Le GRAIN Marseille

Les premiers visent la transition écologique en ville. Les seconds rassemblent des acteurs qui veulent faire ensemble. C’est parce que  leurs préoccupations et leurs pratiques convergent qu’ils se sont retrouvés vendredi 10 mars à Marseille. Pour échanger, partager et lancer des projets.

La journée débute au Talus, dans le 12e arrondissement. Sur deux parcelles, anciens terrains de la SNCF, un jardin (3500 m2) et un «village» (4500 m2) sont nés. Le Talus accueille la cinquantaine de participants à la journée de rencontre. A l’initiative, le réseau des tiers-lieux et la Cité de l’Agriculture.

le Talus tiers lieu à Marseille 11e

L’entrée du Talus, tiers-lieu marseillais – Photo de Une : le GRAIN à Marseille accueille la journée de rencontres entre tiers-lieux et agriculture durable ©JB

Carl Pfanner, co-fondateur et co-directeur du Talus pilote la visite. Le Talus a été créé en 2018 par l’association Heko Farm. « On s’est dit on va faire, pas seulement parler… », se souvient Carl Pfanner. Alors ils ont fait, vite et bien ! Un projet expérimental de découverte et d’innovation, en terme écologique et social,  autour de l’agriculture urbaine.

Le Talus pousse et fait pousser

Aujourd’hui le Talus c’est 500 000€ de budget annuel, 3900 adhérents (chaque participant aux activités doit adhérer, à partir d’un euro), 10 salariés et 10 personnes en service civique. Ce tiers-lieu très ouvert sur l’extérieur se développe grâce aux chantiers participatifs, organisés toutes les semaines. Il développe 5 programmes d’activité, tous pédagogiques et productifs. De l’alimentation durable à la culture, en passant par l’éducation à l’environnement, l’agroécologie et enfin les ateliers, destinés au réemploi et au faire soi-même.

le jardin du Talus

Visite du jardin du Talus ©JB

D’où le jardin. « Les bassins de production ont perdu le contact avec la ville et les villes ont perdu le contact avec la nature », regrette Carl Pfanner. Avec 500 m2, le potager  ne prétend pas nourrir la ville ni même le quartier, même si on peut acheter au Talus des œufs, des graines, des semences et des légumes. Sa vocation est pédagogique. Les scolaires viennent y découvrir les mystères de la culture sur sols vivants. Et les jardiniers amateurs y cultivent à leur guise pas moins de 118 bacs potagers mis à la leur disposition en location.

Atelier bois au TAlus

Atelier bois en plein air au Talus©JB

Agri… et Culture

Sur la parcelle tout-à-côté, le village prend forme. Ici, se nouent des interactions sociales et des alternatives. Pas moins de 13 containers sont laissés à la disposition du Talus, qui les investit peu-à-peu. Ici les bureaux, là les sanitaires, plus loin une cuisine aux normes les plus récentes pour transformer et conserver les produits, ou encore des ateliers. Et même un ring de boxe !

De l’espace, un four à pizza, une buvette et un terrain de pétanque complètent les aménagements. Dans ce quartier bien pauvre en lieux d’accueil socio-culturels, « le village » du Talus peut recevoir jusqu’à 1200 personnes. Pour des concerts, des soirées, des fêtes et toutes sortes d’activités proposées par des associations locales.

le tiers lieu propose aussi un espace socio-culturel

Visite du Village du Talus à vocation socio-culturelle ©JB

Autre tiers-lieu, autre visite. C’est « le GRAIN de la Vallée » qui accueille ensuite les participants à la journée de rencontre. Dans le quartier de St Menet (11e arrondissement), traversé non seulement par l’Huveaune, mais aussi par la voie ferrée et une autoroute, délaissé par les transports et les services publics et les commerces, le GRAIN s’est implanté, sur 4000 m2.

