La 3e édition du Festival a démarré lundi soir, 22 août. Par le témoignage d’acteurs engagés, en France et ailleurs. Prélude à une semaine de rencontres, échanges et manifestations nombreuses, au service d’un futur désirable.
« En 3 ans, le monde a changé. Il est plus qu’urgent de penser et d’agir ». Ainsi Marie Toussaint introduit-elle la soirée. Juriste en droit international, la jeune femme a fondé l’association « Notre affaire à tous » et sera la modératrice d’un soir. « Il y a une prise de conscience que la question environnementale et la question sociale ont un lien direct », renchérit Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française du développement. « Il faudra y ajouter celle de la démocratie institutionnelle. La question se pose partout sur la planète. Tout le monde cherche une trajectoire, un chemin », précise l’orateur, qui veut espérer que les organismes financiers sauront être des acteurs utiles face à la crise. « Sur le terrain, poursuit Rémy Rioux, des actions communes se mènent entre secteur public et société civile. De nouvelles façons d’agir s’inventent sur les territoires. Mais une coordination à grande échelle est nécessaire », conclut-il évoquant une diplomatie du Vivant.
Cet été caniculaire, sec et brûlant a surpris même les scientifiques les plus alarmistes, souligne Marie Toussaint qui appelle à doter la nature de droits et à construire une justice climatique, « afin de construire un nouveau nous ».
Des luttes locales à l’international…
Oui mais comment ? « En mobilisant nos intelligences collectives au service de la vie devenue si fragile », répond Achille Mbembe, intervenant en visio. Mais le philosophe, politologue et historien prend l’auditoire à témoin. « La réanimation de la démocratie et du vivant gagnera si on sort d’un modèle unique de pensée. Un droit universel à la respiration doit faire partie de l’agenda à construire ».
Autrement dit, reprend Marie Toussaint, citant l’éminente juriste Mireille Delmas-Marty (décédée en février dernier), qui fut professeur émérite au Collège de France : « pas de souveraineté solitaire mais une souveraineté solidaire ».
… Dans le respect de chacun
Une solidarité qu’attend toujours le continent africain, responsable pour 4% seulement des GES mais largement affecté par la crise climatique. Depuis 2012, les états dits développés se sont engagés pour 100 milliards de dollars d’aide qu’ils peinent à mobiliser. Mais c’est 10 fois plus qui serait nécessaire pour lutter contre les conséquences du dérèglement climatique, développer un nouveau modèle énergétique et l’emploi des jeunes, explique Aïssatou Diouf, militante activiste chargée de plaidoyer pour l’ONG ENDA Energie. «Pour gagner la lutte, il faut plus de sincérité au plan international, car dans les discours tout va bien, mais dans les salles de négociation, c’est une autre histoire » !
La solidarité pour Aïssatou serait « de lancer des politiques climatiques qui ne soient pas le prolongement de la colonisation. Aujourd’hui, il y a une inadéquation entre les projets proposés et l’intérêt des populations. Ils ne tiennent compte ni de leurs connaissances, ni de leurs besoins ».
La militante venue du Sénégal explique que de nombreuses communautés se battent au quotidien contre un changement climatique qui touche d’abord les femmes et les plus pauvres. « Notre réalité, c’est 40 à 45° toute l’année, et parfois 50° ! Près de Saint-Louis, de nombreux villages ont disparu, et les habitants ont été déplacés. On nous pousse à exploiter le pétrole et le gaz, mais c’est le vent et le soleil qu’il faut développer ».
Le poids des citoyens sur la finance
Solidaire des luttes en Afrique, Christian Vanizette l’est entièrement, en particulier contre le projet EACOP, porté par Total Energies. Des centaines de puits de forage creusés et un oléoduc chauffé, long de 1400 km qui doit relier Tanzanie et Ouganda. Mais aussi assure le militant, déplacer 30 000 personnes et traverser 16 aires naturelles protégées. Pourquoi le fondateur de Make Sense, une association qui depuis 10 ans soutient et impulse des projets alternatifs dans le monde s’implique-t-il dans ce combat contre le groupe français ?
« Nous investissons dans 45 super projets, mais tout ça est détricoté par des groupes comme Total. Ses projets font de l’ombre aux alternatives, constate le jeune militant. J’ai compris qu’il ne faut pas seulement construire le monde de demain mais aussi déconstruire le monde d’avant. Et en fait c’est la même chose, et c’est aussi fun ! L’idée est de décourager les banques de financer ces projets, et si on s’y met tous, on peut y arriver, et c’est cool… »
Un combat largement vécu déjà par Lucie Pinson. Directrice de Reclaim Finance. « Toute notre vie est conduite par la finance. Il faut changer la façon dont elle travaille, pour la mettre au service du climat » explique la militante pour la transition énergétique. Inlassablement, les militants épluchent les comptes des grands groupes et informent et même interpellent les organismes financiers sur la nature réelle des projets qu’ils s’apprêtent à financer.
« Certaines banques se sont engagées à ne pas financer EACOP, se réjouit-elle, avant d’ajouter : mais parfois elles financent Total… ». Crédit Agricole, Amundi, BNP Paribas sont les principaux soutiens du groupe énergéticien. Et si une dizaine d’établissements financiers se sont engagés contre l’énergie fossile, les plus gros la soutiennent encore.
Moyens d’action et raisons d’espérer
Reclaim Finance propose des solutions et demande qu’une loi interdise désormais le financement des énergies fossiles. Un vrai changement de logique qui prendrait en compte le vivant et le long terme, à rebours des choix d’aujourd’hui. Au plan européen, des discussions sont engagées, et la Banque centrale européenne va lancer des initiatives au Nord comme au Sud. Des raisons d’espérer donc, et surtout des moyens d’action à saisir, pour tout simple citoyen !
En conclusion, chacune et chacun des participant.es a donné quelques idées au public nombreux : comme fuir les banques en cause, ou les questionner sans cesse sur leurs investissements, ainsi que les députés, et bien sûr rejoindre une action collective… Et puis regarder autour de nous, la condamnation de Shell par un tribunal néerlandais pour manque d’ambition climatique, le Chili et sa constitution sur l’environnement, les projets climaticides abandonnés en France…
Bref, une bonne soirée pleine d’énergie pour repartir au combat, et bien lancer le festival qui se poursuit toute la semaine à Arles.
Le Bruit qui court lance le festival en chanson
Ils étaient une centaine à chanter ensemble juste au démarrage du Festival. Une belle et agréable entrée en matière !
Le collectif, né dans le giron du festival Agir pour le Vivant, explique Maxime, cofondateur, est cette année en résidence dans le cadre du festival, fort de 130 membres. Artistes, militants ou simples citoyens intéressés, ils vont participer à des ateliers pédagogiques militants et créatifs. Objectif ? Faire jaillir par l’expérience artistique, un engagement massif et profond à la hauteur des urgences écologiques et sociales.
Impliqué localement dans la lutte contre le projet de contournement autoroutier d’Arles, le collectif a élaboré un manifeste. Au service de l’intérêt local comme planétaire, Le Bruit qui Court mettra en scène les réalisations de la semaine de résidence le samedi 27 août à 19h place de la République à Arles.