Territoire emblématique de la culture provençale, la Camargue fascine par ses paysages uniques. Son identité singulière attire les foules mais nécessite une gestion pointue des flux et des usages pour écrire son avenir sereinement.
Grande île sauvage située entre les bras du Rhône, elle résulte de siècles d’aménagements pour canaliser les eaux salées et douces. Cette rencontre singulière entre le fleuve et la mer en fait un territoire unique, beau mais fragile. Marquée par une culture rurale très identitaire, c’est une terre (presque) sauvage sous pression, qui cherche son équilibre.
Vous avez dit zone humide ?
A première vue, La Camargue ressemble à la nature à l’état brut. Delta, lagunes, étangs, marais … l’eau est présente partout. Historiquement considérée comme hostile à l’homme, elle a fait l’objet de nombreux aménagements hydrauliques. Modifiant le fonctionnement de l’écosystème pour les besoins de l’agriculture, saliculture et riziculture en tête.
Ces zones humides rendent pourtant des services aux communautés humaines. Elles abondent en ressources naturelles. Elles représentent des zones « refuge » pour des espèces menacées, oiseaux migrateurs en tête. Elles régulent les eaux en période de sécheresse ou d’inondation en faisant office de réservoirs de stockage. Elles procurent, enfin, des espaces récréatifs et de ressourcement, à la base de toute une économie touristique locale.
Coopérer tous ensemble
La Camargue est emblématique des enjeux des zones humides méditerranéennes. Alors comment penser sa préservation tout en conciliant les activités humaines ?
Mieux comprendre pour mieux gérer. C’est la mission première que se fixe La Tour du Valat, institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes situé au cœur de la Camargue. Fondé en 1954, il prône une « gestion intégrée », comprenez globale et participative. C’est aussi le rôle du Parc naturel régional de Camargue. Créé en 1970, il remplit des missions d’intérêt général autour de la protection et de la gestion du patrimoine naturel et culturel, du développement économique et social et de l’accueil et de l’information du public.
Tout réside dans la concertation et la gestion partagée du site. Identifier collectivement les enjeux de protection, appréhender les besoins des différentes catégories d’acteurs : éleveurs, riziculteurs, sauniers, riverains, acteurs touristiques et naturalistes. Décider et planifier ensemble pour préserver le territoire. Le chemin est long, les discussions passionnées.
Le riz, mais pas que …
Longtemps impropre à l’agriculture par sa concentration en sel, la Camargue est devenue une terre de culture du riz, pivot du système agricole local. D’abord utilisé pour sa capacité à dessaler les terres et pour la nourriture animale, le riz sera produit pour l’alimentation humaine au 20e siècle. Des milliers d’Indochinois venus pendant la Seconde Guerre Mondiale ont partagé leur expérience et leur savoir-faire, pour faire de cette terre une zone de production rizicole importante en Europe. (Lire ici l’article de Bleu Tomate consacré à cette page d’histoire).
Aujourd’hui le riz de Camargue est reconnu par une Indication Géographique Protégée depuis 2000 et près de 200 riziculteurs valorisent cette filière. Les principaux défis se concentrent sur la gestion de la salinité – trop élevée, elle pénalise les rendements. Et sur la gestion des adventices concurrentes, avec des procédés mécaniques. Pour éviter les désagréments d’une monoculture intensive, les exploitations agricoles se diversifient : blé dur, colza ou sorgho comme cultures intermédiaires. On trouve même une production viticole partiellement inondée et biologique, avec le vin des sables en Petite Camargue.
Races locales et élevage extensif
L’identité camarguaise est indissociable des élevages semi-sauvages de chevaux et de taureaux. Ces races endémiques, élevées en plein air sur des hectares de prairies et de roselières, contribuent par le pâturage et le piétinement au maintien des milieux ouverts. Mais en un siècle, le cheptel bovin a triplé sur le delta. En parallèle, la dégradation lente des milieux menace ce fragile équilibre.
Conscients des enjeux, les manades se tournent vers l’accueil touristique et jouent un rôle pédagogique auprès des visiteurs : expliquer le métier ; transmettre la passion des animaux et le respect de la nature. Autant d’actions qui participent à la découverte et l’immersion en pays camarguais.
La culture gardiane comme point d’attraction
Féria et course camarguaise … autant de spectacles d’art vivant qui rythment le calendrier et fédèrent autour de l’identité locale. A ceux-ci s’ajoutent les fêtes votives et patronales, comme le pèlerinage des gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Autant de traditions vivantes qui attirent les foules. Dans un écosystème fragile, le tourisme s’interroge lui aussi sur ses impacts.
Privilégier les mobilités douces, contrôler les flux sur les sites les plus fragiles, étaler la fréquentation sur les quatre saisons, aider à l’essor d’hébergements et d’activités mieux intégrés. Des initiatives émergent, des acteurs s’impliquent. Pour construire une destination durable.
La terre Camarguaise porte en elle une identité forte. Reste à maintenir ces traditions vivantes tout en préservant les milieux naturels fragiles. Le territoire fait ainsi le pari de l’agriculture extensive et de l’écotourisme, pour découvrir et respecter cette terre du bout du monde.
————————————————————————————————————————————————————————
Pour aller plus loin
Carte d’identité du Parc naturel régional de la Camargue
Date de création : 25 Septembre 1970
3 communes : Arles (en partie), Port-Saint- Louis- du- Rhône et Les-Saintes-Marie-de-la-Mer
Superficie : 101 000 hectares sur terre, 34 000 hectares sur mer
75 km de façade maritime
10 848 habitants
Point culminant : 4 m au-dessus de la mer !
5 700 espèces végétales ou animales dont 489 protégées
150 000 oiseaux migrateurs par an
La Carte de la Camargue
Le P.N.R. de la Camargue
Les Carnets de Julie en Camargue