Quand le cahier des charges exige le plein air mais qu’un arrêté ministériel l’interdit, les éleveurs de volailles fermières se retrouvent au centre de contradictions insurmontables. Soutenus par les amapiens, ils disent oui à la biosécurité, mais non à l’enfermement.
La révolte est nationale, comme l’arrêté ministériel du 6 novembre qui confine toutes les volailles, pour cause de grippe aviaire. Mais dans la région, et dans le Vaucluse en particulier, elle est portée par le collectif « Sauve qui poule ». Créé en 2017, déjà face aux mesures sanitaires contre l’épizootie, jugées inadaptées aux élevages de plein air bio et fermes familiales, il avait obtenu des dérogations. Cette fois-ci, elles sont supprimées.
Alors ce matin-là, sous le froid Mistral de novembre, éleveurs, consommateurs et membres des associations qui les soutiennent se retrouvent devant la préfecture du Vaucluse pour y déposer une lettre ouverte. C’est qu’il y a urgence. Depuis la parution de l’arrêté, ces éleveurs sont tout simplement hors la loi.
Oui à la sécurité, non à l’enfermement
« Dans toute la France, nos animaux doivent être dans les bâtiments, ou s’ils sortent, c’est sur des surfaces 8 fois inférieures aux normes que nous appliquons en bio », explique Denis Surgey, éleveur à St Saturnin d’Apt, de poulets et pintades.
« Ces conditions sont impossibles pour nos volailles, habituées à être dehors sur de grands espaces. Elles se stressent et s’agressent et deviennent réservoirs à pathogènes ». Denis en sait quelque chose. L’an dernier, il a dû enfermer ses volailles un mois. Résultat : 500 bêtes perdues.
Une mesure contre-productive
L’enfermement, -la mise à l’abri- dit le Ministère, une mesure qui va à l’encontre de la sécurité, selon les éleveurs, alors qu’aucun d’eux n’a connaissance d’un seul cas de grippe aviaire dans la région, dans les 5 dernières années.
« La sécurité sanitaire et la santé des consommateurs, ce sont mes préoccupations principales, poursuit Denis Surgey. On met tout en œuvre pour éviter qu’une maladie s’installe, avec les diagnostics biosécurité. Par exemple, on surveille de près tous les flux entrants et sortants, les camions d’aliments ont leur zone, éloignée de celles de production, on a installé des sas… ».
Enfermement ou Bio et Plein air
Et l’enfermement est contraire à leur cahier des charges. D’ailleurs les consommateurs plébiscitent le plein air, gage de qualité et de bien-être animal. Le réseau des Amap de Provence est fort de 150 structures en Provence Alpes Côte d’Azur, représentant 4500 familles. Il est membre fondateur du collectif Sauve qui poule et soutient ce mode de production local et sain.
Des consommateurs solidaires
« Les éleveurs fermiers sont très contrôlés, cette réglementation n’est pas adaptée pour eux. Les problèmes sont sur les grandes exploitations, précise André Lopez, pour AMAP de Provence. Nous souhaitons une alimentation saine et de qualité, et ces petits éleveurs sont les derniers remparts contre la malbouffe. Il faut informer le public sur cette tromperie. Les chartes et labels Bio et Plein Air vont être bafoués, et les consommateurs avec ».
Un plan d’action
Les organisations mobilisées demandent « des mesures de biosécurité adaptées aux risques de chaque exploitation, avec une obligation de résultat d’assurer la sécurité alimentaire des consommateurs, qui est notre priorité, tout en prenant en compte les spécificités de chaque territoire ». Et le retour des dérogations pour garder les volailles en plein air.
Elles adressent des lettres ouvertes aux préfets, députés et maires, qui ont pour obligation d’assurer une alimentation locale. Et font circuler une pétition auprès du public. Elle a recueilli à ce jour plus de 80 000 signatures.
La Chambre d’agriculture 84 saisie
Contactée, la présidente de la Chambre d’agriculture, qui a rencontré l’association, assure que la question sera évoquée à la toute prochaine session de la Chambre (le 26 novembre). Georgia Lambertin est prête à organiser une réunion avec le préfet et les services vétérinaires (DDPP), afin de trouver des réponses. Et elle entend accompagner les éleveurs.
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Pour aller plus loin
-Le Collectif Sauve qui poule
Des éleveurs de volailles fermières -produites sous signes de qualité : Bio, Plein air et sur des structures familiales- et des consommateurs usagers des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) et des circuits courts le créé en 2017. Tous s’engagent à promouvoir un mode de production « plein air, respectueux de l’environnement et des animaux ».
Il compte 450 adhérents, 138 AMAP et 40 éleveurs.
Les AMAP de Provence, La Confédération paysanne de Vaucluse, la Fédération régionale des agriculteurs bio Agribio 84, le Modef, ATTAC 84 et Foll’avoine soutiennent le collectif.
–La campagne nationale de la Confédération paysanne
Le syndicat agricole vient de lancer une campagne nationale contre « la nouvelle réglementation grippe aviaire, qui impose la claustration des volailles comme seule alternative », développe la Confédération Paysanne dans un communiqué. Elle ajoute que « ces nouvelles dispositions sont inutiles et inefficaces sachant que seulement 4 contaminations sur des centaines ont eu pour cause les oiseaux migrateurs, le reste venant des pratiques de l’élevage industriel ».
Elle a saisi le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation de la réglementation. Cela aux côtés d’autres structures (le Modef, Agir pour l’environnement, Sauve qui poule, l’Anafic, Miramap, Bio Consom’acteurs et la FNAB).