les chercheurs agissent pour limiter le changement climatique

Depuis des décennies ils alertent le monde. Désormais, ils agissent et d’abord, dans leurs labos, au quotidien. Pour montrer l’exemple et pour entraîner toute la société, car le temps presse. Une initiative nationale, qui s’inscrit aussi en Provence. Leur outil : Labos1.5.

Karine Leblanc est chargée de recherche à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie, (MIO) à Marseille. Son inquiétude sur le changement climatique ne date pas d’hier. Mais comme pour beaucoup de ses collègues, ce sont les marches pour le climat des jeunes générations, en 2018 et 2019, qui ont servi de déclic. « On a été très touchés par leur mobilisation, et l’urgence d’agir. Quand le collectif Labos1.5 a été créé, en mars 2019, [ndlr : par deux chercheurs de l’INRA et du CNRS], j’ai tout de suite adhéré. Et très vite, j’ai eu envie de travailler en local, là où j’étais. Voir les collègues, en parler avec eux. On a créé un groupe au niveau du labo, puis au niveau de l’Observatoire des Sciences de l’Univers (OSU Institut Pythéas) et d’Aix-Marseille-Université (AMU.) ».

les chercheurs veulent réduire leur empreinte carbone

Karine Leblanc en train d’échantillonner sur une campagne océanographique ©K.L

Labos1.5, kezako ?

L’idée principale, poursuit la chercheuse, « c’est de s’appliquer à soi-même les changements que l’on demande à la société. Depuis des années, on signe des alertes, on ne peut pas continuer sans changer nos pratiques professionnelles. On doit réfléchir sur nos points noirs. Pour nous, c’est d’abord le transport. Non seulement nos trajets travail-domicile, mais aussi nos missions lointaines ».

Établir un diagnostic

Les labos les plus avancés ont élaboré un outil de mesure de production de carbone, qu’ils ont appelé « Ges1point5 ». Déjà 176 bilans GES sont remontés des labos. La deuxième étape est évidemment de réfléchir aux actions pour réduire ce bilan. Un premier laboratoire parisien a adopté l’institution de quotas individuels de voyages dès cette année.

les chercheurs réduisent leurs voyages

Les voyages en avion des chercheurs sont un poste important dans leur empreinte carbone ©JB

Partager les solutions

A côté des transports, l’alimentation, l’énergie des bâtiments et la consommation numérique gonflent le bilan carbone. Au MIO les scientifiques ont établi une liste de traiteurs éco-responsables. Plus de plastique à l’heure de la pause-café ou du buffet, et des produits locaux qui n’ont pas fait le tour du monde !

En cours de réflexion, des actions sur les achats de matériels informatiques. Sachant que le moment de la construction est le plus gourmand, l’heure est au partage, à la réparation, voire à une bourse aux équipements. Une réflexion sur le regroupement des commandes est en cours, histoire de ne pas voir tous les jours plusieurs camions livrer le même labo…

Toutes les initiatives, les bonnes idées, sont partagées et mutualisées. C’est tout l’intérêt du collectif Labos1.5.

les chercheurs du MIO agissent pour le climat

Le MIO sur le campus de Luminy à Marseille ©K.L

Passer à la vitesse supérieure

« Aujourd’hui, chaque français consomme en moyenne 11 t de carbone par an. Pour rester dans un réchauffement soutenable, il faut réduire cette empreinte à 2 t d’ici 2050, explique Karine Leblanc. Alors les petits gestes ne suffisent  plus. Il faut aller bien au-delà.  Une nouvelle culture d’activités décarbonées doit émerger. Il faut supprimer tout ce qui est superflu ».

« Ça monte en puissance »

Dans la communauté scientifique, où certains s’effraient depuis des décennies de l’évolution du climat et de la perte de la biodiversité, le passage à l’acte est bien reçu. « Depuis deux ans, on voit que le message diffusé a un écho. Les gens l’entendent, on en parle de plus en plus » se réjouit la scientifique.

le labo des chercheurs du MOI

A Marseille comme partout en France, les chercheurs et enseignants mesurent et commencent à réduire leur bilan carbone ©K.L.

Les chercheurs, longtemps cantonnés au rôle de lanceurs d’alerte, veulent désormais se montrer exemplaires. Et pas seulement ceux qui travaillent sur l’environnement. Tous les domaines sont concernés, neurosciences, maths, informatique, mais aussi droit, philosophie ou sociologie…

Aix-Marseille, noyau actif

Sur les campus marseillais, 100 à 150 chercheurs s’investissent dans Labos1.5. Et les idées ne manquent pas. Au-delà des chercheurs et enseignants, les étudiants sont aussi demandeurs d’un changement de mode de consommation, vers plus de sobriété. Pourquoi ne pas organiser une semaine de cours pour toutes les premières années sur la question du climat et de la biodiversité ? Ou encore favoriser les déplacements à pied et à vélo, vers les campus ?

Dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, ils et elles sont de plus en plus nombreux à vouloir changer de logiciel. Sans renoncer à la qualité du travail, mais en réduisant les gaspillages, en rationalisant les comportements. Des pratiques qu’ils souhaitent mettre au service de la société toute entière, institutions, entreprises et grand public.

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Pour aller plus loin

Le collectif Labos1.5

Aujourd’hui la structure regroupe au plan national  580 personnes actives et plus de 2400 abonnés. 150 labos utilisent l’outil GES 1Point5. Le nom Labos1.5 fait référence à la volonté des Accords de Paris de limiter la hausse des températures à 1.5°C .

les chercheurs agissent

Leur constat de départ : « Après plusieurs décennies d’un patient travail de recherche scientifique, le lien entre activités humaines, changement climatique, et dégradations de la biosphère est aujourd’hui clairement établi et documenté à l’échelle mondiale.[…] Face à cette urgence environnementale, nous ne pouvons pas continuer à produire, consommer et nous déplacer comme avant. Il nous faut repenser nos pratiques de travail, nos temps de loisirs, nos manières de vivre. »

D’où leur volonté, -dans un souci de cohérence- de réduire eux-mêmes l’impact environnemental de leurs recherches, mais aussi leur proposition d’accompagner les territoires dans leur transformation.