Député européen « Europe Ecologie-les Verts » de 2009 à 2019, le célèbre syndicaliste et militant altermondialiste est venu à Maubec (84) présenter le film « Une affaire de principe ». A la veille des élections européennes, il a bien voulu répondre aux questions de Bleu Tomate.
«Le film « Une affaire de principe » est sorti le 1er mai, à quelques semaines du scrutin européen. Et ce n’est évidemment pas un hasard » assène l’ex-député dans un sourire ! Il ne s’occupe plus de ses brebis mais il vit toujours sur le Larzac, où il s’est installé dans les années 70. José Bové participe alors au combat contre l’extension du camp militaire. Plus tard, ce sera le démontage du Mac Do de Millau, puis les fauchages de maïs OGM, les combats de la Confédération Paysanne et de Via Campesina, les procès, les condamnations et les relaxes…
Pantalon et blouson de jeans et son éternelle pipe à portée de main, il est toujours le même. Adepte d’une agriculture qui nourrit les paysans et les citoyens, en respectant l’environnement. Et un démocrate qui ne supporte pas les atteintes au droit. C’est l’un de ses combats au Parlement –qu’il avait rendu public dans son livre «Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe » qui est retracé dans le film d’Antoine Rambault.
Dénoncer les dysfonctionnements
Sur fond de démission incompréhensible d’un commissaire européen, le député aidé de ses assistants parlementaires enquête au sein des institutions européennes et parvient à montrer l’implication du lobby du tabac et de graves dysfonctionnements à Bruxelles.
« Ce n’est pas un film anti-européen, explique l’ancien député, ni une condamnation de l’institution. Mais il faut dénoncer les abus et les atteintes au droit ». Au terme d’un tour de France, il est lundi 27 mai dans le village de Maubec, au pied du Luberon, invité par l’association La Strada, qui projette le film devant une salle comble.
Agir dans les institutions
« L’idée du film, c’est de dire que le Parlement européen est un lieu où on peut faire bouger les choses. Faire appliquer le droit, c’est respecter la démocratie. Moi j’ai pu mener des combats, malgré les lobbies et parfois les États, constate José Bové. On s’est battus pour une politique agricole plus environnementale et on a avancé. Sur le contrôle des marchés, sur les aides à la Bio, et pour les pratiques agronomiques, sur la rotation des cultures, les objectifs de sortie des pesticides… ».
Mais la mandature qui se termine est marquée par un certain recul et une remise en cause du « verdissement de la PAC ». Et la situation des agriculteurs s’est dégradée. Conséquence des manifestations de janvier dernier, « la victoire du lobby agricole européen », la Copa-Cogeca [ndlr : structure qui regroupe des syndicats agricoles, la FNSEA pour la France et des coopératives européennes].
« La PAC a été réformée en un mois, c’est passé comme un rouleau compresseur, les voix dissidentes ont été balayées, les États se sont couchés et le gouvernement français est à l’envers de tout », fulmine l’ancien syndicaliste qui craint que l’agriculture industrielle se renforce, au détriment des paysans mais aussi des objectifs européens pour le changement climatique et la biodiversité.
Voter absolument
D’où, aux yeux de l’ancien député qui a effectué deux mandats à Strasbourg et Bruxelles, l’importance du vote au prochain scrutin européen. « Au Parlement, on a des armes, mais il faut s’en servir, il faut une volonté politique, détaille-t-il. C’est différent de la France, sur chaque vote, sur chaque thème, il faut construire une majorité et arriver à convaincre. Il faut établir un rapport de force, une dynamique à force de concertation, mais ça tient à la présence d’élus combatifs ».
Inquiet des sondages sur les intentions de vote, José Bové dénonce « l’écolobashing » : les qualificatifs « d’éco-terroristes », ou encore « d’écologie punitive », la remise en cause de travaux scientifiques ainsi que le peu de place accordé à l’environnement dans la campagne.
Garder le cap vert
« Ce n’est pas le moment d’appuyer sur le frein mais sur l’accélérateur. Il faut renforcer et financer collectivement cette transition en Europe. Par rapport aux deux objectifs que sont le réchauffement climatique et la biodiversité, il faut voir quelles sont les listes les mieux à même de les défendre », argumente José Bové.
Aujourd’hui constate-t-il, beaucoup de gens agissent sur le terrain, mais ne vont pas voter. L’ex-syndicaliste et militant qui a passé une partie de sa vie sur le terrain à prendre des coups en est persuadé, cela ne suffit pas. « Il faut aussi investir ces lieux [ndlr le Parlement européen] et y envoyer des gens qui vont aller à la bagarre ».
Du 6 au 9 juin prochain, 360 millions d’électeurs potentiels issus des 27 états membres éliront 720 députés européens, dont 81 pour la France.