Amandes, pistaches et aujourd’hui grenades…. Le retour de ces fruits dans la région accompagne la nouvelle donne climatique. Et répond à l’appétit des consommateurs pour des fruits pleins de bienfaits. Au pied du Mont Ventoux, un couple d’arboriculteurs a planté des grenadiers il y a 10 ans. Rencontre.
Damien Arnaud, la trentaine, représente la 4e génération de la famille sur ce domaine arboricole de 20 ha, Le Lauzas, à Malaucène. Installé en 2013, il produit en Haute Valeur Environnementale (HVE) des cerises, des prunes, des abricots et aussi des pistaches. Et en bio, des coings… et des grenades.
Une culture de diversification
Car sur ce territoire au pied du versant nord du Ventoux, ses parcelles étagées jusqu’à 500 m, présentent des sols argileux, caillouteux ou sableux propices à la diversification, une « assurance revenus » même si une culture ne donne pas une année.
Après des études en agronomie et quelques années de travail dans la qualité, Coralie rejoint Damien en 2021. Son projet ? Développer la transformation de leurs productions –en confiture, jus et sirop de grenade- mais aussi valoriser les co-produits, tels les écorces et les pépins. Elle crée « l’Atelier d’Hippolyte ».
Le début d’une aventure
Tout a commencé avec une réflexion autour du grenadier, quinquagénaire, installé sur la ferme, et qui a toujours produit des fruits. « On cherchait une culture nouvelle, on s’est dit pourquoi pas ? se souvient la jeune agricultrice. A l’époque, on commençait à parler de la grenade comme d’un super fruit, et on savait qu’il y avait des possibilités de transformation. On s’est renseignés sur les variétés, on a fait des expérimentations, à l’époque on était un peu pionniers ! On a appris petit-à-petit ».
Sur leurs 5 ha de grenadiers, ils récoltent chaque année environ 10 tonnes de fruits à l’hectare. Une moitié est vendue sous forme de fruits frais. L’autre est transformée. « La grenade nécessite peu de main d’œuvre (une taille tous les 2 à 3 ans) pour de bons volumes de récolte » précise Coralie. Aujourd’hui les arboriculteurs continuent à tester de nouvelles variétés (il en existe 1200, dont certaines ne produisent pas de fruits).
La grenade et le changement climatique
Le grenadier a de nombreux atouts. Il s’adapte très bien aux sols et au climat de la région, à la chaleur et au manque d’eau, bref au changement climatique. « Avec la sécheresse de 2022, on a constaté que nos arbres n’ont pas souffert, même si la récolte a été à la baisse ».
Autre avantage, le grenadier connaît peu de prédateurs. « Depuis 3 ou 4 ans, on désherbe mécaniquement juste au pied mais on laisse l’herbe au-delà. Elle garde l’humidité et favorise la biodiversité. On a beaucoup de coccinelles, un écosystème s’est mis en place, on n’a pas de problèmes phytosanitaires », se réjouit l’arboricultrice.
La grenade est la santé
Et puis la grenade est excellente pour la santé. Ce « super-aliment » est bourré de vitamines, de minéraux et d’oligo-éléments. Selon de nombreuses études, (source Bio de Provence), sa consommation réduit notamment les risques de maladies cardiovasculaires, de certains cancers et le vieillissement cellulaire. Excellente pour lutter contre la fatigue et les inflammations, elle redonne du tonus aux sportifs !
Dernier avantage, la grenade se présente comme un « fruit zéro déchet ». En effet elle peut se consommer fraiche, mais aussi sous forme de jus, de sirop, ou de gelée, de vinaigre et de mélasse. Et ce n’est pas tout. « L’écorce de grenade séchée sert à des teintures et des infusions, explique Coralie Arnaud. Avec les pépins, (très riches en Omégas 5), on fait de l’huile pour la cosmétique ».
Une grenade pleine de ressources
Si le jus est fait à Perpignan sur une machine très spécifique, les Arnaud sont les seuls à fabriquer leur huile sur place. Ils travaillent à façon pour d’autres producteurs. Alors, aucun inconvénient à la culture de la grenade ? « A part les épines sur les branches, redoutables même au travers des gants, je ne vois pas » sourit Coralie Arnaud.
Reste à commercialiser. Outre le point de vente à la ferme, la jeune agricultrice vend sur les marchés, les foires, en boutiques pour les cosmétiques et sur le site Internet ainsi que grâce au réseau « En direct de nos fermes » Mais la consommation de grenade reste peu développée.
Un marché à conquérir
« Si on peut la faire connaître, les gens en consommeront davantage, explique Coralie. Ce fruit bon pour la santé a une place à conquérir. » Alors avec le soutien de Bio de Provence, les producteurs viennent de lancer le Syndicat France Grenade.
Fort d’une quarantaine de producteurs, il entend promouvoir la grenade bio française et faciliter les échanges, formations et initiatives entre ses membres. Aujourd’hui la grenade consommée en France dans la grande distribution vient essentiellement d’Espagne, de Turquie, du Maghreb et d’Israël. Il y a un marché à conquérir et le Syndicat entend défendre ses membres pour calculer des prix de revient justes.
Présents sur l’arc méditerranéen du Var aux Pyrénées-Orientales, dans le Rhône et le Bordelais où des viticulteurs en difficulté font des essais, les producteurs entendent valoriser la grenade française. Pour la 1ere fois cette année, Damien et Coralie Arnaud travaillent avec des chefs de cuisine. La grenade française pourrait bien désormais se faire une place dans nos assiettes.
La grenade en quelques chiffres
– Surfaces plantées en grenadiers en PACA : 250 ha, en France 600 ha
– Volume produit en PACA : 800 tonnes, d’ici 2026 : 3000 tonnes
– Nombre de producteurs estimés en France : 200
– Récolte d’octobre à décembre
– 95% des vergers sont conduits en agriculture biologique.
Bio de Provence accompagne la création de la nouvelle filière et du Syndicat. Parmi les actions en cours, l’aide à :
-la mise en place d’une solution durable de production de jus, d’huile de pépins de grenade et de broyat de peaux séchées.
-la commercialisation des produits et co-produits de la grenade.
-le soutien technique et collectif à la conduite des vergers
-la communication au plan national sur une nouvelle culture qui répond aux enjeux climatiques, environnementaux et de santé.
La DRAAF et la Région Sud-PACA soutiennent également cette démarche.