Initié en 2015, lancé en 2018, le plan de relance du fruit emblématique de la région va bon train. Plantation de vergers, organisation de la filière, recherche scientifique et technique : autant d’actions en route, même si toutes ne vont pas au même rythme. L’amande de Provence vit un moment charnière.
Amandiculteurs, conseillers, techniciens et chercheurs : l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique, l’alimentation et l’environnement) d’Avignon accueillait le 6 février tous les acteurs de la filière amande. A l’ordre du jour, la restitution des travaux de recherche conduits à travers le projet LEVEAB (Lever les verrous à la culture de l’amandier en culture biologique). (Lire ici l’article de Bleu Tomate sur ces résultats scientifiques.). L’occasion, aussi, de faire un point sur la filière de l’amande.
Y aller ou pas ?
Laurent André et son fils Honoré participent à la journée. Viticulteurs à Rasteau, ils souhaitent se diversifier ou même changer d’activité. L’amande semble avoir le vent en poupe, alors ils sont venus s’informer. Après avoir entendu les scientifiques (voir notre article ici), ils vont prendre le temps de la réflexion.
Dorian Fabre lui a déjà sauté le pas. En 2023, sur les terres familiales à Pernes-les-Fontaines (84), il a planté 25 ha d’amandiers, la plupart en haies fruitières, et sur 7 ha, en plein vent. C’est la Compagnie des Amandes (voir encadré ci-dessous) qui a financé l’opération. La société détient la moitié des parts avec l’agriculteur. La première récolte est attendue en septembre prochain.
Une culture exigeante
« En 2011, on a voulu se diversifier, on a cru que l’amandier c’était facile, mais en fait, pas tant que ça, c’est une culture exigeante », explique Fabien Dauphin, jusque-là producteur de cerises à Cucuron, dans le Sud Luberon. « Pour assurer un revenu, il faut lutter contre les ravageurs, mais aussi structurer la filière. Et s’adapter au changement climatique. Quel sera le climat en 2050 ? Les températures ? La sécheresse ? Quelles variétés choisir ? ».
Le jeune agriculteur est aujourd’hui président du Syndicat des Producteurs d’Amandes de Provence, créé en 2015. « La filière s’organise, elle a de l’avenir, pronostique-t-il. L’amande est un fruit sain, bon pour la santé, adapté aux chaleurs à venir si on choisit les bonnes variétés. Au niveau technique, pour sortir du tout chimique, il faut trouver des solutions. Et puis organiser le marché. 2023, c’est notre première année de grosse production, il faut trouver des acheteurs ».
L’objectif pour le jeune syndicat, c’est une production annuelle de 2000 tonnes en Provence, qui permette à tous les producteurs de vivre. La France consomme 40 000 tonnes d’amandes, à 95% importées.
La règle de trois du bon amandiculteur
Bien choisir sa parcelle et ses variétés, implanter son verger en pensant à la manière dont on va récolter les fruits et réfléchir au mode de commercialisation. Autant de données à bien réfléchir avant de se lancer. Un long chemin que le syndicat, les instances agricoles et les chercheurs balisent au mieux.
Un marché pas encore prêt
En 2023, les amandiers de Provence ce sont 2200 hectares (le verger a doublé en 3 ans) et 1200 tonnes récoltées ! Mais paradoxalement, un marché local pas prêt à absorber la production. C’est qu’elle est arrivée brutalement, après deux années de gel.
« Dès septembre, on a alerté la filière aval, se souvient pourtant Laurent Belorgey, président de France Amande. On leur a rappelé leurs promesses de créer des gammes 100% amandes de France. Cela se met en œuvre, la grande distribution aussi lance « l’amande française », mais il faut un peu de temps ».
En effet, les transformateurs, confiseurs et nougatiers ont été demandeurs d’amandes de Provence, pour répondre aux exigences des consommateurs. Mais l’amande locale est deux fois plus chère que l’amande importée. « Aujourd’hui il y a des tensions sur les prix, poursuit Laurent Belorgey. Il faut être vigilant pour qu’ils ne s’effondrent pas. D’autant que l’amande peut se conserver très bien, dans de bonnes conditions ».
L’amande de Provence mise sur la qualité
L’amande de Provence doit donc passer un cap. Trouver de nouveaux marchés, communiquer sur sa qualité, qui explique son prix. Pour cela, pépiniéristes, producteurs et transformateurs se sont regroupés au sein de France Amande. Un accord interprofessionnel a été signé sur les principes d’une filière durable et une marque lancée : Amande de France.
La filière travaille à un Label Rouge et une IGP, qui sera déclinée en « Amande de Provence », « Amande de Corse » et « Amande d’Occitanie ». Elle doit se distinguer du fruit californien, à tous les stades, du mode de culture jusqu’au cassage. Un long travail, qui lui aussi prend du temps.
« En cinq ans, un travail extraordinaire a été accompli, concluait André Pinatel, ex-président de France Amande et l’un des pionniers de la relance de l’amande. Créer une interprofession et lancer des signes de qualité, tout en développant les plantations, la production et la recherche indispensable à l’accompagnement, je suis ravi ! »
Reste à transformer l’essai !
La Compagnie des Amandes, 200 hectares en Provence
La société, cofondée par l’ancien ministre Arnaud Montebourg investit dans des vergers, comme à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse). Ou bien elle passe avec les producteurs des contrats sur trois ans minimum pour l’achat de la récolte, avant ou après cassage, au choix de l’amandiculteur. Engagement sur le prix d’un côté, sur la traçabilité et la qualité de l’autre. La Compagnie compte environ 200 hectares en Provence et une vingtaine de producteurs.
La première récolte en 2023 a été de 20 tonnes, 250 sont espérées en 2024. « Nous sommes en phase de croissance et plutôt optimistes, affirme Rémy Foissey, directeur du développement à la Compagnie des Amandes. Nous recherchons des producteurs qui souhaitent se diversifier, y compris sur de petites surfaces. Notre mission est de les accompagner sur un plan technique et commercial ».