Innovation en agriculture

Les 6èmes Rencontres  RED PACA se sont tenues  à Avignon le 19 décembre. L’occasion de faire le point entre chercheurs et acteurs de terrain.  Et de découvrir les innovations et expérimentations conduites dans la région. Bleu tomate en présente quelques unes.

A Valabre, maïs et déchets verts font bon ménage

Dans ce lycée agricole, on n’a peur ni de l’innovation, ni de l’expérimentation ! Bien au contraire. Pour Michel Nevière, enseignant et agronome, c’est même son quotidien. Et cette fois-ci, c’est une idée qui tourne en rond qui est venue. Entendez par là une idée qui s’inscrit dans l’économie circulaire. Pas celle du système actuel : ressource prélevée-utilisée-jetée. Non. L’économie circulaire elle prélève le moins possible, et surtout elle réutilise, elle recycle, et tout recommence… Mais reprenons au début.

Des déchets verts bruts

Tout près du lycée, la centrale biomasse de Gardanne reçoit des déchets verts trop petits pour être utilisés. Michel Nevière les récupère et –avec l’aide et les bras de ses étudiants- les épand dans les rangs de maïs. Voilà un produit vu comme un déchet qui se trouve valorisé.L'innovation au quotidien au Lycée Valabre

Mais voilà aussi –et c’était quand même attendu- que d’autres bénéfices se manifestent.  « L’intérêt  est que cet apport joue un rôle protecteur en retenant l’humidité » explique l’enseignant. Résultat, 9 irrigations au lieu de 12, près de 25% d’eau économisée, soit 1000m3/ha. « Et cela sans aucune perte de rendement », poursuit-il.

Innovation pleine de promesses

Autre résultat à mesurer, l’enrichissement du sol en matières organiques. « A condition de ne pas mettre de couverts trop épais, ce qui pourrait déséquilibrer les sols », prévient Michel Nevière. Qui souligne une autre contrainte : le travail que représente l’épandage. Au rythme de 150T/ha, mieux vaudra trouver à mécaniser l’opération sur de grandes surfaces.

En tout cas, l’expérimentation a été jugée suffisamment intéressante. L’an prochain, elle sera poursuivie sur des cultures de soja. Et le GIEE AIX TRETS va lui aussi travailler sur les déchets verts.

Quant au lycée, il poursuit sa collaboration avec AGRIBIO 04 pour des couverts à base de légumineuses sur des cultures de blé. Toujours à l’affût de l’innovation.

Quel avenir pour la Crau ?

La plaine de la Crau, et son incroyable paysage de steppe, ses troupeaux et son foin en AOP, -la seule en France qui ne concerne pas une culture vivrière. Un milieu étudié depuis 10 ans par Fabienne Trolard, de l’INRA PACA, en particulier, les sols, l’eau et les plantes. Un monde qui fait face à des dangers pour la scientifique. « Au premier rang, c’est l’urbanisation et en particulier sur les terrains irrigués, qui ne bénéficient d’aucune protection juridique ».

 Entre 1997 et 2009, la Crau a perdu 1500 hectares de terres agricoles. Et si rien ne change, ce sont près de 4400 hectares supplémentaires qui vont être bétonnés. Car la plaine de la Crau est au croisement de l’Italie, de l’Espagne et de l’Europe du Nord. Une position stratégique pour y installer moult plates-formes  logistiques, en plus de la construction.

Etalement urbain et changement climatique

Mais qui dit urbanisation dit hausse des températures. Plus 1,9° depuis 1960. Prise dans le ciseau de l’urbanisation et du réchauffement climatique, la Crau est-elle condamnée à devenir un désert ? Ce serait un paradoxe, alors qu’elle est irriguée par un système de canaux crée au 16ème siècle. Un système d’irrigation gravitaire qui apporte l’eau de la Durance. « C’est une eau très propre, très minéralisée, avec tous les éléments dont les plantes ont besoin, sauf un petit déficit en potassium » explique Fabienne Trolard.

