Activité agricole mais aussi emblème culturel et touristique de la Provence, la lavande affronte un double défi : l’enjeu climatique et l’exigence sociétale de qualité environnementale et énergétique. Si la filière est loin d’être aujourd’hui exemplaire, elle affiche son ambition de le devenir rapidement.
Ce mardi d’octobre à Forcalquier, près de 130 acteurs de la filière ont répondu présents. Le thème de la journée est sans ambiguïté : « Lavandes et enjeux environnementaux ». Producteurs, industriels et techniciens viennent découvrir « Green et lavandes ». Un projet de combat, qui entend mettre toute la filière en ordre de bataille. Ambition ? Réduire de moitié, dans les 10 ans, la production et la consommation de CO2. A la manœuvre, le FSPLP (le Fonds Sauvegarde du Patrimoine Lavandes en Provence (voir ci-dessous).
Une stratégie en 3 axes
Depuis les techniques de culture jusqu’à la distillation en passant par la récolte, les marges de progrès sont immenses. Les différents intervenants se sont appliqués à les présenter. Dans chaque secteur, des initiatives ont déjà été prises, mais beaucoup reste à faire.
Nos amis les vers de terre
A commencer par la qualité des sols. Avec 1% de matière organique parfois, certains sols sont d’une pauvreté dramatique. Pour y remédier, le FSPLP va travailler avec Arbre et Paysage 32. La structure accompagne 16 000 fermes, qui ont mis la santé de leurs sols au centre de leurs préoccupations. Et ça marche !
Venu du Gers, le directeur d’AP32, Alain Canet, insiste sur l’importance du carbone dans le sol, grâce à l’agroforesterie. Double avantage : le carbone nourrit le sol (merci les vers de terre…) et n’est plus dans l’air à réchauffer l’atmosphère ! Deux chiffres à l’appui de sa démonstration : quand l’agriculture conventionnelle largue 300 kg de carbone par hectare et par an, l’agroforesterie en enfouit 600 en terre !
Agroécologie et agroforesterie
L’agroforesterie ? Un système de couverts bas et hauts qui s’entraident et se complètent. « La forêt, explique Alain Canet, fait toujours le maximum avec rien, et chaque jour le sol est plus riche… La biodiversité n’est pas une contrainte, mais le moteur de la productivité » ! Alors bien sûr on ne va pas cultiver les lavandes sous les chênes, d’autant que la plante a besoin de soleil, mais, poursuit le technicien, la réussite c’est « le bon arbre au bon endroit au bon moment »… Et de conclure : « Je ne vois pas aujourd’hui comment faire de l’agriculture sans remettre de la biodiversité dans les sols ».
Aux questions des agriculteurs présents, Alain Canet répond qu’au bout de 2 ou 3 ans, des résultats apparaissent, et insiste sur l’importance du travail en groupe et en concertation permanente pour avancer sereinement dans ces nouveaux itinéraires de culture.
Reconnaissant que : « On a des sols qui ont été déstructurés », Rudy Usseglio, producteur et président du CRIEPPAM (Le Centre Régionalisé Interprofessionnel d’Expérimentation en Plantes à Parfum Aromatiques et Médicinales) présente résultats et objectifs. Depuis 2009, des expériences de couverts végétaux ont réduit l’érosion et le dépérissement. Des arbres ont été plantés. Le projet « Green et lavandes » doit aider les producteurs à aller plus avant. L’autre point noir, face à l’enjeu environnemental, c’est le poids de l’énergie.
Consommer et produire moins de CO2
Outre le transport de la production du champ à l’atelier, les opérations de distillation sont extrêmement gourmandes. Chauffer puis refroidir … Aujourd’hui, presque tous les acteurs sont équipés d’une bâche à eau qui permet d’économiser 12% d’énergie. Plusieurs distilleries utilisent des condenseurs évaporatifs qui condensent la vapeur chargée d’huile essentielle avec les hydrolats (eau restant après séparation de l’huile). Mais l’avenir semble être dans l’Ecovaporateur (il existe à petite échelle), qui réutilise l’énergie générée à l’étape du refroidissement pour reproduire la vapeur. Un procédé qui laisse espérer économiser 40% d’énergie.
