Il n’y a pas que la Provence qui pratique la transhumance… Dix pays sont désormais reconnus par l’UNESCO qui vient de l’inscrire au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité. Une belle récompense pour cet usage attesté depuis le XIème siècle.
Patrick Fabre est le directeur de la Maison de la Transhumance à Salon de Provence. Il travaille sur ce projet depuis 2018, en partenariat avec le CORAM (Collectif des Races locales des Massifs). C’est cet organisme qui a porté la candidature française. La Maison de la Transhumance a eu en charge la rédaction de la fiche d’inventaire pour notre région. Indispensable document pour « inscrire le bien » au niveau national avant de candidater auprès de l’UNESCO.
« Il s’agit avec cette reconnaissance de sauvegarder notre pratique. Sauvegarder et valoriser, il faut savoir que cette inscription fait la fierté des éleveurs ! » se réjouit Patrick Fabre.
Pastoralisme et transhumance
La définition de la transhumance a fait l’objet de multiples discussions avec les 6 autres massifs qui la pratiquent, mais aussi avec le Ministère de la Culture. Vosges, Jura, Corse, Pyrénées, Cévennes-Massif Central n’ont en effet pas nécessairement la même approche. « J’ai toujours œuvré pour différencier pastoralisme et transhumance, poursuit le directeur. Pour nous, la transhumance correspond à un déplacement de minimum 100 kms, avec un nécessaire changement de territoire. Demeurer 3 ou 4 mois en estive fait aussi partie des critères. C’est bien ce rapprochement entre des cultures et des territoires différents qui fait toute la richesse de la transhumance ».
L’anticipation du changement climatique avant l’heure
L’intérêt est aussi sanitaire : quitter la bergerie et monter en alpage permet notamment d’intervenir sur le cycle parasitaire des brebis. « De plus, l’herbage en altitude est plus riche que les espaces desséchés des plaines provençales. En fait, la pratique de la transhumance est depuis son origine une adaptation au climat. Nous avons en quelque sorte anticipé le changement climatique, même si la rapidité du changement actuel perturbe également le cycle des troupeaux transhumants… ».
Un moyen de valoriser le métier de berger
L’inscription au Patrimoine Culturel et Immatériel a d’autres avantages. Quant à connaître le pourquoi de cette inscription, Patrick Fabre n’hésite pas : Une fois encore, sauvegarder et valoriser ! Elle nous permet de communiquer sur ce qu’est réellement être berger, souvent considéré comme le dernier des métiers.. Un peu plus de vingt jeunes sont actuellement formés ici à l’école du Merle. Et on constate une progression du nombre de candidats qui se présentent dans l’une des six ou sept écoles existantes en France. Notre but est que cela soit utile aux éleveurs et aux bergers ».
Le Patrimoine Culturel Immatériel : le début du chemin
Car il va falloir désormais trouver des ressources. L’inscription va permettre de trouver plus facilement les moyens pour financer les actions imaginées par le Collectif dans son « Plan de Sauvegarde et de Valorisation de la Transhumance ». L’urgence est tout d’abord de faire évoluer la règlementation européenne sur le transport des animaux.
En effet, de multiples restrictions comme l’interdiction de faire voyager dans un même compartiment brebis et béliers, ou encore de mettre ensemble troupeau et chiens de protection représentent un véritable frein. De même, renforcer la formation et la médiation, comme la communication sur les valeurs sociétales et culturelles de la transhumance font partie des projets. Ces deux dernières missions seront d’ailleurs à la charge de la Maison de la Transhumance.
Celle-ci a en outre vu sa place renforcée face aux financeurs locaux. Comme la Région Sud qui la soutient fortement. En projet aujourd’hui, la réalisation d’une exposition itinérante autour de la transhumance, « Où vas-tu berger.e ? ». Une nouvelle occasion de s’adresser au public.
Et après ??
Neuf pays avec la France bénéficient de cette inscription : l’Italie (chef de file d’origine), l’Autriche, la Grèce, l’Espagne, la Roumanie, la Croatie, l’Albanie, Andorre et le Luxembourg. Patrick Fabre rêve déjà à l’organisation d’un colloque en 2025 au MUCEM pour tous les réunir. Pour lui, il faut déjà réfléchir de manière collective à l’avenir de la transhumance dans le contexte de changement climatique.
Photo de 1 : Remise du Certificat d’inscription par Christophe BECHU, Ministre de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires, au Président du CORAM Christian ASNA, ainsi qu’aux deux coprésidents du Comité de Pilotage, Jean-Luc CHAUVEL et Olivier MAURIN. Salon International de l’Agriculture, Paris, mars 2024
Article réalisé en partenariat avec le Festival du Film « Pastoralisme d’aujourd’hui et de demain »
La Routo® poursuit son chemin…
Edité en juin 2022, le topo-guide a trouvé sa clientèle. Une première évaluation de la fréquentation de cet itinéraire en 2023 a donné toute satisfaction. Les hébergeurs souhaitent poursuivre. Même si le travail de structuration n’est jamais vraiment terminé, avec la recherche de nouvelles haltes notamment dans les Bouches-du-Rhône. Ou encore la mise en place d’alternatives au tracé initial. Il est aussi prévu de proposer, dès ce printemps, une offre permettant la pratique de ce GR® avec portage de bagages.