Pour la quatrième année, la Confédération Paysanne, la FADEAR et les Ami.es de la Confédération ont organisé sur tout le territoire leur Salon d’Agriculture local : le Salon à la Ferme. Nous sommes allés dimanche sur la Côte Bleue rencontrer un passionné par son élevage de chèvres du Rove, Bernard Thoron.
Le mot d’ordre de cette année : la souveraineté alimentaire. Vaste sujet autour duquel ont débattu la cinquantaine de personnes présentes à la Fermette de la Croix d’Estrine, bien décidées à braver le mauvais temps.
Autosuffisance alimentaire possible ?
Rien n’est simple, rien n’est garanti, même pas l’autosuffisance alimentaire : c’est Bernard Thoron lui-même qui le dit ! Mais il faut revoir l’utilisation de la terre. Repenser son usage dans l’intérêt collectif. Ainsi que le précise une participante, les terres agricoles sont notre héritage, à nous de les préserver. Mais sommes-nous tous prêts à des sacrifices ?? L’éleveur reprend la parole pour confirmer ce qui aujourd’hui est une évidence : nous n’avons pas le choix face aux changements qui s’annoncent. « C’est comme si, sachant que l’on va dans le mur, on se contentait d’allumer les phares pour mieux le voir !! ». Cette pointe d’humour ne cache pas les constats : le représentant de Terre de Liens précise qu’une étude a été faite sur le territoire de Martigues. Elle a établi les besoins en surface de production à 26 000 hectares pour nourrir la population de tout le bassin. Soit 4 fois plus que la surface de la commune.
Privilégier le supermaraîcher au supermarché
Bernard Thoron présente alors une des solutions éprouvée, le maraîchage bio-intensif : il s’agit de mêler les principes du maraîchage avec ceux de la permaculture, dans un souci d’optimisation des surfaces cultivées. Cette méthode s’appuie sur plusieurs principes : l’optimisation des surfaces, la diversification et la rotation des cultures, un travail minimal de la terre, une bonne gestion de l’eau, l’utilisation de serres et de tunnels. Et bien sûr une approche agro-écologique ! « Le fumier n’enrichit plus le sol, il alimente les usines de méthanisation, rajoute Bernard Thoron. Où est passé le bon sens paysan ??? »…
Pour rester positif, les participants souhaitent cependant partager un constat : la prise de conscience citoyenne émerge quant à la nécessité et l’urgence d’agir. Même si trop souvent la réponse aux inquiétudes est plutôt «emploi» que «environnement». Dommage de les opposer…
Paysan, meunier et boulanger
Mais il y a aussi ceux qui se détournent résolument du monde industriel. Ceux qui se lancent dans une nouvelle aventure. Thierry Seren est de ceux-là. Anciennement ingénieur, il a repris des terres dans la plaine de St Julien les Martigues, et est devenu paysan-boulanger. Non seulement paysan, mais également meunier ET boulanger !!! Il produit ses fourrages et légumineuses, les transforme lui-même : farine de blé, farine de pois chiche. Et prépare son pain bio bien sûr… Il nous explique pratiquer au quotidien l’agriculture syntropique. Cette pratique permet notamment la restauration de terres fortement dégradées et peu productives. C’est le même principe que celui expliqué plus tôt par Bernard Thoron. Son principal avantage est bien sûr l’absence d’apports en produits phytosanitaires. Il le met notamment en œuvre avec sa nouvelle activité, vigneron. « Pas viticulteur, vigneron ! c’est moi qui presse mes raisins… ». Fier de nous présenter sa première cuvée, il nous explique que l’une de ses appellations est un assemblage de 6 cépages, dont les pieds sont mélangés au cœur même de sa vigne ! Les raisins sont récoltés et pressés ensemble, pas de manipulation en cave. Le nom de cette cuvée : « Ensemble ».
Les chèvres du Rove, race pastorale
A entendre Thierry et Bernard, il est aisé de comprendre que la vie qu’ils mènent aujourd’hui est un vrai choix. Bernard Thoron était pédiatre dans une autre vie. Et aujourd’hui, il a réalisé son rêve d’enfant, élever des chèvres. Il possède plus de 100 chèvres du Rove, que chaque jour son berger-apprenti conduit dans la garrigue. En effet cette race est exclusivement pastorale. Il prépare ses brousses vendues sur les marchés de Martigues et Saint Julien. Il élève des poules en plein air et prépare de la crème aux œufs grâce à leur ponte. Leur mot d’ordre à tous les deux : démontrer que Martigues ce n’est pas que de l’industrie. Cette zone agricole existante doit être préservée et enrichie. Et pour eux, quelle gratification de vivre en respectant la terre.
Le manque d’eau, problème crucial
Pour Bernard Thoron, il est important que cette plaine agricole, territoire classé AOC pour le vin, ne soit cependant pas consacrée uniquement à la vigne. Elle doit être également un espace nourricier, avec du maraîchage. D’après lui, des jeunes souhaiteraient s’installer, mais le gros problème est aujourd’hui l’eau. Thierry de son côté travaille sa vigne à l’ancienne, en ayant fait le choix de laisser pousser l’herbe entre ses ceps. Une fois coupée, cette herbe servira de paillage et permettra de maintenir un taux hygrométrique satisfaisant pour ses pieds de vigne. Dernier effet et non le moindre, elle participera à réduire le ruissellement des eaux.
Après le déjeuner et la dégustation de produits exclusivement locaux, les enfants présents ont suivi Bernard donner le biberon aux jeunes cabris, et accueillir le troupeau de chèvres qui paissait dans la colline. Une vraie journée paysanne…