Alors que Nice s’apprête à mettre en place son aire maritime protégée, la Côte d’Azur compte déjà plusieurs zones de protection pour les poissons et la posidonie.
Chercheuse postdoctoral au laboratoire Ecology and Conservation, Science for Sustainable Seas (ECOSEAS / CNRS-UniCA), Emna Ben Lamine fait le point sur ces enjeux.
Quelles sont les spécificités des aires marines protégées sur la Côte d’Azur ?
Les enjeux peuvent être différents entre le Var et les Alpes-Maritimes, notamment de par la biodiversité des fonds marins, mais aussi par rapport aux usages de la mer. D’une façon générale, on constate beaucoup de plaisance et donc de mouillages, et une activité touristique très importante. Au large de Nice, il y a une forte activité touristique mais pas de mouillage. La profondeur descend très vite, jusqu’à 100 mètres de fond dès 300 mètres de distance de la côte, où l’on ne peut pas jeter une ancre, c’est une protection naturelle. A la promenade des Anglais, on se retrouve vite dans un habitat semi-obscur dès 30 mètres de profondeur, avec de grands enrochements. Durant la campagne scientifique de l’été 2023, on y a observé des espèces coralligènes, qui sont des espèces protégées.
La pêche a-t-elle un fort impact, comme on peut le voir dans les Bouches-du-Rhône ?
Comme dans toute la Méditerranée, la Côte d’Azur se caractérise par une forte activité de pêche de plaisance, qui reste difficile à quantifier et par la présence d’une activité de pêche professionnelle artisanale. Elle est plus respectueuse de l’environnement, puisqu’elle n’utilise pas de chalut. Elle impacte moins la réserve halieutique, d’autant plus que cette pêche est destinée directement à la consommation humaine, plutôt que pour fabriquer de la farine de poisson destinée à l’élevage.
La Côte d’Azur compte déjà plusieurs zones de protection dans ses eaux. Sont-elles efficaces ?
Le Var et les Alpes-Maritimes ont déjà plusieurs zones maritimes classées Natura 2000, ou d’autres zones de protection forte comme des cantonnements de pêche. Dans notre laboratoire, nous avons suivi les populations de poissons à l’intérieur et à l’extérieur de 8 de ces zones. Pour le moment, nous ne voyons pas de différence significative dans la densité et la biomasse des peuplements de poissons, sauf sur le cantonnement de pêche du Cap Roux qui a été créé en 2003. Pour ce cantonnement, la Prud’homie de pêche demande régulièrement son renouvellement, tous les cinq ans. On peut donc penser que dans cette zone, il y a un effet réserve sur le long terme.
Comment faire respecter ces zones de protection ?
En général, la protection peut être plus efficace quand les usagers de la mer et les professionnels y sont impliqués. Comme c’est le cas au cantonnement de pêche de Cap Roux où des pêcheurs eux-mêmes font respecter les restrictions. C’est la grande difficulté des milieux marins : les contrôles sont plus compliqués, et coûtent plus cher. Pour lutter contre le braconnage, il faut sortir par mauvais temps car c’est le plus souvent dans ces moments que ça se passe. Parfois, les contrevenants peuvent être de bonne foi : si un pêcheur est italien mais que la bouée qui marque la zone n’est qu’en français, il ne sait pas la lire…
Pour protéger la posidonie dans le Var, les pouvoirs publics envisagent l’installation de grandes bouées d’amarrage. Est-ce une solution ?
Cela dépend de beaucoup de facteurs : le coût, la faisabilité, les financements… Mais surtout de la volonté des usagers. Dans le Var, il n’y a pas que des méga-yachts, il y aussi beaucoup de bateaux de petite plaisance, de 8-9 mètres, qui veulent mouiller près des côtes dans les eaux cristallines. Est-ce qu’ils accepteront de s’amarrer loin du rivage, à proximité d’autres grands plaisanciers ? Et est-ce que le coût reste abordable? A Villefranche, on voit régulièrement un bateau de plongée jeter l’ancre, alors qu’une bouée est toute proche. Les Alpes-Maritimes ont pris des arrêtés qui interdisent le mouillage sur des posidonies. Normalement, ces zones sont indiquées sur les cartes maritimes. Mais tous les plaisanciers ont-ils des cartes à jour ? Ces enjeux sont complexes, et c’est pour cela qu’il est très important de les aborder dans le débat lancé par la Commission nationale du débat public.