Ce sont des Rencontres pleines d’espoir que la Ville de Mouans Sartoux (06) vient d’accueillir. Partout en France, des collectivités agissent pour mieux nourrir. Elles dessinent alors des territoires où se réconcilient agriculture, alimentation, santé, économie locale et environnement.
Elles et ils sont plus d’une centaine à avoir répondu à l’appel de Mouans Sartoux. Plus de 60 collectivités représentées, Lyon et Epinal, Pailhes dans l’Ariège (moins de 500 habitants) ou Rocbadon dans le Var (4800 habitants)… Des élus, des maraîchers, des chefs de cuisine, des techniciens… Tous réunis les 20 et 21 juin pour les premières Rencontres nationales des fermes municipales. Elles sont coorganisées par la Ville et l’entreprise de l’économie sociale et solidaire Potagers&Compagnie.
Destinée à alimenter la restauration collective de son territoire, la ferme municipale (ou intercommunale, départementale ou même métropolitaine) appartient à la collectivité. Les maraîchers sont donc des agents territoriaux. Qu’est-ce qui pousse les élus à créer de telles structures ?
Mouans Sartoux : pionnier exemplaire
« En 2008 quand on est passés à la cantine en bio, on a vu que des produits venaient de très loin, explique Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans Sartoux. On a voulu relocaliser mais dans notre département, nous n’avons pas trouvé assez de producteurs intéressés. On s’est dit : y a pas, on va le faire ».
En 2011, la Ville qui avait acheté les 6 hectares du Domaine de Haute-Combe y installe un maraîcher. Aujourd’hui ils sont trois qui travaillent 4.5 ha en plein champ et sous serres. La ferme produit 25 tonnes de fruits et légumes par an et fournit 96% des besoins (hors pommes de terre), et 1200 repas/jour.
Pour la plupart des élus présents, une même idée de départ : proposer une alimentation de qualité aux écoliers et par extension, aux convives des crèches, des Ehpad ou des foyers… Donc trouver des producteurs locaux aux pratiques agroécologiques. Pas toujours possible. C’est là que la belle aventure commence. Elle est semée d’embûches.
La ferme municipale en terrain inconnu…
Si telle élue fait sourire en décrivant ses difficultés à assurer un tracteur, la plupart des témoignages racontent les obstacles juridiques et administratifs quotidiens. Dénicher des financements n’est pas toujours aisé non plus. Et puis il faut trouver des candidats maraîchers et convaincre les chefs de cuisine de changer leurs habitudes de fond en comble. Mais la première entrave est liée au foncier.
A Villejuif, c’est paradoxalement en cherchant à créer un parc municipal « poumon vert » que les élus ont trouvé une ferme bio qu’ils ont rachetée. Problème elle se trouve à 150 km. A la métropole d’Epinal, on a pu utiliser des terres communales, tandis que celle de Lyon s’est heurtée au manque de foncier.
« C’est une bataille de tous les jours, témoigne Patricia Vornich, responsable du service Agriculture Alimentation. Avec 59 communes et 11500 repas/jour, nous sommes une grosse structure. Mais nous allons démarrer avec dix chefs motivés ».
…Mais les acteurs défrichent
Motivation, énergie, pragmatisme, « sens de la bricole »… Les participants partagent aussi une certitude : la création de la régie municipale (quel que soit son statut) est bien plus qu’un service supplémentaire. « Quand vous plantez des graines dans vos fermes municipales, vous plantez de l’espoir un peu partout en France » les a encouragé Kamel El Hilali, docteur en droit public de l’Université Paris-II Panthéon-Assas.
Constatant que « l’agriculture est en crise, les agriculteurs ni rémunérés ni considérés par le monde politique et en butte à une société civile qui réclame l’arrêt des pesticides, le chercheur poursuit : il ne s’agit pas de nationaliser l’ensemble de l’agriculture mais face à un système qui favorise les grands exploitants, les collectivités ont les moyens de proposer une alternative, qui répond à une demande locale ».
Parler d’une seule voix
Pour Gilles Pérole, élu à Mouans Sartoux, les fermes municipales cochent toutes les cases face à la crise agricole et à celle du climat. « Nos fermes produisent en fonction des besoins. A la différence du système agro-alimentaire général. Celui-ci a répondu à un besoin d’une époque, après la guerre, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il détruit les ressources, ne nourrit pas les agriculteurs et rend les gens et l’environnement malades ».
Deux jours de rencontres, d’échanges et de réflexions intenses ont permis de tracer des pistes. La nécessité de créer un réseau national, pour s’entraider, partager tests et initiatives. Autre demande, continuer à travailler avec le monde de la recherche. Mais aussi parler d’une seule voix auprès de l’Etat et de l’Europe. Pourquoi pas créer un statut de l’agriculteur municipal, prévoir de nouveaux outils financiers ? Ou encore revoir les règles des marchés et créer un label « fermes municipales » ?
Une évidence est ressortie de toutes les pratiques, celle de l’éducation. Tous les projets embarquent les enfants dans des expériences culinaires et gustatives, des ateliers en cuisine et des activités dans les fermes. Et ça marche. D’autant qu’ils entraînent eux-mêmes leurs parents dans de nouvelles habitudes alimentaires mais aussi écologiques.
« Les fermes municipales apparaissent comme un mouvement de fond. On est sur une mise en œuvre opérationnelle à une échelle très locale, qui répond à des enjeux globaux ». Telle est la conclusion que tirait Pierre Raffart enseignant et chercheur à l’ILERI.
A l’unanimité, les participants aux journées de Mouans Sartoux ont décidé de se retrouver régulièrement, prochaine rencontre 2025. Pour poursuivre leur marche en avant ensemble au service de la transition écologique et de l’approvisionnement de la restauration collective.
Les 1ères Rencontres nationales des fermes municipales à Mouans Sartoux
–Organisation : la Maison à l’Education et à l’Alimentation Durable (MEAD) de Mouans Sartoux et l’entreprise de l’économie sociale et solidaire « Potagers et Cie ». Celle-ci est installé à la ferme Saint-Georges à le Val dans le Var. Elle y développe un verger maraîcher en agroécologie, propose des formations aux professionnels et aux particuliers et enfin accompagne les projets de création de potagers d’entreprises et ceux de fermes municipales des collectivités.
–Financement : l’ADEME, le programme TETRAA et l’entreprise Agrosemens.
–Partenaires : la FNAB, l’association de chefs cuisiniers « Les Pieds dans le Plat », l’Alliance ALTAA et plusieurs chercheurs.
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