Expert en fertilisation biologique à l’Institut Technique de l’Agriculture et de l’Alimentation Biologiques (ITAB), auteur de livres sur les cultures potagères, Blaise Leclerc est un passionné de la terre et un jardinier confirmé. Nous l’avons rencontré dans son jardin potager à Cucuron.
Votre premier souvenir de potager, comment est née cette passion ?
Né à Paris en 1959, j’y ai vécu jusqu’à 16 ans. Mes premiers souvenirs de potager sont avec mon oncle maraicher en Seine et Marne qui m’a fait découvrir la culture des légumes. Avec lui j’ai commencé à apprendre à semer, repiquer… Puis, après la séparation de mes parents, je suis allé vivre en Ariège avec ma mère et mon beau-père qui était féru de jardinage. Il m’a transmis sa passion.
Quel jardinier êtes vous ?
Mon jardin c’est à la fois mon plaisir ma source alimentaire, la base de mes livres de jardinage et mon activité physique car je fais tout mécaniquement !
J’y consacre une grande partie de mon temps et je suis conscient que tout le monde ne peut pas en faire autant. Le principal est d’y prendre du plaisir. Il faut se donner des objectifs raisonnables.
Je suis un jardinier des 4 saisons. Souvent le réflexe, pour un jardinier amateur comme moi, est de s’organiser pour produire des légumes d’été. J’appelle ça le jardin ratatouille mais c’est avec beaucoup de bienveillance. Je trouve seulement ça dommage. Il est assez facile de prévoir en début d’été un espace pour planter chicorée, carottes, poireaux pour l’hiver. Bien sûr en prévoyant un minimum d’arrosage durant la période estivale.
Parce qu’il y a beaucoup de légumes qui résistent bien au gel. Pour ma part, j’ai des légumes toute l’année et j’ai revendu mon congélateur il y a plusieurs années parce que je n’arrive plus à consommer des légumes hors saison.
Avez-vous toujours été sensible à l’agriculture bio ?
Mes études scientifiques m’ont très vite fait prendre conscience du danger des produits chimiques.
Depuis je consacre ma vie professionnelle à l’agriculture et l’environnement. J’ai toujours eu en parallèle de mes recherches scientifiques sur l’agriculture biologique, un jardin-potager nourricier et en quelque sorte expérimental pour mes travaux et mes livres (parus en majorité aux Editions Terre Vivante NDLR).
Bien sûr je n’utilise pas de pesticide chimique dans mon jardin. Mais pour moi un autre aspect important dans le potager écologique est de conserver une partie des graines pour les réutiliser en semences. Pour un jardinier amateur, c’est assez facile avec les tomates et les haricots verts par exemple.
Il y a un intérêt économique : les graines de tomate se vendent au poids plus cher que l’or !
Et un intérêt agronomique : il est prouvé grâce à l’épigénétique que les espèces végétales développent une adaptation particulière au milieu dans lequel elles poussent. C’est un phénomène connu empiriquement de longue date par les jardiniers mais qui a été prouvé scientifiquement assez récemment.
Autrement dit, un légume qui pousse dans votre jardin produira des graines encore mieux adaptées à son sol et au climat.
Bien sûr il faut planter des variétés dites « fixées », non hybrides. Les hybrides ne sont pas reproductibles contrairement aux variétés « fixées » qui le sont quasiment indéfiniment. En revanche, il y a quelques précautions à prendre comme passer certaines graines au froid pour éliminer les parasites qui pourraient s’y trouver.
Avec le manque d’eau régulier, un recette anti-sécheresse ?
Un truc classique : le paillage.
Mais attention nombre de jardiniers paillent sur quelques centimètres. Or il faut le faire au moins sur quinze à vingt centimètres et penser à pailler les allées. Sinon c’est comme les ponts thermiques dans le bâtiment, sauf qu’il s’agit là de ponts « hydrauliques » avec les allées.
Un autre bénéfice du paillage est d’enfermer les spores de mildiou. Quand il pleut cela évite qu’ils soient projetés sur les feuilles avec les gouttes d’eau chargées de terre.
Le troisième avantage du paillage est de préserver la vie biologique et bactérienne. Par exemple en cas de canicule la surface de la terre à nu monte à 50°C. Sur les premiers centimètres il n’y plus aucune vie biologique. Les bactéries et les champignons ne fonctionnent plus. Ce qui appauvrit la vie du sol et la nutrition des plantes. Alors que, dans nos régions, sous le paillis la température reste en dessous d’environ 35°C ce qui permet aux bactéries de vivre, de dégrader le compost et de continuer à nourrir les plantes.
C’est donc un geste basique et indispensable au jardin.
Selon vous, à quoi ressemblera le jardin de demain ?
Pendant longtemps le jardin ornemental ou d’agrément a été différencié du potager nourricier. L’un étant mis en avant, l’autre caché à l’arrière de la maison. De plus en plus nous allons mélanger les deux. La recherche nous a montré l’énorme intérêt des cultures associées. Plus il y a de fleurs, plus il y a d’insectes, plus nous favorisons la biodiversité et l’équilibre naturel, plus cela crée des remparts contre les ravageurs, les maladies. Le jardin potager de demain sera fleuri, plus beau. Et c’est une bonne nouvelle !
Le dernier ouvrage de Blaise Leclerc : « Jardiner ça peut pas faire de mal ! » est paru le 28 janvier 2019.
Crédit Photo de Une : Jean-Jacques Raynal
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Pour aller plus loin
L’ITAB
L’institut a été crée à Paris en 1982 sous forme d’association loi 1901. Il est soutenu financièrement par les pouvoirs publics (Ministère de l’Agriculture, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, l’Europe…). L’institut est l’interlocuteur national sur la recherche, l’expérimentation et les techniques en agriculture et alimentation biologiques. Il a pour mission d’identifier les besoins et les actions menées en recherche-expérimentation, de rassembler les acteurs, de monter les projets en partenariat et de valoriser et diffuser les connaissances techniques auprès des agriculteurs.
un legume ? une tomate du jardin, bien en chair et plutot rouge, c’est ma couleur. un auxiliaire ? un bon gros crapaud commun, rien que pour me venger des limaces. un plat ? la ratatouille, froide ou chaude, je ne m’en lasserai jamais. un habitat ? une maison de Hobbit, toute en courbes et rondeurs. un materiau ? le foin. C’est doux, ca sent bon et ca tient chaud. une fleur ? la marguerite, simple et efficace. un ravageur ? moi, avec mes grands pieds lorsque je pietine la terre ou que j’appuie sur le champignon (au propre comme au figure).