Sur les hauteurs de Bandol, un homme s’est lancé depuis 8 ans comme autodidacte dans le maraîchage en permaculture. Ses légumes aux variétés anciennes font le bonheur des chefs de Marseille. Rencontre avec ce passionné de la terre et de ses fruits.
Il fait chaud en ce début du mois de juillet, très chaud même, quand je pars rencontrer Jean-Baptiste Anfosso. C’est un homme très occupé mais qui va prendre du temps pour m’expliquer chacune de ses parcelles. J’ai l’impression d’entrer dans le secret des chefs. Une balade, papilles ouvertes et conversation érudite, au son des cigales.
Plantes aromatiques, safranière, concombres-melons, tomates bleues… de nombreuses variétés de légumes sont cultivées ici. Des légumes souvent inconnus. Comment vous est venue l’idée de les faire grandir sur ces terres ?
Okra gombo, épinard de Malabar…
« Pour moi, l’idée de la permaculture est d’être le plus multiple possible. On essaie de recréer des écosystèmes naturels, de s’inspirer de la forêt. Celle-ci n’est pas limitative mais plurielle donc il faut, dans une parcelle en permaculture, apporter un maximum de diversité.
Ma production part dans la cuisine des chefs [NDLR : Passédat, Mazzia…]. J’ai aussi envie de leur apporter des produits nouveaux ou exotiques, cultivés trop loin de la France. L’okra gombo, utilisé en Afrique et en Inde, est très intéressant au niveau gustatif et sa forme graphique permet de s’amuser avec un plat. J’ai aussi une grande collection de piments, poivrons marseillais, des variétés d’épinards… L’épinard pousse très mal l’été, mais pas l’épinard de Malabar, ou baselle, qui a un goût très terreux et minéral ».
Texture de poire, goût de melon
Un peu plus haut sur son terrain en pente, on trouve les solanacées, la grande famille des pommes de terre, aubergines, poivrons, poires-melons (pepino). Celles-ci ressemblent aux aubergines, avec une texture de poire et un goût de melon. En bouche, elles finissent en eau de concombre. Je suis impressionnée de voir autant de diversité, légumes et fruits de tous horizons, sur si peu de terrain…
Plus de tracteur…
« L’intérêt de la permaculture est aussi de ne plus utiliser de tracteur. D’une part, l’impact carbone est moindre, d’autre part, je peux mettre beaucoup plus de lignes de légumes. Sur une rangée, par exemple, on retrouve d’un côté des Gombo, des concombres-melons et des aubergines, puis un combiné de solanacées, des tomates et des aubergines, et au milieu de tout cela, j’ai planté du basilic », explique Jean-Baptiste Anfosso.
Saveurs singulières
Il faut avoir l’œil pour se repérer parmi cette jungle de verdure. Les trésors sont cachés sous les feuilles. Ici, les agrumes poussent tranquillement avec, en leur centre, un avocatier. Tous ces noms, kumquat, citron-caviar… emportent vers les contrées lointaines aux saveurs singulières. « Je mange ces légumes à peine cueillis et j’en ressens toutes les saveurs. Aucune crainte de m’empoisonner avec des pesticides et leurs qualités nutritives sont indéniables ».
Tous les oligoéléments
Le maraîcher est prolixe… « L’avantage de cette façon de travailler préserve les sols. En surface, là où les plantes vont mettre leurs racines, elles ont des nutriments. Une plante ne se nourrit pas juste d’azote et de phosphore. Comme les humains, elle a besoin de tous les oligoéléments : du zinc, du fer, du cuivre… qui se retrouvent naturellement dans les sols mais qui sont dénutris par le labour. Le seul que je m’autorise à faire est avec une grelinette. Les allées doivent aussi être paillées. Si je ne les paille pas, je les tonds pour garder le couvert végétal. Il ne faut pas toucher le sol. Il sait se reconstituer tout seul ».
Intelligence du végétal
Jean-Baptiste Anfosso a la foi, ce travail est un engagement quotidien. Sa collaboration avec les chefs lui permet de s’en sortir. Il répète sans cesse ce crédo : « au cœur des cuisines, il y a le produit. Sans une terre biologiquement active, on perd l’essentiel, le goût ! ». Il parle de l’intelligence du végétal : « une plante donne mais ne produit pas, tout se passe dans la terre, qu’il faut observer avec patience ». Les livres de Sepp Holzer et une curiosité insatiable sur le monde végétal lui ont tout appris.
Son prochain défi : réactiver les 75% de semences abandonnées pour ouvrir nos papilles et nos émotions.
On peut suivre Jean-Baptiste Anfosso sur Instagram : organic_yoda