A l’Est de la métropole toulonnaise, la Vallée du Gapeau regroupe des communes sous influence périurbaine dont les habitants ont décidé de suivre un autre chemin. Le fondateur de l’association « La Vallée du Gapeau en Transition », Julien Guimard, et son équipe, racontent cette épopée.
15 ans que Julien Guimard organise Souleù, la foire bio de La Farlède, dans cette commune de la Vallée du Gapeau. Avec près de 140 exposants et 12 000 visiteurs c’est, chaque année en avril – sauf en 2020, crise du Covid-19 oblige… -, l’une des plus importantes de la région. Elle prône une consommation locale, artisanale, biologique et équitable. Fort de cette belle expérience, Julien Guimard creuse le sujet et découvre en 2015 le Manuel de Transition, de la dépendance du pétrole à la résilience locale, de Rob Hopkins, fondateur du mouvement de Transition et enseignant en permaculture.
Le mouvement de Transition, l’inspiration Rob Hopkins !
C’est une révélation. Rappelons-le, Rob Hopkins est cet homme qui dès 2005 veut construire le futur en imaginant des communautés résilientes capables de gérer les crises écologiques et économiques.
Il a testé son plan de transition dès 2006 dans la ville de Totnes, au Royaume-Uni. Et y a découvert la formidable motivation et efficacité d’une communauté solidaire derrière son projet de territoire pour inventer des solutions à l’après-pétrole. Ce travail prospectif et collectif (réduire sa consommation énergétique, renforcer les solidarités locales, acquérir de nouvelles compétences…) permet de construire une feuille de route et d’impliquer toutes les bonnes volontés selon les ressources et les talents de chacun.
Le Gapeau aussi entre en transition
Julien Guimard est convaincu par la démarche. « Je me suis dit que c’était accessible et pas si effrayant que cela. Nous avons tous le pouvoir de faire quelque chose, à notre échelle, autour de chez nous. Ce qu’il faut, c’est le faire ensemble pour démultiplier les effets ».
Le premier « forum ouvert » de la Vallée du Gapeau a lieu en 2016, organisé par Julien Guimard et des collègues. Cet ancien professeur des écoles, atteint d’un handicap, explique que « dans toute situation, il faut rester optimiste et entreprendre, rassembler les gens. On s’attendait à voir une quinzaine de personnes, nous étions 150 ! ». Cette énergie le convainc de poursuivre avec un agriculteur. « Les gens étaient en attente, ils avaient envie de construire quelque chose de nouveau. Nous avons réitéré une seconde édition sur une parcelle agricole, et là encore nous étions une centaine. Ces deux évènements nous ont soudé ». Et l’aventure était lancée ! Rob Hopkins lui-même viendra rendre visite à cette vallée lors d’une conférence-évènement, en avril 2019.
Premier chantier, une alimentation plus durable
Se nourrir autrement devient le fer de lance de l’association La Vallée du Gapeau en Transition . Elle crée en 2017 La Cerise sur le Gapeau, une coopérative alimentaire et épicerie bio locale, gérée par les consommateurs eux-mêmes.
L’une des co-fondatrices, Sandrine, naturopathe et seule salariée à ce jour, a rejoint le projet. « L’alimentation c’est mon dada. J’y suis particulièrement sensible et j’ai tout de suite adhéré aux valeurs du projet et du groupe ». Située à La Farlède, dans un local mis à disposition par la mairie, une centaine de bénévoles donnent de leur temps pour faire tourner le magasin. Les produits sont locaux et le poids de la gestion ne pèse pas sur les agriculteurs, contrairement à un magasin de producteurs. « Ce n’est pas seulement une épicerie. C’est un lieu de vie, d’échanges. On y organise un marché par mois, des apéros festifs et cela soude vraiment les gens », précise Sandrine. Pendant le confinement, elle a vu arriver de nouveaux consommateurs et trouve que la clientèle rajeunit. « Certains viennent même de l’autre côté de la métropole pour découvrir le lieu. Et ils reviennent ! ».
Une pluie d’initiatives…
D’autres lieux de ce type se sont développés depuis dans la vallée : l’épicerie de Pierrefeu-du-Var, Pierrefeu Terre de Potage, et le marché des producteurs, Pierrefeu Terres de Partage. Ce dernier a rouvert fin mai, en toute sécurité.
