Cultiver durablement exige a minima de pouvoir accéder au foncier. Dans une région Sud en tension démographique et économique, la SAFER travaille à protéger les terres agricoles de la spéculation tandis que l’association Terre de Liens en acquiert pour installer des agriculteurs en bio. Le défi est permanent.
121 000 ha de logements en plus entre 1960 et 2018, 9 200 ha grignotés par les activités marchandes depuis 2003… si elle peut paraître bonne pour la santé économique du territoire, l’attractivité de la région Sud Provence Alpes Côte d’Azur se fait globalement depuis 60 ans au détriment des espaces agricoles.
L’analyse de cette perte irrémédiable montre que les secteurs provençal et azuréen sont les plus impactés. Normal, c’est là que la pression foncière est la plus forte. Celle-ci est entretenue par la demande touristique et résidentielle sur le littoral et autour des grandes agglomérations, ainsi que par l’impact des activités industrielles et logistiques, fortes consommatrices d’espaces.
Perte de 380 000 ha de SAU en presque 50 ans
Les secteurs alpins et rhodaniens sont un peu moins en tension. Le premier parce qu’il est plus rural et montagnard ; le second car l’agriculture est historiquement très implantée et résiste mieux, autour du maraîchage et de l’arboriculture.
Résultat : la SAU (Surface Agricole Utile) est passée en Région Sud de 1 150 000 ha en 1972 à 770 000 ha en 2020. Une partie s’est évaporée en friches agricoles et même en espaces renaturés, des terrains désormais difficiles à identifier et à remettre en cultures.
Permettre l’accès de jeunes au foncier
Pour limiter la perte de terres agricoles et contrer la spéculation foncière, la France dispose d’outils. Les PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) définissent les zones constructibles et non constructibles. Des maires ont compris l’enjeu de souveraineté alimentaire et bloquent l’extension de lotissements pour conserver les terres agricoles. D’autres, au contraire, les encouragent.
La SAFER, organisme public, contribue à limiter la spéculation foncière en empêchant des achats de terres agricoles à des seules fins d’investissement. Quand c’est nécessaire, elle fait jouer son droit de préemption pour acquérir les terres et les réaffecter à des exploitants. Cela concerne des agriculteurs déjà en activité qui peuvent ainsi étendre leur exploitation. Ou bien des jeunes en installation qui sans ce dispositif ne pourraient accéder au foncier.
Terre de Liens, une quinzaine d’exploitations en Sud PACA
L’agriculture biologique étant devenue un « secteur prioritaire » pour la SAFER SUD PACA, un certain nombre d’exploitations qui passent entre ses mains arrivent ainsi entre celles d’exploitants bios. C’est à ce niveau que son rôle est convergent avec celui de Terre de Liens.
Cette association nationale reposant sur une base populaire et citoyenne – Terre de Liens PACA affiche 800 adhérents – milite pour une agriculture biologique. Elle aide des candidats à l’installation en leur louant des terres qu’elle a préalablement acquises. « Nous possédons une quinzaine d’exploitations en Sud PACA. La majorité se trouve dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Alpes-Maritimes. Il s’agit surtout de maraîchage, d’arboriculture ou de grandes cultures. Nous nous positionnons sur des terres mises en vente par la SAFER, en concurrence avec d’autres acquéreurs mais l’agriculture biologique étant favorisée, nous sommes souvent prioritaires. C’est en cela qu’il existe une convergence », détaille Gérard Mercier, co-président de Terre de Liens PACA.
La Durette à Avignon, Les Jonquiers près d’Aubagne…
Pour acheter des terres, l’association dispose de deux leviers : une société foncière collectant de l’épargne et une fondation recueillant des dons et des legs. C’est grâce à ces structures qu’elle a pu acquérir la Ferme de la Durette, à Avignon, celle des Jonquiers près d’Aubagne, ou encore, dans les Alpes-Maritimes, des terres pour permettre l’agrandissement de la ferme maraîchère L’Ablé, à Villars.
Au total, la quinzaine de fermes propriétés de Terre de Liens PACA représente environ 200 ha. Une goutte d’eau dans le paysage agricole régional mais d’autres projets sont en cours et le travail ne s’arrête pas là. Terre de Liens sème des graines qui font évoluer les consciences. Pour preuve, la collecte de dons réalisée en 2021, plus d’1 M d’€ engrangés ! De quoi rendre Gérard Mercier optimiste. « On peut protéger les terres agricoles à long terme, c’est possible ».
Remettre des friches en culture
D’ores et déjà, la déperdition foncière en Région Sud PACA s’est ralentie. « On a 400 à 500 ha qui disparaissent chaque année. Mais ce rythme a légèrement diminué depuis 10 ans », se réjouit le co-président. Dans les Alpes-Maritimes, où il n’y a plus de terres à cultiver disponibles, on cherche à remettre en culture des friches agricoles. A cause, justement, des grosses tensions foncières, les départements du Var, des Bouches du Rhône et du Vaucluse seraient devenus plus sensibles à la cause agricole. Et ce en dépit de projets impactants comme le contournement d’Arles, la LEO d’Avignon ou la prolongation de la ligne TGV vers Nice.
Selon Gérard Mercier, les zones alpines, pourtant plus naturelles, seraient paradoxalement les moins sensibles à la nécessité de protéger farouchement les espaces agricoles. « Ces territoires de montagne veulent attirer du monde et des activités. Ils favorisent donc les constructions dans les zones les plus faciles, c’est-à-dire agricoles ». La protection des terres cultivables est un sacerdoce.