Cottereau cueilleur producteur de PPAM

Christophe Cottereau à cueillir de la verveine citronnée sur sa ferme à La Tour-sur-Tinée (06) ©EARL Les senteurs du Claut

Autres constatations, le thym devient de plus en plus petit avec de moins en moins de partie verte, la récolte de fleur d’oranger est avancée de plusieurs jours…

« Toutes les filières, toutes les productions agricoles sont touchées. Nos métiers de Paysan(ne)s bios se complexifient grandement. Aussi travailler ensemble, pour monter en compétence sur les aspects adaptation et atténuation est un enjeu majeur », poursuit Christophe Cottereau. La prise de conscience urgente de nos élu(e)s est un second levier essentiel ».

Expérimentations tous azimuts

Alors les fermiers bio et leurs organisations travaillent en réseau sur de nombreux projets. « L’objectif est –entre autres- de faire un diagnostic « Energie-Climat » de nos fermes afin de réduire à court et moyen terme, notre bilan carbone »  précise Christophe Cottereau. Une démarche qui convainc de plus en plus d’agriculteurs du réseau bio.

Agroforesterie à Avignon

En agroforesterie, les légumes poussent sous la protection des fruitiers Ferme de la Durette Avignon ©JB

Par exemple, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ils implantent des couverts végétaux entre les rangs de lavande. Une pratique aux multiples avantages : moins d’érosion des sols et d’évapotranspiration, moins de plantes adventices (les mal nommées « mauvaises herbes »), et plus besoin de désherbage mécanique, chronophage et producteur de GES. Mais aussi davantage d’auxiliaires de culture et un sol mieux structuré par le travail des racines.

Dans toute la région, dans toutes les filières

Dans les Hautes-Alpes, ce sont des éleveurs de bovins (au travers d’un GIEE) qui recherchent des fourrages plus résistants, testent les arbres-fourrage et le séchage en grange solaire…

Et dans les Bouches-du-Rhône, les Hautes-Alpes et encore le Vaucluse, toute une action est conduite –en partenariat avec le GERES*- sur les serres bioclimatiques. Grâce à des systèmes de flux thermiques passifs, on évite les excès de refroidissement la nuit et de réchauffement le jour. Et la facture d’électricité est réduite !

serre bioclimatique

La serre multi-chapelle bio-climatique de Marie Moyet, pépiniériste à Aubagne (13). Un modèle de serre qui permet d’exploiter l’énergie solaire passive pour éviter d’utiliser des nappes chauffantes ou des chauffages électriques et ainsi faire des économies d’énergie. ©Bio de Provence-Alpes-Côte d’Azur

Dans le grand Avignon, arboriculteurs et viticulteurs travaillent sur des pistes d’action pour évaluer et réduire leurs dépenses énergétiques et leurs GES. En couvrant l’inter-rang, les viticulteurs passent moins souvent le tracteur pour désherber. En isolant leurs bâtiments, ils dépensent moins d’énergie à les refroidir. Et surtout, ils veulent mettre en place la consigne du verre, souvent le poste le plus émetteur de GES.

Quand les bio et les conventionnels travaillent ensemble

L’IRAEE (Inter-Réseau Agriculture, Energie, Environnement) est un réseau de structures et d’associations agricoles. Il est dédié au changement climatique. Bio de Provence y pilote notamment le projet sur la consigne du verre. « Ici, l’adaptation, c’est tout de suite ! On est sur le front du changement climatique » constate Marina Rivera.

les bios font du couvert végétal

Conduite d’essais sur les couverts végétaux en grandes cultures : Semis de couverts végétaux en direct derrière une culture de blé dans les Alpes de Haute-Provence ©Bio de Provence-Alpes-Côte d’Azur –

« L’IRAEE est une structure intelligente, impulsée, entre autres, par des salariés de Bio de Provence et des chambres d’agriculture », souligne Christophe Cottereau. « C’est du bon sens de travailler ensemble à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique pour monter tous en compétence. On est tous dans la même galère ! ».

*Groupe Energies Renouvelables Environnement Solidarités

Bio de Provence

C’est le réseau qui regroupe les 6 associations départementales Agribio. Celles-ci fédèrent les agriculteurs bio des territoires et leur apportent un appui technique mais aussi commercial et administratif. Elles conduisent des actions et projets à l’échelle du territoire. Enfin, elles accompagnent les candidats à l’installation vers la bio.logo Bio de Provence

Bio de Provence représente les producteurs bio auprès des institutions de la région. Le réseau anime et coordonne les Agribio des départements et sert de lien avec le réseau national. Il conduit aussi des actions et projets territoriaux.

IRAEE

Initié en 2009 par la Région dans le cadre du programme AGIR, l’Inter-Réseau (IRAEE) réunit les partenaires de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour mener des actions conjointes sur la transition énergétique et agro-écologique des exploitations agricoles en région. Objectif ? Oeuvrer ensemble pour atténuer les impacts de l’agriculture sur le climat. Et ainsi faciliter l’adaptation des exploitations au changement climatique.
logo IRAEE Bio de Provence participe à cet Inter-Réseau avec le GERES, Solagro, les Chambres d’agriculture des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, le CRIPT- enseignement agricole, la Maison Régionale de l’Élevage PACA (MRE) et la Filière Cheval PACA.

L’objectif global est de développer un pôle de ressources et d’échanges multi partenarial, sur les questions d’énergie – climat en agriculture. Cela en direction  des agriculteurs et des conseillers de la région.