L’occasion d’y découvrir d’autres initiatives inspirantes. Carotte & Cocotte est ainsi une micro-ferme participative lancée par Pauline et Caroline, à Solliès-Pont. Elles produisent des fruits et légumes en permaculture et des micropousses et fleurs comestibles, vendues en circuits courts. L’Econome est une association fondée par Julie à Belgentier. Elle collecte les invendus des producteurs, redistribue ce qu’elle peut à la Banque Alimentaire et transforme le reste en conserves pour valoriser ce qui se serait sinon perdu. L’association Forêt Modèle de Provence, elle, veut valoriser les ressources des forêts varoises et a développé une bière blonde à l’arbouse. Pompom (en référence aux marins de Toulon) est commercialisée depuis 2018 en circuits courts.
Deuxième chantier, une monnaie locale, La Fève
Afin de relocaliser la consommation alimentaire et artisanale, La Vallée du Gapeau en Transition a imaginé une monnaie locale, La Fève, devenue celle de la métropole toulonnaise.
L’idée a germé en 2016 pour être réellement mise en œuvre en 2019. Elle représente un mode de paiement légal complémentaire (reconnue par la loi sur l’ESS de juillet 2014). Elle s’échange entre consommateurs, producteurs, prestataires, commerçants, entreprises et associations adhérents et permet de retisser du lien puisqu’on ne peut l’utiliser que chez les acteurs locaux. Une vraie solution pour soutenir l’économie, se rencontrer et découvrir les produits d’ici. Elle regroupe à ce jour 88 prestataires sur 26 communes, de la Vallée du Gapeau et jusqu’à Toulon, La Londe, Hyères ou Saint-Mandrier.
Troisième chantier, l’autonomie et la sobriété énergétique
Troisième volet, non des moindres, l’énergie. Un groupe de travail s’est constitué pour réfléchir aux ressources locales qui pourraient être mobilisées.
Plusieurs projets émergent autour de l’hydraulique sur le Gapeau, à Belgentier, le solaire à Hyères et l’éolien à Solliès-Toucas. Le groupe est devenu SCIC en 2019, avec près de 40 sociétaires aujourd’hui. Mais de l’aveu de Jean-Pierre, l’un des membres fondateurs, « il ne s’agit pas seulement de monter des projets d’énergie renouvelable. Nous voulons sensibiliser à la sobriété énergétique, pour d’abord éduquer à la réduction des consommations ». Chaque projet s’accompagne d’un programme d’actions de sensibilisation et de pédagogie. Autres projets en réflexion : l’éco-construction et éco-rénovation des bâtiments, avec des matières biosourcées locales (chanvre, lin). Le tout en impliquant les artisans de la vallée pour créer une véritable filière et emmener tous les corps de métiers et savoir-faire locaux.
Une ambition nouvelle : le tiers-lieu du Moulin
Cette vallée recèle encore plein d’autres projets : la mise en place de jardins partagés, la démarche « Zéro Déchet » ou des conférences sur l’éducation et la transmission des savoirs. Mais le projet central du moment, c’est celui du tiers-lieu du Moulin, à La Farlède.
Il aura pour vocation de regrouper l’épicerie de la Cerise, un café culturel avec un programme d’animations, un espace de co-working et une pépinière d’entreprises. En attendant sa réalisation prévue en 2022, l’association entend bien proposer un tiers-lieu nomade, pour que vive la transition dans la Vallée du Gapeau. Et de la bouche d’un couple de jeunes, Sophie et Léo, qui viennent de rejoindre l’aventure, « c’est une dynamique positive et motivante, proche de nos valeurs, qui nous inspire et dans laquelle nous espérons apprendre et grandir ». Une belle aventure appelée à s’amplifier.
La Vallée du Gapeau en Transition
Espace associatif de La Capelle
83210 La Farlède
06 88 62 24 88
Pour aller plus loin
Rob Hopkins « La transition a changé ma vie » (en anglais)
https://www.youtube.com/watch?v=3d5S1t2WuOA
Transition Network