Le cycle de l’eau

Un système d’irrigation qui permet la pousse de prairies naturelles. C’est le fameux foin de la Crau, constitué de plus de 30 plantes différentes. Il fait le délice notamment des chevaux de course ! Pourtant le système d’irrigation est décrié aujourd’hui, à l’heure où les conflits pour le partage de l’eau se durcissent.La plaine de la Crau

Mais ce qui est moins connu du grand public, c’est que la Crau cache la 2ème réserve naturelle de France, une nappe phréatique entre 2 et 15 mètres de profondeur. « L’eau est dans un cycle, et le cycle souterrain est important. Certains ont  tendance à ne raisonner que sur les eaux de surface » regrette Fabienne Trolard. « Or moins on irrigue, et moins on recharge la nappe, et donc on peut aller vers des problèmes pour la consommation d’eau potable. » L’eau d’irrigation n’est chargée d’aucune pollution chimique dans les prairies naturelles. Et il ne lui faut que quelques semaines pour aller recharger la nappe. Elle participe pour 70% de la recharge de la nappe.le blé de la Crau

Le contrat de nappe de la Crau

Alors quel avenir pour la Crau ? Selon la scientifique de l’INRA, « le système agricole doit être considéré comme un régulateur, un système d’atténuation notamment du réchauffement climatique ». Elle attend beaucoup du contrat de nappe signé en janvier dernier par les élus, l’Etat et l’Agence de l’Eau. Le périmètre du contrat de nappe de la Crau couvre 15 communes, 5 intercommunalités et 3 SCOT (Schéma de COhérence Territoriale). C’est un outil de gestion de la ressource en eau. Il s’étend sur 6 années.

Les vignerons du Var engagés contre l’érosion et la chimie

Quand la terre s’en va… rien ne va ! C’était la triste constatation faite par les vignerons du Var, principalement ceux du Plan de la Tour. Ils perdaient de 12 à 14 tonnes de terre par hectare et par an. Las de bouger ces tonnes de terre qui fuyaient les rangs de vigne pour s’amonceler au bas des parcelles, ils ont décidé de réagir.

Depuis 2014, ils ont crée le GIEE du Plan de la Tour. Le projet est soutenu par la mairie, soucieuse également de la qualité de l’eau et des sols (dans 70% des prélèvements d’eau de surface, on  trouve des pesticides et du glyphosate). Pilotée par la Chambre d’Agriculture du Var, l’initiative commence à porter ses fruits.

Entretien du sol

80% des professionnels du village se sont portés volontaires. Au programme, enherbement pour lutter contre l’érosion, le ruissellement et les inondations. Ils ont donc semé différents trèfles. Et au bout de 3 ans, les résultats sont là.

Moins de ravines, une meilleure tenue du sol, et donc moins de travail pour tout remettre en état. Le tout sans aucune perte de rendement. Inconvénient, bien sûr, le coût des semences.

   Innovation dans les vignes du Plan-de-la-Tour (83)

Fertilisation

Le second axe du programme visait à réduire les intrants chimiques. Un partenariat a été passé avec la plateforme de compost voisine. 1000 tonnes de déchets verts ont ainsi été utilisées, soit 40 à 60 T/ha. Pour cette opération pilote, les vignerons bénéficient de la gratuité d’un certain tonnage. Et là aussi des résultats sont au rendez-vous. Ils constatent une amélioration de la texture du sol et une réduction du volume des produits phytosanitaires. En moyenne, 7 passages au lieu de 9.

Marine Balue, animatrice du GIEE, se félicite du bilan. « Ce qui est très positif, ce sont les échanges  de pratiques entre viticulteurs. Et puis la prise de conscience de l’importance des matières organiques dans le sol. Tous les jours, ils se rendent compte que travailler sur le sol, c’est bénéfique, pour la vigne mais aussi pour l’avenir du vignoble. Pour ceux qui songent à transmettre à leurs enfants par exemple, c’est important ».Innovation à Plan de la Tour

Une expérimentation qui fait tâche d’huile

Désormais, la Communauté de Communes du Golfe de Saint-Tropez est elle aussi entrée dans la danse. Avec une trentaine de viticulteurs et la volonté d’utiliser moins de chimie et de protéger mieux la qualité de l’eau. Marie-Laure  Berthommé, chargée de mission pour la collectivité locale ne ménage pas ses efforts.  « Nous proposons un accompagnement fondé sur le volontariat, afin de changer les pratiques face aux contraintes environnementales. L’important est qu’elles deviennent pérennes.  Nous essayons d’aller chercher les moins convaincus. Cela prend beaucoup de temps ».


RED PACA pour l'innovationPour aller plus loin

Les Rencontres RED-PACA (Recherche-Expérimentation-Développement)

Créées en 2010 par la Chambre Régionale d’Agriculture et l’INRA PACA, elles ont pour objectif de renforcer la collaboration entre la recherche et le terrain. L’enseignement agricole est partie prenante. Elles permettent à chacun de s’informer, de se former et de communiquer.

Parmi les axes stratégiques régionaux en matière d’innovation, on trouve l’évolution des systèmes agricoles, la santé des plantes et la qualité des produits.