Autre technique prometteuse, la récolteuse Espieur qui récolte uniquement les fleurs de lavande et broie les tiges qui restent sur le sol et le protègent. Il permet de diviser par 2 les volumes récoltés, transportés et donc distillés. Et d’économiser 30% d’énergie à la distillation. Cerise sur le gâteau, l’huile essentielle a une meilleure qualité olfactive.
Reste la difficulté de développer les bonnes machines pour un petit marché, la prise de risques et les investissements pour les industriels comme pour les producteurs. Ce sont bien ces freins que « Green et lavandes » entend lever. Notamment grâce au financement de prototypes qui donneront les outils de demain.
Un plan à un million d’euros
30 000 € pour soutenir les nouvelles pratiques culturales, près de 600 000 € pour développer la récolteuse Espieur, et encore 230 000 € pour l’écovaporateur… Ajouter des journées de formation, l’accompagnement des acteurs et l’on arrive au million… A ce jour, le FSLP en a déjà mobilisé 60% et compte bien boucler le budget. Le projet s’étend de 2019 à 2022.
Quand l’aval tire l’amont
Un projet vertueux proposé par les entreprises et structures de recherche et de commercialisation, plus proches des clients et consommateurs et de leurs attentes nouvelles.
C’est le discours porté par Pierre-Philippe Garry,de la société Bontoux, qui souligne : « Si la profession n’entre pas dans ce type de programme (NDLR « Green et lavande »), elle n’a aucun avenir ». « Aujourd’hui, poursuit le directeur des opérations de cette société qui produit des huiles essentielles et des ingrédients aromatiques naturels, les clients attendent de nos produits le zéro déchet, le zéro pesticides, l’origine et la traçabilité, l’impact environnemental et des valeurs… Alors il faut montrer qu’on avance ».
Message reçu 5 sur 5 par les producteurs présents, qui ont au moins gagné l’assurance d’être accompagnés et soutenus par un plan de campagne au service de l’or mauve de la Provence.
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Pour aller plus loin
La filière lavande et lavandin en Provence
-25 000 hectares dans les Alpes de Haute Provence, le Vaucluse et la Drôme.
-1 700 producteurs – 1 400 apiculteurs
-1 480 T d’huile essentielle – 1 500T de Miel lavandes de Provence
-80 M€ de chiffre d’affaire agricole
-9 000 emplois directs et indirects
-une importante chaîne de négociants/industriels/transformateurs locauUne présence agricole et industrielle mais aussi touristique et culturelle. Elle structure les paysages. Développée depuis le début du 20e siècle (auparavant, on la récolte sauvage). Grâce à l’industrie de la parfumerie et des cosmétiques, elle est exportée dans le monde entier.
Le Fonds Sauvegarde du Patrimoine Lavandes en Provence
-Il a vu le jour en 2012, à l’initiative du Centre de recherche CRIEPPAM. Il exprime ainsi sa vocation : Le Fonds SPLP est destiné à financer des programmes de recherche visant à trouver des solutions écologiques pour la préservation de la lavande. Il a aussi pour objectif de faire prendre conscience des risques de disparition de la lavande en Haute-Provence ».
-Le Fonds finance des programmes de recherche, notamment contre le dépérissement à phytoplasme de la plante. Mais il cherche aussi à répondre à l’exigence du changement climatique et à celle de la société pour des produits tracés, locaux, respectueux de l’environnement et porteurs de valeurs.
-Il est financé par des fonds privés et des mécènes et n’a pas vocation à collecter de l’argent public. Il travaille avec des structures compétentes afin de préserver ce patrimoine symbole de la Provence, qui contribue à sa prospérité et à son rayonnement dans le monde entier. Et qui implique de nombreux acteurs économiques de la région : agriculteurs et apiculteurs, négociants, industriels et professionnels du tourisme…
-Parmi la trentaine de partenaires et mécènes du Fonds, L’Occitane, Chanel, Bontoux ou encore l’UESS, (Université Européenne des Saveurs et des Senteurs).