Jean-Louis Joseph est agriculteur dans le Luberon. Il a exercé de nombreuses responsabilités politiques au plan local, régional et national. Attaché à la question environnementale, il porte sur la crise d’aujourd’hui un regard chargé d’expérience, de lucidité mais aussi d’espoir.
Bleu Tomate : la crise que nous traversons aujourd’hui était-elle prévisible ?
Oui, elle l’était… La planète s’est emballée, mais excepté certains scientifiques et lanceurs d’alerte, les responsables sont restés sourds, muets et aveugles face à cette réalité.
Bleu Tomate : Que dit-elle de l’organisation de nos sociétés, et allons-nous changer de modèle ?
Sans doute nos sociétés sont à l’image des individus : égoïstes et individualistes… Des faiblesses héritées de l’histoire et aussi de la géographie.
Je ne crois pas que nous changerons de modèle. Mais on peut l’améliorer, les comportements changent.
L’urgence est de freiner le changement climatique, de trouver des moyens de s’y adapter et aussi d’ enrayer le déclin mortifère de la biodiversité. Sinon, ce genre de pandémie reviendra.
Bleu Tomate : quels leviers actionner, pour éviter que cette folle course en avant ne reprenne ?
L’avenir c’est la formule : « penser global, agir local ». Il faut plus de cohésion, d’organisation entre les continents. Viser l’autonomie alimentaire apparaît aujourd’hui plus qu’hier indispensable. Une région comme la nôtre est à la bonne échelle. Cela passe par l’organisation des filières, de l’amont à l’aval. Nous nous étions attelés à cette tâche à la Région, avec succès pour les plantes à parfum, les céréales ou le vin… Avec plus de difficultés pour les fruits et légumes.
Avec le Parc du Luberon aussi, nous avons beaucoup travaillé sur la relocalisation des productions et de l’alimentation. Nous avons lancé le 1er marché paysan, celui de Coustellet, en 1981. Il y en a 9 aujourd’hui et 7 magasins de producteurs ! Et la plate-forme lancée aujourd’hui par la Région est un excellent outil…
Mais il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de ces initiatives (drives, commande de paniers sur Internet, livraisons à domicile, etc…) restent loin des plus fragiles. Alors, non, rien ne se fera sans progrès social. Certes il faut prendre en compte l’environnement mais aussi absolument réduire les inégalités. Cela passera par le renforcement du service public. L’aide aux plus faibles et la lutte contre la pauvreté sont les défis de demain. Le développement économique doit être au service de l’humain, et non l’inverse.
Bleu Tomate : où sont aujourd’hui les raisons d’espérer ?
La crise a mis en action et en lumière de nouvelles solidarités sociales, alimentaires, culturelles. Alors que de nombreux gouvernements sont à la peine, de formidables initiatives locales se mettent en place avec beaucoup d’inventivité. Elles perdureront… Même si je crains qu’après la crise le marché ne reprenne le dessus. Il faudra résister.
Au plan européen, la Politique Agricole Commune va forcément être réorientée et prendre de bonnes résolutions.
De toute façon, le réchauffement amène déjà des changements. En Provence, on voit de nouveaux ravageurs, par exemple sur les arbres fruitiers, que l’on ne voyait pas avant. Toute l’agriculture doit s’adapter, et tout le monde doit s’y mettre. Professionnels, scientifiques, politiques, citoyens…
Avec le confinement, l’inégalité face à la maladie et la séparation d’avec ses proches ont fait ressurgir les vraies valeurs : la liberté, la justice et l’amour…
C’est dans le Luberon que Jean-Louis Joseph cultive ses oliviers, ses truffiers et depuis peu, ses pistachiers. Car il est l’un des acteurs de l’association « Pistache en Provence » qui milite –avec de nombreux acteurs dont la Chambre d’Agriculture du Vaucluse-, pour la relance de cette production dans la région. (lire ici l’article de Bleu Tomate à ce sujet).
Depuis longtemps engagé pour l’environnement, il a exercé de nombreuses responsabilités au sein du PS. Maire, conseiller régional notamment à l’agriculture, président du PNR du Luberon, puis de la Fédération des Parcs Naturels Régionaux de France. Il est aujourd’hui membre du Conseil Economique et Social Environnemental. Il vient de co-rédiger un avis sur les signes officiels de qualité et d’origine des produits alimentaires où il prône un 6e label Bio, local et responsable.
Photo de Une © Robert Hale
Pas surprise de l’analyse de Jean Louis Joseph , homme de terrain !