La Durette, un pilote à la ferme bio

Aux portes d’Avignon, une expérience originale prend vie. Un jeune agriculteur vient de s’installer en maraîchage bio agroforestier. Particularité : sa ferme est un site expérimental et pilote. Objectif : élaborer les systèmes agricoles de demain.

Pas facile à trouver la ferme de la Durette, et quand on a trouvé le chemin d’accès, pas facile de trouver Julien Ronzon. Le site est vaste, les tunnels nombreux, et c’est au fond de l’un d’eux  que l’on déniche ce fils d’agriculteurs  originaire de la région lyonnaise. A 33 ans, Julien a suivi le cursus agricole, puis a travaillé pendant 6 ans pour « Semailles». Cette association avignonnaise est affiliée au Réseau Cocagne qui développe l’agriculture Bio avec un volet environnemental, éducatif et social. « Je me suis toujours intéressé à la bio, même si mes parents étaient en conventionnel », explique Julien.

Depuis 2007, il travaille à la Durette pour le compte du GRAB, le Groupe de Recherche en Agriculture Biologique qui porte le projet et il vient de s’installer véritablement.

Une expérience originale

C’est le GRAB qui a réhabilité ce site à l’abandon depuis 2007, grâce à des financements publics et de fondations. Il appartient au Conseil Départemental. Six hectares en tout dont quatre cultivables. Le principe est celui de l’agroforesterie. Hypothèse à démontrer : le système augmente la biodiversité dans les parcelles et réduits les produits de traitement. Les techniciens et  scientifiques ont donc sélectionné les variétés de fruitiers, ils les ont choisi rustiques et ont privilégié la qualité gustative et leur conservation. Les lignes d’arbres plantées, (premières récoltes attendues pour 2018),  l’irrigation installée, les tunnels et le matériel prêts, voilà l’heure de la mise en production des légumes entre les arbres. Les premières récoltes pointent leur nez : courgettes, navets, betteraves, salades, petits pois, gourmands, fèves… Au total une vingtaine d’espèces et une cinquantaine de variétés potagères seront cultivées.

Le modèle agroforestier

L’hypothèse est que le mélange arbres et cultures annuelles induit moins de problèmes de ravageurs et de maladies, puisque chaque ressource est diluée. La présence d’arbres hauts et de cultures basses  favorise aussi les auxiliaires, tout comme les haies qui entourent les parcelles (la coronille à floraison précoce y côtoie  le sureau et le laurier-thym. Elles doivent attirer les  prédateurs  qui ensuite mangeront les pucerons).

Sous le paillage, les courgettes

Le GRAB cherche des variétés adaptées aux conditions agroforestières provençales et va suivre la ferme au jour le jour, afin d’en tirer tous les enseignements scientifiques. Le projet prévoit d’aller vers la réduction du travail du sol et l’utilisation d’engrais verts, plutôt que le labour. Sur une parcelle,  le sorgho a été laissé sur place, il protège le sol contre l’érosion, le vent et la pluie, et on y a planté des oignons : engrais vers contre labour !Plus loin, des kiwis, du raisin de table….  Bientôt, des poules vont arriver. En plus de donner des œufs, elles dévorent les insectes au sol… Autant de ravageurs en moins !

Côté commercialisation, Julien Ronzon compte sur une vingtaine de clients cette année, qu’il pourra livrer ou qui viendront chercher leur panier à la ferme. « L’outil de production ne m’appartient pas, ce côté atypique m’intéresse » explique calmement le jeune agriculteur. Car s’il doit gérer la ferme comme toutes les autres, et donc  en tirer bientôt un revenu, il a aussi de nombreuses obligations liées au projet scientifique.

Une vraie ferme ?

Outre les réunions avec les scientifiques du GRAB, il devra établir un suivi très précis de toutes les données sur ses opérations culturales (notamment son temps de travail), et encore accueillir à la ferme les visites d’autres agriculteurs, d’étudiants pour des séances de formation, des démonstrations…. Mais ce travail supplémentaire ne fait pas  peur à Julien, bien au contraire : « Je suis surtout intéressé par le côté expérimental. La prise de risques reste limitée mais les nombreuses interactions avec  le GRAB vont donner des pistes. La ferme sera une ferme ouverte sur le monde, à la recherche de techniques innovantes. Ici, je suis sûr de ne pas tomber dans une routine. Pour moi, être toujours dans l’exploration, c’est très motivant. »

Dès le mois de juillet, une deuxième agricultrice, Sandrine, viendra s’installer aux côtés de Julien. S’ils n’apportent aucun investissement, ils ne seront pas salariés et devront développer un vrai modèle économique rentable. La Durette sera la vitrine de l’agroforesterie et de l’agro-écologie.

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Pour aller plus loin

La ferme de la Durette, projet porté par le GRAB

(avec François Warlop, chargé d’expérimentation en arboriculture fruitière)

Idée de départ : Comment la biodiversité peut-elle être le moteur d’un système agricole méditerranéen résilient ?

Principaux partenaires : l’INRA, Bio de Provence, la Chambre d’Agriculture du Vaucluse, le CFPPA 84 Centre de formation professionnel public agricole) …

Financement : Ministère de l’Agriculture jusqu’en 2018, les Fondations de France et Carasso.

Originalité : le système, conçu avec les techniciens du GRAB et d’autres agriculteurs, sera évalué comme un terrain d’expérience, mais conduit comme une vraie ferme. Ce dispositif innovant en agriculture biologique, deviendra un site ressource sur les techniques alternatives pour les agriculteurs. Il allie agronomie, écologie, sociologie et économie.

Comment ça marche ? L’alliance « arbres fruitiers-maraîchage-petit élevage-aménagements pour la biodiversité » vise à réguler au mieux les ravageurs et les maladies, à économiser les ressources en eau, mieux recycler les éléments nutritifs et mieux s’accommoder du changement climatique. Un projet qui doit aussi valoriser la zone péri-urbaine d’Avignon et servir d’exemples pour d’autres agriculteurs.

Suivi scientifique : il est prévu sur au moins 10 ans et portera sur la qualité sanitaire, les rendements, la performance globale (notamment socio- économique).

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