A Entraigues-sur-la-Sorgue, une usine de pâtes artisanales a réussi le pari de la conversion au 100% bio et au sans gluten, sans renier le savoir-faire des maîtres-pastiers. Mieux encore, leur démarche écoresponsable appliquée à tous les niveaux de l’entreprise est une source d’inspiration.
Biovence a changé d’adresse depuis janvier. À Entraigues-sur-la-Sorgue, dans une zone artisanale, un grand bâtiment cubique recouvert d’acier corten et de murs végétaux abrite désormais les deux ateliers, l’un pour les pâtes au blé dur, l’autre pour les pâtes sans gluten. L’usine de fabrication artisanale de pâtes Lazzaretti, fondée en 1936 à Avignon, s’est convertie au 100% bio depuis le rachat en 2008 par deux beaux-frères, Denis Lainé et Julien Chabrol.
L’entreprise commercialise ses pâtes sous deux marques : Lazzaretti en magasins bios et Moulins de Provence en grande distribution. En 10 ans, elle est passée de 3 à 35 salariés et son CA de 400 000 à 7 millions d’euros. Un véritable bond en avant !
Un ovni dans le milieu des pâtes
Denis Lainé nous reçoit dans son vaste bureau avec mur végétalisé et vue sur le Mont Ventoux. L’homme est posé. Comment vient-on à racheter une usine artisanale de pâtes et à la convertir en bio ? La réponse tient en trois mots, « idéologie, ouverture et bon sens ». Le bon sens, Denis Lainé en est imprégné et on le sent ancré dans la terre. Est-il issu d’une famille paysanne ? « Mes parents sont arboriculteurs, j’ai toujours connu le milieu agricole, mais le lien ne vient pas de là. C’est plutôt un constat, après 10 années passées dans la grande distribution. Il n’y avait aucun intérêt à se battre contre les gros industriels comme Panzani. Surtout, nous cherchions un idéal de consommation, un produit à fortes valeurs nutritionnelles et gourmet. Le bio fait partie de nos convictions. Mr Lazzaretti, avant de nous céder l’usine, avait amorcé cette démarche ».
Les pâtes aux légumineuses, innovation alimentaire
Biovence a gardé ses valeurs familiales. Les deux beaux-frères, co-dirigeants, ne semblent pas avoir de problème d’égo et le tandem fonctionne à merveille depuis 10 ans. Ils vivent avec passion leur métier d’entrepreneur et ont insufflé à la société un vent d’innovation. En 2014, un deuxième atelier a été créé pour la fabrication de pâtes sans gluten. Ils furent les premiers en France et en Europe à se lancer dans les pâtes aux légumineuses.
Mais qu’elles soient bio ou sans gluten, les pâtes ont le goût de la tradition. « Nous mettons en avant le savoir-faire de nos prédécesseurs. J’ai été formé pour être maître-pastier par M. Lazzaretti fils. Je travaille toutes les nouvelles recettes de pâtes manuellement. Nos produits doivent avoir un intérêt nutritionnel mais aussi gustatif. Cette méthode nous a donné notre légitimité dans le réseau bio, et ouvert les portes du marché européen ».
Leur singularité se retrouve dans leur gamme, pâtes aux pois chiches, lentilles corail… de véritables ovnis dans le marché des pâtes. Cette spécificité est doublée d’un savoir-être original en matière de management.
Un engagement RSE essentiel
« Être dans la filière bio signifie que nous pensons différemment, la vision de l’entreprise est à l’opposé de la grande industrie. L’implantation dans ce nouveau site d’Entraigues-sur-la-Sorgue nous permet d’afficher et d’affirmer nos valeurs. Au centre de tout, il y a le respect : respect de l’environnement, respect de l’humain. Notre engagement RSE est primordial. Nous avons opté pour des fenêtres dans nos salles blanches afin de travailler avec la lumière du jour et de voir l’extérieur. Tous nos éclairages sont en basse consommation et grâce à nos futurs panneaux solaires et ombrières, notre bâtiment sera bientôt à énergie positive », dit Denis. Une oliveraie, des arbres fruitiers (la marotte de Denis Lainé) et des arbustes à baies ont été plantés sur le terrain. « Nous allons produire notre première huile d’olive qui sera partagée entre tous les salariés ».
Un management à l’écoute des collaborateurs
Une longue réflexion a été menée pour le bien-être des employés. « C’est important de venir travailler le plus sereinement possible. Les portes des bureaux des cadres sont toujours ouvertes. Les démarches sont simplifiées ». L’entreprise a des airs de start-up, un terrain de boules, une salle de repos avec poufs, billards et PS4 ont été aménagées.
Le turn over a-t-il complètement disparu ? « Non, mais on fait tout pour le réduire, chaque nouveau entrant doit être parrainé. Nous avons mis en place un système de primes pour le parrain si la personne reste dans l’entreprise. Nous sommes dans la démarche gagnant-gagnant avec nos collaborateurs. Ils sont payés sur 13 mois avec prime de vacances et prime d’objectifs en sus. Nous cherchons toujours à faire monter nos salariés en compétences ».
En ce qui concerne la parité, elle se fait naturellement « ce qui nous intéresse, ce sont les aptitudes ». On dénombre 40% de femmes dans l’atelier et 50% dans l’encadrement.
Mécénat et transmission
En une décennie, Biovence a su montrer que le bio est compatible avec un environnement industriel et qu’il est possible d’entretenir des valeurs managériales vertueuses. « Nous essayons de bien faire et sommes aussi engagés socialement. Ainsi, nous avons développé le mécénat avec l’association Semailles qui réinsère des personnes en grande difficulté dans le secteur de l’agriculture biologique. Nous sommes dans le partage, nous recevons les écoles, les entreprises qui souhaitent échanger avec nous… ». Jusque-là, Biovence ne semble pas loin du « zéro faute »…
Pour aller plus loin
Un musée qui retrace les valeurs de l’entreprise et expose les anciennes machines de fabrication de pâtes va prochainement voir le jour dans les nouveaux locaux. Pour ne pas oublier les racines des Moulins de Provence, lorsqu’un jour de 1936, le rêve entrepreneurial d’un jeune émigré italien devint réalité…
Jolie sujet !