Le GRAIN y veille

« C’est un lieu pour prendre soin du vivant », explique Valentine Pilliard, Coordinatrice au GRAIN. Le Groupe de Recherche autour de l’Art, des Individus et de la Nature construit ici un tiers-lieu citoyen « nature-culture ». La mairie lui loue une ancienne école depuis 2019. Outre une crèche (elle-même autonome), les locaux abritent une épicerie solidaire et accueillent des marchés de créateurs, artisans et producteurs. C’est le pôle alimentation durable.

le tiers lieu le GRAIN

Le GRAIN abrite une épicerie solidaire et de nombreuses activités ©JB

Une autre activité est liée au bien-être et propose cours et ateliers de yoga, danse, gym douce ou sophrologie. Un 3e pôle, culturel, permet la réception d’artistes en résidences, d’expos, d’ateliers et de spectacles. Le 4e dit « Animation », voit l’organisation d’événements et d’ateliers festifs. Et puis il y a le pôle jardins.

Une parcelle est consacrée à l’observation citoyenne et à la recherche. Classé relais de biodiversité, ce jardin abrite des espèces rares, notamment végétales. Scientifiques et bénévoles y pratiquent des essais d’agroforesterie, un inventaire de biodiversité et travaillent au projet de mare écologique. Un espace ludique et pédagogique.

le jardin du GRAIN

Le jardin relais de biodiversité et support de recherche ©JB

Bénévoles et professionnels

Quelques mètres plus loin, une autre parcelle accueille des projets professionnels. Parmi eux, la ferme florale de Marie-Laure. Elle prépare sa parcelle et prévoit de planter en même temps fleurs et légumes ainsi que des arbres. A côté, un petit troupeau de brebis, et sous la serre, l’association Mastoc vient de semer ses petites graines. Objectif ? La vente de plants de comestibles notamment d’Asie et d’Amérique du Sud auprès des marchés locaux et des épiceries paysannes.

l'agriculture au GRAIN

Marie-Laure explique comment elle prépare le sol pour ses futures plantations de fleurs ©JB

Car le GRAIN milite pour la mutualisation, la mise en valeur du lieu et un modèle économique nouveau. Aujourd’hui, une douzaine d’acteurs y font pousser leur petite entreprise, agriculteurs, artistes ou artisans. « Notre idée, poursuit Valentine, c’est que ça ne peut marcher individuellement que si ça marche collectivement ».

Le tiers-lieu, fort de 80 adhérents, accueille ainsi 35 bénévoles actifs et travaille avec de nombreux partenaires. Il organise des chantiers participatifs et de nombreux repas partagés. Le lieu est mis à la disposition de tous et chacun participe à son entretien. Engagé dans la transition, il multiplie les expérimentations, et les travaux de recherche, aussi bien en agriculture qu’en sciences sociales.

sous la serre

Les semis sous serre, une nouvelle activité agricole au GRAIN de la Vallée ©JB

Rencontre fructueuse

Le Talus, le Grain de la Vallée, deux tiers-lieux marseillais. On en compte 200 dans la région. Avec leurs différences, mais aussi leurs questionnements qui se rejoignent. Maïté Scaturro, Suzanne Guillemot et Jérémy Duhamel gèrent le Cercle de l’harmonie d’Aubagne.

Ses responsables ont l’intention d’en faire un tiers-lieu. Car ils en partagent déjà les valeurs. « On est venu connaître et se faire connaître du réseau, expliquent-ils. Partager des expériences, découvrir d’autres modèles économiques et systèmes de gouvernance. C’est enrichissant de voir toutes les sortes de tiers-lieux qui existent. On est venus s’enrichir de ce qui se fait, et voir comment ça se fait ».

le cercle de l'harmonie d'Aubagne

Suzanne Guillemot, salariée, Jérémy Duhamel secrétaire et Maïté Scaturro vice-présidente du Cercle de l’Harmonie d’Aubagne ©JB

Partager les questions, mutualiser les réponses

Après une assemblée générale en plein champ, les représentants de tiers-lieux, d’associations,  de fermes urbaines ou de jardins partagés ont travaillé en ateliers. Parmi les questions qui se posent à la fois aux acteurs de l’agriculture urbaine et à ceux des tiers-lieux nourriciers, le problème du foncier bien sûr. Mais aussi celui de l’eau, de la culture sur petites surfaces ou encore de l’ouverture au public. A réfléchir aussi les questions de gouvernance ou d’équilibre financier…

AG au cahmp

Les débats et échanges ont lieu en plein air au GRAIN de la Vallée ©JB

La journée -financée grâce au projet européen Cities 2023- aura été fertile en partages et en échanges. « Il y a des ponts entre nous, notait Louis Roland, directeur opérationnel de la Cité de l’Agriculture. D’où notre volonté de partager nos expériences et nos pratiques ». Et plus si affinités. Les participants avaient bien l’intention d’identifier des pistes d’action communes pour l’avenir.

