C’est une histoire de graines, de « grainiers », de copains jardiniers. Défenseurs passionnés des variétés rares et parfois oubliées, ils vendent et diffusent leurs graines de “tomate hirsute“ ou autre “courge du Siam“.
Au Potager d’un Curieux, aux jardins du Largue, des Plantes à Usage ou de la Belle Verte, ils ont fini par réunir une collection de plusieurs centaines de variétés végétales. Ralliés sous la large bannière de Semences Paysannes, ces producteurs de Provence cherchent aujourd’hui à pousser ensemble le projet d’un grenier régional commun.
Vendre, échanger et donner, sans oublier d’en garder pour l’année d’après. « La générosité du jardinier a toujours existé. On peut travailler sans renier cette valeur » explique Jean-Luc Daneyrolles. Aujourd’hui installé à Saignon (84), dans son Potager d’un Curieux il est issu de la tradition vivrière des jardiniers lyonnais. Le jardin a été un refuge dès sa jeunesse.
Le Jardin, refuge des variétés et des êtres
Du maraîchage, il en est arrivé à ne plus se consacrer qu’aux graines. Ici tout est question d’échanges et de transmissions. « Grâce à un ancien étudiant en maraîchage j’ai vu pour la première fois des tomates de couleurs inconnues. Aujourd’hui je forme des maraîchers qui ont la volonté de produire leurs propres graines ». Pour lui une révolution vu l’état de censure légale sur l’emploi des semences.
Outre l’accaparement du vivant auquel contribue la classification des graines, celle-ci confine souvent à l’absurde : « Nos graines sont en catégorie D. Autrement appelée SVI pour “sans valeur intrinsèque » », rappelle Jean-Luc. Malgré ça, malgré le pessimisme ambiant et la question du foncier, il reste optimiste. Surtout lorsqu’il constate chez les jeunes l’ambition d’un renouveau agraire.
Un trésor à transmettre
L’aventure agricole de Sylvain Musseri, des Jardins du Largue à Reillane (04) est plus récente. À l’Équitable Café, lieu d’échanges bien connu à Marseille dont il a été co-fondateur, il avait tissé les premiers liens avec le réseau Semences Paysannes. Mais c’est après sa rencontre avec Jean-Luc en 2009 qu’il a franchi le pas. Aujourd’hui il se sent dépositaire d’un héritage.
«Quand on élabore les graines, on comprend ce qu’il a fallu d’étapes pour arriver à autant de variétés comestibles. Et stabilisées ! ». Cette richesse, il veut plus que tout la transmettre et la faire vivre. Tout comme Jean-Luc, qui considère cette diversité de façon dynamique et ne s’attache pas à une simple conservation locale. À leur échelle et non sans difficultés, ils participent ainsi à contrer l’uniformisation des productions.