Le secteur est largement concerné par ce problème. Le 29 novembre, la Région Sud réunit les professionnels à Gréoux-les-Bains, afin de partager analyses et solutions lors d’un Forum Ecotourisme. Où la question des pratiques dans les milieux naturels est au cœur des enjeux…Les Parcs Naturels Régionaux et Nationaux sont en première ligne.
Le tourisme est incontestablement confronté à des défis qui bousculent ses modèles traditionnels. Notre région est particulièrement touchée par les effets du dérèglement climatique (sécheresse, manque d’eau, baisse de l’enneigement, etc.). Par ailleurs, nous bénéficions toujours de l’effet « post-Covid », qui a renforcé l’attractivité de nos espaces naturels. En conséquence, la pression se fait de plus en plus forte sur les ressources, les milieux et la biodiversité.
Dans les Ecrins, le constat de dégradation des milieux
Benjamin Ribeyre est président de la Compagnie des Guides Oisans-Ecrins. De formation scientifique, il décrit une situation qui cet été s’est considérablement dégradée. « Par mon métier et ma pratique en milieu naturel, j’ai d’autant plus conscience de la problématique du réchauffement climatique. Mais cet été, je l’ai pris en pleine figure ! L’étendue des dégâts est considérable et nous avons dû, jour après jour, nous adapter pour continuer à pratiquer notre métier dans les meilleures conditions. Par exemple, les activités d’eau vive ont été restreintes, le débit des cours d’eau étant souvent insuffisant. Les courses sur glacier se sont réalisées directement sur la glace alors qu’à cette période nous avons la neige, qui facilite considérablement la pratique pour nos clients ! Nos collègues opérant au Mont-Blanc en sont arrivés à refuser de réaliser certaines courses. Heureusement, nous avons la chance dans les Ecrins de bénéficier d’un terrain de jeux particulièrement vaste. Nous avons donc pu redéfinir les itinéraires de certaines courses.»
Nécessité de changer ses pratiques
A l’écouter, il paraît évident qu’en tant que professionnel de la montagne connaissant son milieu, il a des solutions de rechange à proposer à ses clients. Mais pour lui, cela passe aussi par faire accepter de reporter dans le temps ou dans l’espace certaines courses, ou d’autres activités outdoor. Par exemple les courses sur neige seraient désormais plutôt à programmer en juin. La temporalité n’est plus la même, encore faut-il que notre organisation du temps libre s’adapte. Plaisantant à moitié, Benjamin se demande si les vacances estivales pourraient être décalées… Il rappelle que sa grand-mère ne commençait l’école qu’en octobre après le travail dans les champs !
Un grand écart difficile pour les acteurs touristiques
Difficile de ne pas interroger les stratégies promotionnelles des destinations touristiques. Comment concilier la recherche de clientèles lointaines avec la problématique des déplacements ? Comment imaginer réduire la fréquentation de nos sites, alors que le tourisme représente, pour la région Sud, plus de 20 milliards de retombées économiques ? Le défi à relever est ambitieux, en cherchant à concilier tout à la fois la sobriété, l’atténuation des causes pour limiter l’ampleur du réchauffement, l’adaptation des activités pour atteindre la résilience tout en maintenant l’attractivité de notre Région… La recherche de solutions ne peut être que collective et partagée. Paiement d’un droit d’entrée des sites naturels ? Limitation du nombre de visiteurs accueillis ? Augmentation de la taxe de séjour lorsqu’elle existe ??… Certainement des pistes qui seront évoquées lors du Forum.
Les français prêts à s’engager vers la transition écologique dans leur pratique touristique
Toutes les études et enquêtes menées ces derniers mois convergent vers un constat commun : 86% des français considèrent comme déterminant l’impact écologique de leur voyage. Ils sont même plus de la moitié à être prêts à partir moins loin, et sans surprise, les 18-24 ans sont les plus enclins à privilégier les voyages éco-responsables (source : GreenGo). Par ailleurs, 48% seraient prêts à payer plus cher des produits et services respectueux de l’environnement ou pour économiser l’énergie. Consommer de manière plus responsable serait également un choix pour plus de 6 français sur 10.
Rechercher la cohérence entre conviction et action
Pour Benjamin, pas de faux semblant. Il a une conscience aigüe de la réalité et décide d’agir à son niveau. « Soyons clairs, le tourisme n’est pas une activité vertueuse ! Mais à mon niveau, je fais des choix qui répondent à mon besoin d’agir en tant qu’individu. Je privilégie les courses plus proches de chez moi. Je refuse désormais les demandes d’héliski (dépose en hélicoptère sur un sommet). J’incite mes clients à venir en montagne deux semaines tous les deux ans, plutôt qu’une semaine par an. Et pour ce qui est de mon activité à l’étranger, je n’emmène plus de clients sur des expéditions. Je les mets plutôt en relation avec des professionnels basés dans ces pays. Enfin, à titre personnel et familial, je ne prends plus l’avion, si ce n’est pour rendre visite à ma famille aux USA. »
Il conclut : « Nous avons un rôle à jouer auprès de ceux qui choisissent nos destinations. Nous vivons toute l’année dans ce milieu, nous en connaissons les dangers mais aussi les fragilités. A nous, professionnels de la montagne, de nous adapter, mais sans jamais sacrifier la sécurité. »
Le réchauffement, un phénomène désormais admis
Pour la plateforme d’analyse Dynata, 84% de la population pense que le changement climatique est une réalité. 7% d’entre eux considère que ce phénomène n’est pas une réalité, un chiffre qui reste important au vu de la situation, le même pourcentage que nos voisins européens. Pour 4 français sur 10, le changement climatique les affecte personnellement, et près de 6 sur 10 pensent qu’il a des conséquences sur la France. Enfin, 73% des répondants considèrent qu’il est « extrêmement » ou « très » urgent d’agir pour améliorer la situation climatique et 68% considèrent que c’est une priorité plus élevée qu’il y a 5 ans. Pour un tiers des Français il est malheureusement trop tard pour agir.