Autant que les rejets d’effluents en Méditerranée, l’usine de Gardanne doit gérer les résidus de boues rouges. Jusqu’ici ils sont stockés sur ce site proche de la ville. Leur valorisation permettrait peut-être d’éviter envolements et ruissellements polluants. Mais le chemin est semé d’embûches…
La polémique autour des rejets liquides de l’usine Alteo dans les calanques, en début d’année, a quelque peu occulté un autre sujet brûlant : la pollution provoquée par les boues rouges (résidus de bauxite) entassées sur le site de Mange Garri, à Bouc Bel Air. Un lieu aussi stérile que la planète Mars. Stockées là depuis la création de l’usine d’alumines, avant d’être déversées en mer à partir de 1966, elles ont repris le chemin de ce dépôt, sous forme déshydratées. Car au 1er janvier 2016, Altéo a été contraint de rejeter en Méditerranée des effluents « propres ».
Problème : le site est archi saturé et les pluies, comme les vents, provoquent des ruissellements et des envolements. Les conséquences sur l’écosystème et les risques sur la santé publique ne sont évidemment pas à négliger. « Alteo doit veiller à ce que les eaux de pluie ne viennent pas polluer les réseaux d’eau, les ruisseaux et les rivières », s’inquiète Pierre Aplincourt, président de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône (FNE 13).
Mange Garri, fin dans 10 ans
L’Etat a mis en demeure l’entreprise d’arrêter ces dérives. Celle-ci tente comme elle peut de s’y opposer, en arrosant le site en période de fort ensoleillement, pour fixer les poussières, et en recollectant les eaux de pluie pour les traiter dans des filtres-presse.
La solution de long terme n’est évidemment pas celle-là. Ces traitements de pis aller n’empêchent pas les incidents. Des poussières retombent régulièrement sur les quartiers voisins, et l’Etat a de toute façon fixé le terme. Le site de Mange Garri ne doit plus recevoir aucune boue rouge dans 10 ans.
Alteo a donc engagé une course contre la montre. Objectif : valoriser les 300 000 tonnes annuelles de résidus déshydratés qu’elle produit. Et sans doute avec un retard à l’allumage, puisqu’elle n’était pas, jusqu’à il y a peu, vraiment pressée par les autorités et l’opinion publique.
La solution Bauxaline ?
Pour l’entreprise, la solution se nommerait Bauxaline. Un matériau valorisé qui servirait au secteur de la construction et dans des filières de… dépollution. Des partenariats de R&D sont en cours. « Nous en valorisons déjà 10% par an et cherchons à orienter nos recherches vers des applications qui ne sont pas concurrentielles, comme des géo-polymères, des briques ou des tuiles », assure Eric Duchenne, directeur des opérations d’Alteo.
Sauf que l’innocuité de la Bauxaline n’a pas été démontrée… Dans un article du site d’information Novethic, publié en février 2016, la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) fait état de taux de radioactivité supérieurs aux seuils de la directive européenne Euratom, qui entrera en vigueur, justement pour les matériaux de construction, en 2018…
Renaturer le site
Clairement posé, le sujet de la valorisation ne suffira de toute façon pas à satisfaire FNE 13, qui questionne déjà le devenir du site de Mange Garri, quand les stockages seront définitivement interdits. « Il faut dès à présent prévoir des mesures de renaturation. Nous avons demandé qu’Alteo consigne des sommes pour réhabiliter ce site dans le futur », veille Pierre Aplincourt.
Qu’elles soient à mille lieux sous la mer ou entassées sur terre, ces boues rouges n’ont pas fini d’empoisonner… l’existence.