Coordinateur « changement climatique » à la Chambre Régionale d’Agriculture PACA, le technicien est au cœur des problèmes culturaux afférents. Riz, élevage, foin, olives, vignes, maraîchage… sont impactés. Pour lutter contre, sélection variétale et gestion fine de l’eau sont des remèdes à prescrire.
Quelle est la nature exacte de votre mission ?
Claude Baury (C.B.) : « Chef du service Environnement, Eau et Qualité à la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, je suis depuis janvier 2022 coordinateur « changement climatique » à la Chambre Régionale d’Agriculture PACA. En effet, cela fait plus de 10 ans que la CRA PACA a souhaité s’emparer de ces sujets en lien avec les six Chambres d’agriculture départementales. Mon rôle est d’accompagner la profession agricole sur l’ensemble des enjeux liés au changement climatique. Un des sujets du moment est la démarche « Bon diagnostic carbone ». Les agriculteurs ont la possibilité de connaître leur consommation énergétique et d’agir pour réduire leurs dépenses et leur impact carbone ».
A quoi est confrontée réellement l’agriculture provençale en matière de changement climatique ?
C.B. : « A la hausse des températures moyennes depuis près de 20 ans et à l’accentuation des épisodes climatiques extrêmes comme la sécheresse, les tempêtes, le gel tardif et l’irrégularité des pluies. Cette année, par exemple, tous les territoires, des côtes aux Alpes en passant par les plaines, ont été impactés par un épisode de gel de printemps puis par la faible pluviométrie. Et les pertes de rendement sont très importantes selon les filières ».
Quelles sont justement les cultures les plus touchées ?
C.B. : « Par exemple, dans les Alpilles, on constate dans certaines exploitations une diminution de rendement pour les olives pouvant atteindre 50%. Au niveau alpin, des prairies n’ont pas produit autant d’herbe que d’habitude. C’est un problème pour des éleveurs locaux qui, dans certaines zones de la région non sécurisées par des réseaux d’irrigation, n’avaient plus de quoi nourrir leurs bêtes de retour des alpages. Pour la vigne, nous n’avons pas encore de retour formel après les vendanges mais il existe une différence entre les vignerons qui ont accès à l’eau et les autres. Les premiers ont pu préserver quantité et qualité du raisin. Les autres feraient face à des grappes moins fournies que d’habitude. Nous attendons aussi les résultats de la qualité nutritionnelles du blé ».
La Camargue est un territoire particulièrement sensible. De quelle manière le réchauffement climatique l’impacte-t-elle ?
C.B. « La Camargue a toujours été tributaire pour son irrigation du débit du Rhône. La faiblesse observée de celui-ci favorise la remontée des eaux salines et pose un problème à la riziculture dans les zones les plus en aval. Une des solutions est de trouver des variétés plus résistantes à l’eau salée. Comme on le fait sur les productions pérennes (arboriculture et viticulture), c’est un travail de R&D qu’on anticipe depuis plusieurs années et qui est toujours en cours avec le Centre Français du Riz. Au-delà, Il y a aussi une grande réflexion sur la gestion globale des eaux du Rhône, de manière à ce que tous les usages puissent être mieux satisfaits ».
Que se passe-t-il dans la Crau, elle aussi un territoire fragile… ?
C.B. : « La Crau verte est irriguée par le canal de Craponne, qui emmène les eaux de la Durance, stockées au barrage de Serre-Ponçon. Cette année, à cause de la faiblesse des chutes de neige et du manque de pluie au printemps, le lac de Serre-Ponçon n’a pas reçu les quantités d’eau nécessaires pour satisfaire l’usage maximal de ce pourquoi il a été réalisé. EDF n’a produit que 40% de l’énergie hydraulique qu’elle fournit habituellement. Et en agriculture, 25% d’eau en moins a été distribuée. La conséquence est que des centaines d’ha de foin de Crau n’ont pas pu être irrigués et donc ces prairies n’ont pas donné de fourrage. Et pour celles qui l’ont été, l’eau reçue a permis de réaliser trois des quatre coupes de foin annuelles habituellement effectuées. La quatrième sera très dépendante de la pluviométrie de cette automne ».
Le barrage de Serre-Ponçon semble montrer ses limites pour répondre à tous les besoins…
C.B. : « Grâce à cet aménagement et à l’expérience de nos anciens, avec les canaux d’irrigation et une gestion régulée de l’eau, nous avons pu passer l’été, même s’il y a eu un peu de casse. Mais aucun n’habitant n’a manqué d’eau, si l’on excepte les 17 communes en Région Sud PACA qui ont rencontré quelques problèmes d’accès à l’eau potable. Ce problème en Provence est ancien, rappelez-vous Pagnol et le pays d’Aubagne… L’expérience de cet été nous amène à gérer finement l’eau stockée dans le barrage. C’est la grande question qui rassemble tous les usagers tributaires de celui-ci ».
Parlons du maraichage provençal… Résiste-il mieux au réchauffement climatique ?
C.B. : « Les cultures maraichères ne rencontrent pas de réel souci car jusque là, elles ont toujours eu accès à l’eau. C’est vital, car si en été vous n’arrosez pas une seule journée, elles meurent. En revanche, la grande faiblesse des cultures, légumières en particulier, c’est la chaleur. Elle stresse les plantes et stoppe leur croissance. On observe aussi cela en arboriculture pour les pêchers ».
Quelles solutions prônez-vous globalement pour tenter de contrer le phénomène ?
C.B. : « Un important travail est réalisé sur la sélection variétale et végétale, avec de nouvelles espèces plus résistantes au stress hydrique et à a chaleur. Il faut continuer aussi à être vigilant sur l’eau, avec cette gestion plus fine du barrage de Serre-Ponçon. Stopper certaines cultures n’est pas une solution car on ne pourra pas les compenser ailleurs et on sera alors obligés d’importer. Je crois que l’on peut continuer à produire de l’agriculture en Provence en anticipant un peu plus ».
Les eaux pluviales, irrégulières et parfois abondantes dans la région et sa périphérie, notamment lors des épisodes cévenols, sont-elles suffisamment exploitées ?
C.B. : « De petites réserves existent déjà, notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence. Mais vous avez raison, il faut que l’on augmente notre capacité de stockage pour mieux utiliser cette eau. En France, l’irrigation liée à la pluviométrie représente seulement 1% du total ! Par ailleurs, la réutilisation des eaux usées issues des stations d’épuration est un vrai sujet. Nous sommes l’un des pays d’Europe qui les utilisons le moins. Plusieurs projets émergent, comme à Cuges-les-Pins, La Bouilladisse et Maussane-les-Alpilles, dans les Bouches-du-Rhône ».