C’est une première dans la région. A Cavaillon, un verger d’abricotiers bio vient d’être planté sur 2,6 hectares sous panneaux photovoltaïques. Priorité affichée et partagée par l’agriculteur et l’installateur : préserver les récoltes des aléas climatiques.
Ils ont quasiment poussé ensemble, les poteaux et persiennes photovoltaïques d’abord. Et tout de suite après, en janvier dernier, les 1700 jeunes abricotiers. Première récolte attendue d’ici deux ans.
Tout-à-côté, deux parcelles témoin, sans panneaux donc. Le suivi agronomique est assuré par la Chambre d’Agriculture du Vaucluse. Les persiennes couvrent 40% de la surface du verger Elles sont « pilotées », c’est-à-dire qu’elles changent d’orientation en fonction des nécessités. Pas celles de la production électrique, assure l’installateur, mais celles de la plante.
Ombre et soleil pour le meilleur
« C’est un pilotage agronomique qui a la capacité d’optimiser l’ensoleillement de la plante, c’est fondamental. Si vous ne laissez pas la lumière quand elle en a besoin, vous dégradez le rendement agricole explique Boris Marchal, responsable des relations institutionnelles chez Sun’Agri. Ce pilotage entraîne une dégradation de la production électrique, mais il faut l’accepter. »
Un discours qui a séduit Michel André. L’agriculteur, en société avec ses enfants exploite 75 hectares de fruitiers sur la commune de Cavaillon. En bio depuis 20 ans, et même en biodynamie. « Ce qui m’intéresse, c’est la contribution de la structure à la lutte contre les aléas climatiques », analyse l’arboriculteur.
Plus de sécurité pour les récoltes
« Avec les panneaux, on évite la canicule, on a aussi un petit gain sur le gel et l’abricotier y est très sensible car il fleurit de bonne heure, explique-t-il. A la floraison il y aura moins de pression de la pluie et de l’humidité qui sont propices à la monilia » [ndlr : petit champignon responsable de maladie].
Autre avantage, plus besoin d’investir dans des poteaux en bois pour le palissage. Ceux de la structure suffisent. Celle-ci permet même d’installer des filets protecteurs, si nécessaire. Et enfin de moindres besoins en irrigation, car la plante à l’ombre subit moins d’évapotranspiration.
Pas de bénéfice sur la vente d’électricité
Michel André n’a pas payé l’installation, mais il n’en tirera pas non plus de bénéfice, à part de meilleures récoltes. Et c’est ce qui compte pour lui. Pas de bénéfice non plus sur la vente de l’électricité que fournira l’installation, pour Sun’Agri. L’entreprise spécialisée dans l’agrivoltaïsme présente cette technique comme un outil d’adaptation au changement climatique d’abord, et à la transition énergétique ensuite.
Si elle porte les projets et les accompagne, elle est rémunérée par un forfait à l’hectare, quelle que soit la production électrique. « Cette indépendance nous garantit d’être au service de la production agricole » affirme Boris Marchal. Chaque implantation est financée par des investisseurs réunis dans une société de projet. A eux la vente de l’électricité.
Agrivoltaïsme, oui mais pas partout
Sun’Agri est la filiale spécialisée dans l’agrivoltaïsme au sein du groupe SunR, lui-même pionnier du photovoltaïque. Sun’Agri a conduit plusieurs programmes de recherche avec l’INRA. Aujourd’hui, la moitié des cinquante salariés sont ingénieurs agronomes. « Nous avons des critères d’implantation. Un terrain à peu près plat, assez grand pour amortir l’investissement (autour de 3 hectares), où l’agriculteur va renouveler son verger ou sa vigne. Mais pas sur n’importe quelles cultures. Par exemple, pas sur des amandiers, ils sont trop sensibles à l’ombrage, précise Boris Marchal.
A ce jour, l’entreprise a installé 33 projets en France. Principalement dans la vallée du Rhône, en Nouvelle Aquitaine et sur tout le pourtour méditerranéen. Autant de secteurs qui vont particulièrement souffrir du changement climatique.
D’autres projets sont dans les tuyaux. Sun’Agri se veut vertueuse, au sein d’une filière où tous les acteurs n’ont pas forcément les mêmes priorités. L’entreprise a défendu une position restrictive dans la concertation pour définir le cadre juridique de l’agrivoltaïsme. Elle espère aujourd’hui que les contrôles et sanctions prévus par le nouveau décret seront sévères envers ceux qui seraient moins sérieux.