Tiers lieu,  kezako 

Difficile de trouver une définition unique. Le tiers-lieu est-il ce troisième lieu, après le domicile et le lieu de travail ? Un lieu défini plutôt par ses pratiques que par ses activités ? Assurément un lieu de partage d’expériences, de formation et de transmission et de mutualisation.

logo Sud Tiers-Lieux Sud Tiers Lieux

En tout cas, les tiers-lieux ont le vent en poupe, et ils sont de plus en plus nombreux. 200 dans la région. Répartis dans les départements, ils sont nourriciers, à dominante recherche ou culturelle. Et déjà organisés en réseau, comme dans France Tiers-Lieux. Dans la région ils se regroupent au sein de Sud Tiers-Lieux. La DRAC PACA est d’ailleurs pilote pour leur financement.

Pourquoi un nouveau réseau ? Pour Carl Pfanner, codirecteur du Talus, tiers-lieu adhérent à Sud Tiers-Lieu, «l’intérêt du réseau c’est de mettre en lien de nombreux lieux avec des expériences intéressantes, se connaître et constituer une force et une présence auprès des institutions. Mais cela peut être chronophage, il faut qu’il ait du sens ».

Un réseau régional

Pour Françoise Lacotte, coordinatrice de la Verrerie (Arles), membre du CA Sud Tiers-Lieux, « La région Sud-PACA a du retard sur d’autres régions. On cherche le soutien des collectivités, et on questionne l’espace public, le vivre ensemble, qui partage quoi avec qui ? On voudrait faire changer les politiques publiques ».

Sud Tiers-Lieu compte 25 membres. 14 d’entr’eux composent le CA. Un salarié coordonne le réseau. Né en 2021, il a pour objectif de favoriser les échanges entre ses adhérents.

L’agriculture urbaine

24 fermes urbaines  sont recensées à Marseille.

La Cité de l’Agriculture

Elle voit le jour en 2015, portée par quelques passionnés de la transition agricole et alimentaire. Elle se veut le laboratoire de la transition écologique des villes et vise un modèle « plus sobre, plus sain, plus juste ». Les moyens ? Une agriculture urbaine pour une alimentation durable.

la Cité de l'Agri et les 48 h de l'agri urbainePour une cité écologique

Outre des manifestations telles que les 48 heures de l’Agriculture Urbaine, dans le but de sensibiliser propriétaires fonciers, collectivités et citoyens, la Cité facilite les formations et le suivi de projets individuels de micro-fermes.

Parmi ses actions, la création de la Ferme du Capri qui pratique le maraîchage sur sols vivants et privilégie les cultures exotiques (gombo, piments, gingembre en projet…) Elle emploie 4 salariés, vend à la ferme et sur les marchés proches. Elle accueille scolaires et centres sociaux pour des visites.

En projet, « l’épicerie mobile », pour toucher les quartiers alentours et favoriser le lien social.

Le cercle de l’harmonie d’Aubagne

Ce cercle républicain âgé de 130 ans n’a jamais fermé. Installé en plein centre ville, il dispose de 1000 m2. Outre la buvette, une grande salle permet d’accueillir les réunions d’associations. Au départ consacré à la musique et au sport, le Cercle diversifie ses activités.

Fort de 2 salariés et de 4 à 500 adhérents, il accueille aussi bien des activités culturelles (expos, théâtre, concerts…) que des ateliers et sessions de formation. Et aussi des événements autour de repas partagés. D’ailleurs, une AMAP y a son siège. D’où la volonté de travailler sur le thème nourricier. Les projets ne manquent pas, du développement des activités de la cuisine à celles autour de l’alimentation durable ou encore l’idée d’installer une épicerie vrac.