Après l’exode rural, un retour durable vers les campagnes est-il en cours ? Oui répond Valérie Jousseaume. Géographe, elle étudie les mutations sociétales en cours à partir du territoire. Bleu Tomate lui a demandé un entretien à la veille du forum du GAL Haute Provence Luberon, à Forcalquier (04), où elle interviendra.
Pour la chercheure*, il s’agit même « d’une grande transition dans l’histoire de l’humanité. Il y a eu une ère paysanne qui voyait le monde comme un potager, (fertile, durable et de bonne qualité) puis l’ère dite de la « modernité », qui aménageait le monde comme une usine (propre, pratique, pas cher) ». Sauf que le « toujours plus loin, toujours plus fort et toujours plus rentable » se heurte aux limites des ressources de la planète.
Ainsi depuis plusieurs dizaines d’années un autre mouvement se dessine. Nombreux sont celles et ceux qui décrochent de ce « monde-usine » et même « monde-ordinateur ». Après l’exode rural, après l’ère de l’urbanisation puis celle de la péri-urbanisation, voilà que la population est redistribuée dans l’espace au niveau régional vers le sud et l’ouest de la France. Un mouvement qui va forcément redessiner l’aménagement du territoire, et de manière rapide.
« Aménager, ce n’est pas simplement équiper. L’aménagement est la matérialisation de notre façon de voir le monde, de voir notre vie. Et comme notre façon de voir le monde change à grande vitesse, l’aménagement va suivre. C’est ça qu’il faut prévoir».
Mais cette envie de transition présente de multiples visages. « Aujourd’hui, il existe un récit décentralisé de la transition, avec des mouvements très disparates : écologistes, paysans, altermondialistes… L’enjeu est de coordonner, fédérer ces envies, dans une utopie collective désirable », précise Valérie Jousseaume.
Demain, quels territoires ?
Il faudra mettre en œuvre des valeurs, mais lesquelles ? « La culture paysanne a été éradiquée au profit de la modernité, poursuit la géographe. Mais il existe un héritage anthropologique, une mémoire ». De l’autonomie alimentaire et énergétique à la solidarité, en passant par le partage des communs et le respect de la nature et des saisons, ces valeurs font sens aujourd’hui pour de nombreux citadins revenus du salariat et de l’individualisme, de la mobilité forcée, prônés par le modèle de la modernité.
L’enjeu est important pour les territoires ruraux aujourd’hui. Ils devront accueillir une population nouvelle et trouver les voies d’un développement harmonieux. Inventer un nouveau modèle qui articule privé et communs, revoir l’habitat, la mobilité et tout l’espace public.
« Les campagnes sont à nouveau désirables », souligne Valérie Jousseaume. Il leur faudra confronter et harmoniser les imaginaires pour permettre la durabilité. Un beau challenge !
*Valérie Jousseaume est maîtresse de conférence à l’Institut de Géographie et d’Aménagement de l’Université de Nantes -CNRS Unité mixte de recherche « Espaces et Sociétés »
Dernière publication « Plouc pride, un nouveau récit pour les campagnes » éditions de l’Aube.